Philosophe spécialiste de la théorie architecturale à l'âge humaniste et classique, Pierre Caye nous permet de mesurer l'importance de la discipline architecturale non seulement dans la constitution de la théorie de l'art, mais, plus généralement encore, dans l'élaboration d'un paradigme inédit de la technique, distant à la fois du monde des artisans et de celui des ingénieurs, paradigme qui certes annonce par maints traits la technique des Modernes mais en entretenant avec la nature un rapport radicalement distinct de l'approche démiurgique que propose cette dernière.
Présentation d'un recherche qui, à travers la perspective technique ainsi revisitée, permet de questionner différemment les rapports de l'homme au pouvoir et à son horizon métaphysique.
La pensée de Heidegger, réputée difficile, permet pourtant de comprendre les aspects les plus sombres du monde contemporain, notamment, le ravage de la terre par la technique.
Penseur de l'enracinement, porteur d'un nouveau regard sur l'histoire de la philosophie, Heidegger nous invite à méditer le mystère de l'Être, à entendre les paroles de l'origine et à attendre, dans la sérénité, "un dieu qui pourrait nous sauver".
Émission "Les idées à l'endroit", animée par Rémi Soulié.
Figure singulière, unique de la biologie du XXe siècle, directeur de l'Institut de Zoologie de Bâle, Adolf Portmann (1897-1982) se penche sur le déploiement des formes animales. Taches, marbrures, zébrures du pelage des mammifères, variété des plumages, ocelles des papillons, détail d'un duvet qui forme dessin quand l'oiseau prend son vol, port de tête, partout beauté, minutie... Ce qui est écarté comme secondaire, décoratif par le discours dominant de la science est au contraire riche de sens !
Les animaux n'existent pas seulement objectivement, ils se montrent les uns aux autres, ils apparaissent et c'est une fonction fondamentale du vivant.
Merleau-Ponty saluant La Forme animale, ce grand livre, écrit : "La vie, ce n'est pas suivant la définition de Bichat, l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort, mais c'est une puissance d'inventer du visible."
Un entretien mené par Fabrice Hadjadj.
Les déconstructeurs sont à la mode. Dans le cadre du mouvement wokiste, ils sont sortis des sphères purement universitaires. Ils veulent imposer partout leur opinion (doxa), à savoir que rien n'est stable et que rien ne doit l'être : tout doit être tourmenté et éphémère. "Ni ordre, ni beauté" pourrait être le mot d'ordre de la déconstruction.
Le wokisme se veut vigilance contre toutes les discriminations. Il est en fait refus de toutes les singularités, et négation de toutes les identités. C'est pourquoi le wokisme s'accompagne d'une "culture de l'annulation" (cancel culture), consistant à refuser toutes les transmissions culturelles au motif qu'elles sont ou peuvent être hiérarchisantes ou excluantes.
Analyser la déconstruction, c'est porter notre attention sur la matrice d'un mouvement qui veut nous empêcher de poursuivre notre histoire d'Européen.
L'universalisme est aujourd'hui l'aspect le plus contesté de l'héritage des Lumières. Pour les uns, il désigne un idéal d'émancipation par la raison, d'égalité entre tous les êtres humains. Pour les autres, à l'inverse, il incarne une forme d'impérialisme culturel et de refus des différences.
Pour sortir des caricatures, il faut revenir au XVIIIe siècle. On voit que les Lumières n'ont pas développé un universalisme univoque. Elles ont plutôt développé trois langages concurrents de l'universel. Le premier est juridique et cosmopolite, il pose l'égalité abstraite des individus. Le second est historique : il réfléchit aux conditions de développement de la "civilisation". Le troisième, enfin, est critique. Il s'enracine dans des situations de domination et prône l'affranchissement. Ses trois langages ne cessent de dialoguer et d'interférer, jusqu'à ce que la Révolution française les redéploye sur un plan plus ouvertement politique : celui de la citoyenneté.
L'héritage des Lumières, bien compris, se situe là : dans la possibilité d'effectuer un retour réflexif sur les origines conflictuelles de l'universalisme moderne.
Du village d'Épenoy dans le Doubs jusqu'au Collège de France, en passant par la khâgne du lycée Lakanal à Sceaux, l'ENS, l'université Paris-I Sorbonne ou l'université de Genève, le parcours de Jacques Bouveresse est à la fois très classique et marginal. S'inspirant de la tradition issue de la philosophie analytique et de la littérature autrichienne (Kraus, Musil), Bouveresse a traversé les modes intellectuelles des années 1960, 70 et 80 sans jamais se compromettre avec elles.
L'occasion de revenir sur un parcours singulier et une oeuvre orignal qui n'a jamais cédée aux sirènes de la déconstruction, du postmodernisme et des nouveaux philosophes, et qui a constamment tenté de défendre un rationalisme lucide sur les pouvoirs de la philosophie mais aussi, et peut-être d'abord surtout, sur les illusions qu'elle ne cesse d'entretenir sur elle-même.
Alors que dans Comprendre l'Empire, Alain Soral partait de la Révolution française, de la succession Ancien Régime/République, de l'opposition Religion et Raison, y démontrant notamment tout ce que ce régime théocratique avait de raisonnable sur le plan pratique et tout ce que cette raison politique avait de fanatique et de déraisonnable dans les actes et les faits, s'y déployait aussi une logique, une logique politique de pouvoir et de domination. Mais de domination au nom de quoi ?
Cette nouvelle domination des uns sur les autres, de la démocratie républicaine sur la monarchie théocratique, puis même de la république démocratique sur la démocratie républicaine s'est faite au nom d'un nom magique, d'une idée parfaitement séductrice : l'égalité !
L'épopée moderniste, la grande idée, le concept au coeur de la dynamique du cycle c'est ça : le pouvoir au nom de l'égalité. Et une égalité de plus en plus totale, soit, en bonne logique, de plus en plus formelle et abstraite, ce qui se traduit le plus souvent dans la pratique en absurdité, voire en son contraire. Le voilà le coup de génie qui embrasse toute l'époque, la suprême arnaque comme sortie de la tête même du diable : l'inégalité au nom de l'égalité !
Alain Soral nous fait cheminer de la Tradition à Marx, de la logique formelle à la complexité du réel, de la parole du Christ à la loi du nombre et du Marché, jusqu'à ce futur qui se déploie sous nos yeux, entre surveillance de masse, censure et dictature à venir du grand reset...
Le déclin du mariage dans nos sociétés contemporaines n'a évidemment pas supprimé la question de la fidélité en amour. Peut-on encore promettre d'être fidèle ? Peut-on aimer hors d'une telle promesse ?Peut-on être aujourd'hui fidèle quoique volage, alors que d'autres s'enfermaient hier dans une fidélité toute formelle ?
Refusant les lieux communs, la philosophe Michela Marzano montre ce qui se cache réellement derrière cette notion complexe. Elle distingue, entre trois formes de fidélité qu'on confond souvent : celle qui relève de l'obligation sociale, celle qui appartient au domaine de l'idéal et de la foi, et celle qui permet la rencontre et assure la possibilité de l'amour.
Au terme de ce parcours on voit se dessiner une nouvelle fidélité comme présence à soi et à l'autre, comme espace d'accueil et de partage. Et c'est le mystère de l'amour qui se trouve éclairé.
Émission "Planète Féministe", animée par Marie-Anne Juricic.