En tant que psychiatre dans un centre de rééducation fonctionnelle, Maurice Berger reçois des victimes d'agressions qui gardent des séquelles importantes. En tant que pédopsychiatre, il travaille avec des mineurs extrêmement violents qui déclarent tous "n'en rien avoir à foutre" des blessures qu'ils ont occasionnées, avec une absence totale d'empathie.
Pour ralentir l'augmentation de cette violence dans notre société, il faut donc remonter l'histoire psychique de ces mineurs dont un certain nombre deviendront des majeurs dangereux. De manière schématique, ils présentent une violence "individuelle" liées à des maltraitances vues ou subies dans l'enfance, ou une violence liée à un milieu familial clanique, ou une violence commise en bande où le rôle du leader négatif est essentiel.
Le point commun est que les sujets concernés ne savent pas ce que c'est qu'obéir, à la loi entre autre, et que toute contrainte est ressentie par eux comme une insupportable soumission.
Les récentes expériences chiliennes et françaises de confrontation à l'hégémonie néolibérale ont montré deux points de convergence, qui sont explicités par Pierre Dardot. D'une part, l'idée que la pluralité des luttes concerne le contenu démocratique lui-même, et non un affaiblissement organisationnel. D'autre part, le diagnostic selon lequel la cohésion néolibérale est de nature stratégique, basée sur des politiques de guerre civile et d'inimitié.
Il n'est pas de société humaine qui n'ait soulevé la question de ses origines. Notre propre culture ne fait pas exception. Mieux : elle se singularise par la pluralité des discours d'origine qui y circulent.
Véritable originologie, l'enquête de Pascal Nouvel identifie quatre types de discours d'origine : les discours mythiques (comme la Genèse) ; les discours rationnels (de Thalès à Auguste Comte) ; les discours scientifiques (Big bang, origine de la vie, origine de l'homme, etc.) ; et, enfin, les discours phénoménologiques (qui mobilisent, dans le sillage de Husserl, la notion d'" originaire "). Sont ainsi examinées les diverses façons par lesquelles il nous est donné de parler de ce qui fût avant toutes choses.
Thèse dans la thèse, il est montré que c'est la biologie qui a ouvert la voie à la physique pour l'élaboration de discours d'origine de type scientifique et non l'inverse. Il nous invite à l'analyse détaillée de ces discours et des rapports multiples, de légitimation ou de délégitimation, qu'ils entretiennent entre eux, y compris dans leurs dimensions éthiques, sociales et politiques.
Émission "Idées", animée par Pierre-Edouard Deldique.
Romancier, chroniqueur, dramaturge, scénariste, parolier, essayiste, pamphlétaire, Jean Cau avait vingt cordes à son arc. Parmi elles, le journalisme. L'écrivain était un journaliste d'exception, de passion et de rigueur qui savait mettre une culture rare au service d'une langue drue, directe, maniée comme une flamberge.
Fils d’ouvrier agricole, né à Bram dans l'Aude, en 1925, monté à Paris, secrétaire de Jean-Paul Sartre, il rompit dans le fracas avec l'intelligentsia parisienne. Compagnon de route d'Éléments, le journaliste occitan a successivement mis le feu à France Observateur, scandalisé L'Express, réveillé Le Figaro littéraire.
Plus tard, à Paris Match, le poids des mots, c’était lui ! Chacun de ses articles touchait pile en pleine cible : les tièdes, les marionnettes du temps et les rien-pensants.
À la question de savoir comment redonner ses lettres de noblesse au journalisme, métier à l’agonie, castré par la censure et le politiquement correct, la réponse est simple : se plonger dans Jean Cau.
Cormac McCarthy est né en 1933 dans l'état de Rhode Island. Il est l'auteur de 12 romans et scénariste pour le cinéma et la télévision. Son premier roman, Le Gardien du Verger, paraît en 1965. Le Méridien de sang, en 1985 est considérée comme son œuvre majeure, bien que son roman suivant ait rencontré davantage de succès : De si jolis chevaux, en 1992, ouvre la "trilogie des confins". En 2005 paraît Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme qui a fait l'objet d'une célèbre adaptation au cinéma par les frères Coen. Enfin, La Route (2006), grande épopée dans une Amérique post-apocalyptique, lui vaut d'être lauréat du Prix Pulitzer.
Seize ans après, Cormac McCarthy est de retour avec deux parutions quasi-simultanées : Le Passager et Stella Maris. Son éditeur français Olivier Cohen et l'écrivain Fabrice Colin en profitent pour évoquer l'ensemble de son œuvre.
Émission "Le Book Club", animée par Nicolas Herbeaux.
Journaliste, essayiste, romancier et historien, Emmanuel Berl connut une forte notoriété dans le cours du dernier siècle, à la croisée de la vie intellectuelle, de la création littéraire et de tous les remous de la politique. Cette émission s'emploie à restituer sa portée contemporaine à un auteur qui compta en son époque et que l'oubli risque d'éloigner de notre attention et de notre intérêt.
Journaliste, il fut écouté, commenté, discuté. Romancier, il restitua les sensibilités de son époque dans des livres qui rencontrèrent leur public. Historien, méfiant envers tous les académismes, il fit émerger, contre la doxa, des interrogations originales et stimulantes. Sa langue était sûre et précise, libre de toute enflure. Sa curiosité le portait sans relâche vers toutes les étrangetés de l'humanité.
Et en même temps notre regard est voué à s'enquérir des raisons qui lui firent, à la fin des années trente, et au début du régime de Vichy, prendre des positions qui peuvent, avec le recul, heurter. Son obsession de lucidité le conduisit alors dans un chemin qui nous paraît, avec le recul, en contradiction avec les aspirations et les convictions de sa jeunesse. Il se peut bien qu'Emmanuel Berl ait incarné de la sorte les effets d'un pacifisme intégral qui en aveugla bien d'autres, dans sa génération, celle des tranchées de 14-18, sur la portée et les enjeux de la Seconde Guerre mondiale.
Émission "Concordance des temps", animée par Jean-Noël Jeanneney.
"Je ne dirai jamais quelque chose que je ne crois pas" : quant à la vérité, Trump assume un positionnement moral, la sincérité et l'utile prévalent. Le phénomène Trump est-il la manifestation d'un certain nombre de pathologies, de vices, de dysfonctionnements de la démocratie ?
Qu'est-ce que les citoyens attendent vraiment de leur président ? Est-ce la vérité avant tout ?
Émission "Les Chemins de la philosophie", animassion Adèle Van Reeth.
Pourquoi les Églises et les chrétiens ont-ils tant tardé à se mobiliser en faveur de l'abolition de l’esclavage ? Et comment a-t-on pu si longtemps s'accommoder de cette insoutenable contradiction associant une religion prônant l'amour de son prochain avec la réalité de pratiques esclavagistes attentatoires à la dignité humaine, parfois justifiées par des alibis religieux, voire génératrices de profits pour l'institution ecclésiastique ? À ce premier discours très critique en répond un second présentant l'histoire du christianisme comme celle d'une lente, nécessaire et logique maturation de l'idée abolitionniste, en quelque sorte contenue en germe dans son esprit.
Aucune de ces explications univoques ne peut rendre compte d'une relation aussi complexe. Antique, médiéval, moderne ou contemporain, l'esclavage se recompose en effet en permanence, jouant un rôle plus ou moins important selon les époques, et touchant des populations différentes. Le christianisme, aussi, se recompose sans cesse. Et les débats se multiplient, s'enchevêtrent, se recombinent. Paul pense que le chrétien doit se faire esclave de Dieu pour se libérer du péché. Pendant des siècles on s'évertue à protéger de l'abjuration les chrétiens esclaves de non-coreligionnaires, tout en admettant qu'un chrétien puisse être esclave d'un frère en foi. La question concerne également l'Autre, musulman, Indien d'Amérique, Africain. Théologiens, institutions, simples chrétiens se questionnent, s'affrontent parfois. Aux fausses certitudes de certains répondent les doutes et l'engagement d'autres. Au XVe siècle, cela en est fini de l'esclavage des chrétiens par des chrétiens. Au siècle suivant, l'esclavage des Indiens est officiellement aboli dans l'Amérique espagnole, avant que ne se pose la question de celui des Africains.
Émission "Les Racines du présent", animée par Frédéric Mounier.
Le 15 mai 2024, le documentaire Les survivantes a fait le buzz sur les réseaux. Composé de différents témoignages de personnes se disant avoir été victimes durant leur enfance de viols à caractère sataniste et témoins de sacrifices de bébés, il est venu alimenter un certain discours complotiste qui tend à nous présenter l'élite dominante comme étant sataniste, inatteignable et omnipotente. De quoi discréditer selon certains la vraie dissidence qui mène un combat méthodique et sérieux contre l'oligarchie. Mais surtout, il s'agit là d'un discours paralysant, dépressif et anxiogène, de nature à décourager les gens à s'inscrire dans une lutte d'éveil et d'émancipation.
Mais qu'en est-il réellement ? N'est ce pas là peut-être un simple écran de fumée pour cacher les vrais rapports de force et les vrais réseaux pédophiles derrière ce folklore sataniste ? De même, une certaine dérive psychanalytique n'a t-elle pas contribué à construire de faux souvenirs dans l'esprits de ces jeunes femmes ?
Un entretien mené par Rachid Achachi.
Le prodige de l'origine des langues ne se réitère pas seulement devant nous chaque fois qu'un enfant commence à parler : il se réitère en nous et par nous chaque fois que nous prenons la parole, que nous répondons à une question posée ou que nous nous mettons à écrire. Cette liberté que nous découvrons chez les nouveaux-parlants ne nous est pas étrangère ; c'est elle qui nous porte depuis longtemps, nous les vieux-parlants. Mais si familière soit-elle, elle nous échappe en partie à nous-mêmes.
Quelle leçon faut-il tirer de tout cela ? A coup sûr, il importe de renoncer aux rêveries historiques ou poétiques sur la "langue originaire" et d'accepter que nous nous situions "au milieu de l'histoire". Mais cela n'implique pas qu'on doive renoncer à toute forme de sensibilité à la question de l'origine. Même si on doit renoncer à expliquer "le mystère de la formation des langues", il peut y avoir, au milieu même de l'histoire, un "prodige de l'origine". Il y a des événements qui sont à la fois seconds par rapport à une origine antérieure et qui, tout en étant des recommencements, sont aussi de vrais commencements absolus.
Une conférence du séminaire "Formes symboliques" organisée par le laboratoire "Linguistique, Anthropologique, Sociolinguistique" de l'équipe de recherche de l'Institut Marcel Mauss.
Le 6 avril 2024 marquera les 30e commémorations du génocide survenu au Rwanda, au cours duquel près d'un million de Rwandais ont perdu la vie. Ce drame est particulièrement resté dans la mémoire collective de l'humanité à cause de la nature extravagante des massacres qui l'ont caractérisé.
Le récit des évènements, qui a émergé au lendemain du génocide, a installé les Hutus, prétendument soutenus par la France, dans le rôle des "Nazis tropicaux", tout en attribuant à Paul Kagame et à la rébellion tutsie du Front patriotique rwandais (FPR) celui des "libérateurs" du Rwanda qui ont mis fin au génocide.
Un narratif bien éloigné de la réalité historique...
Paul de Tarse est une énigme qui a fasciné de nombreux penseurs (Augustin, Luther, Nietzsche, Freud, Heidegger, Ricœur). Pour l'atteindre au plus près, Olivier Boulnois se propose ici de remonter, en-deçà de toutes les interprétations qui l'adaptent en prétendant le respecter, jusqu'à ses Épîtres elles-mêmes. Il discute ainsi ses principaux interprètes du XXe siècle, en s'appuyant sur des recherches historiographiques récentes.
En Paul se joue un nouveau rapport entre le judaïsme et le logos grec qui donnera naissance au christianisme. Mais, au lieu d'apparaître comme celui qui dépasse le judaïsme ou rejette la philosophie, Paul se présente ici comme de part en part juif (par la religion) et grec (par la culture). C'est seulement sur ce fond que peut surgir l'originalité de l'adhésion au Messie Jésus. En effet, Paul exprime et guide l'expérience religieuse des nouvelles communautés messianiques : la théorie est pour lui inséparable de la pratique. Il décrit un nouveau rapport au monde, à autrui et à soi-même, renouvelant ainsi les concepts fondamentaux de l’existence (parole, monde, temps, mal, etc.).
Mieux comprendre Paul, c'est donc être introduit philosophiquement à l'essence du christianisme.