Depuis l'annonce du plan Marshall, au printemps 1947, s'est imposée dans la zone d'influence américaine la conviction que les prêts en dollars des années 1948-1951 avaient apporté une aide décisive aux "pays bénéficiaires". Ils auraient seuls sorti l'Europe occidentale de la faim, de la misère, des ruines et permis sa reconstruction. Ils l'auraient aussi protégée de l'Armée rouge de Staline qui corsetait l'Europe orientale.
Se fondant sur la chronologie et les archives, notamment américaines, Annie Lacroix-Riz éclaire autrement ce dossier. Elle revient sur les accords cruciaux qui, en six années seulement, ont ouvert la porte aux produits et capitaux américains : le Prêt-Bail à l'Angleterre, en 1941-1942, les accords de Bretton-Woods mondialisant le dollar, en juillet 1944, et les accords Blum-Byrnes de mai 1946.
Ces six années marquèrent l'avènement d'un projet qui, loin de dater de la Seconde Guerre mondiale, avait été initié et mené sans répit depuis les années 1890. En définitive, il s'agissait moins de tendre une main secourable à l'Europe que de mettre en place une hégémonie financière, commerciale, politique et culturelle.
Cinq ans après son dernier ouvrage, Jean-Claude Michéa met à jour sa critique du libéralisme en partant des évolutions du mode de vie métropolitain dans Extension du domaine du capital (Albin Michel, 2023).
Ce qu'il nous propose, c'est de renoncer une fois pour toutes à l'idéologie du progrès qui fonde le progressisme intellectuel libéral et de revenir au socialisme des origines, populaire et enraciné.
Émission "Le Grand Face-à-face", animée par Thomas Snégaroff.
Elon Musk et Jeff Bezos aujourd'hui, Steve Jobs et Bill Gates hier, Thomas Edison et Andrew Carnegie un siècle plus tôt... De nombreuses célébrités entrepreneuriales peuplent nos imaginaires. Ces grands hommes seraient des créateurs partis de rien, des visionnaires capables d'imaginer des innovations révolutionnaires, des génies aux capacités hors du commun.
Régulièrement, un même miracle semble se produire : un être d'exception pénètre un marché et le révolutionne. Il y provoque la création destructrice et bouleverse un ordre que l'on croyait immuable. Dans le grand roman de notre économie, les entrepreneurs sont ces héros qui sortent l'humanité de sa torpeur et lui permettent de faire des bonds en avant sur la route du progrès.
Anthony Galluzzo s'attache à défaire cette mythologie, à comprendre ses caractéristiques et ses origines. Il montre en quoi cet imaginaire fantasmatique nous empêche de saisir la dimension fondamentalement systémique de l'économie et contribue à légitimer un ordre politique fondé sur le conservatisme méritocratique, où chaque individu est considéré comme pleinement comptable de ses réussites et de ses échecs.
Émission "Les Oreilles loin du Front".
Depuis plus de quinze ans, l'identité a fait une entrée en force dans le discours politique. L'omniprésence de cette thématique identitaire s'explique avant tout par la perte des repères dans un monde où les grands récits collectifs ont disparu, où les frontières et les limites s'effacent, où les liens sociaux se sont distendus. De telle sorte que, faute de boussole, on ne sait plus qui l'on est.
Dans la situation de crise actuelle, les uns s'affirment bruyamment "identitaires", tandis que d'autres alertent sur les dangers d'un tel "repli". Les premiers pensent que leur culture est menacée, les autres qu'il faut en revenir aux principes de l' "universalisme républicain" qui tient pour négligeables les différences entre les cultures. Pour tout compliquer, on assiste aujourd'hui, dans la mouvance des théories "indigénistes " et "décoloniales", au surgissement d'un identitarisme d'un type nouveau.
Comment en est-on arrivés là ? Et de quoi parle-t-on au juste ? Peut-on avoir une identité si l'on est tout seul ? Qu'est-ce qu'une identité dialogique ? L'identité définit-elle ce qui ne change jamais ? ou ce qui nous permet de changer tout en restant nous-mêmes ?
À ces questions, comme à bien d'autres, Alain de Benoist cherche à donner une réponse sans tomber dans d'inutiles polémiques. L'identité est une affaire trop importante pour être abandonnée aux fantasmes.
Émission du "Libre journal de la nouvelle droite", animée par Thomas Hennetier.
Partout dans le monde, la démocratie se voit attaquée par un populisme nationaliste. Et partout dans le monde, la même énigme : comment des gouvernements qui n'ont aucun scrupule à aggraver les inégalités sociales peuvent-ils jouir du soutien de ceux que leur politique affecte le plus ?
Pour comprendre ce phénomène, la sociologue franco-israélienne Eva Illouz affirme qu'il faut s'intéresser aux émotions. Car elles seules ont le pouvoir de nier l'évidence factuelle et d'occulter l’intérêt personnel.
Elle en a ainsi isolé quatre, qui soutiennent les grands récits populistes : la peur, le dégoût, le ressentiment et l'amour de la patrie. Quatre émotions que les mouvements populistes s'emploient partout à attiser afin de mieux les instrumentaliser.
Une stratégie dont elle montre très précisément les rouages dans l'Israël de Netanyahou.
Alors que les Gilets jaunes ont rappelé à tous ce dont peuple en révolte était capable, Anne Steiner nous propose un voyage au coeur des manifestations et des violences de rue à Paris au début du XXe siècle à partir de son ouvrage Le goût de l'émeute. Manifestations et violences de rue dans Paris et sa banlieue à la "Belle Époque" (L’Échappée, 2012).
L'occasion de revenir sur les définitions de l'émeute et de la manifestation, la façon dont le pouvoir a tenté de les encadrer juridiquement et le constat du retour d'une certaine forme de violence nées des récentes manifestations sauvages en réponse à l'échec du modèle du "mouvement social" et de ses manifestations massives encadrées.
Émission "Sortir du capitalisme", animée par Armel Campagne.
En quoi la possibilité de la guerre nucléaire confirme ou altère-t-elle les analyses développées par René Girard et Benoît Chantre dans leur livre Achever Clausewitz ? Celui-ci met en scène classiquement l'opposition entre l'attaque et la défense et démontre la primauté de cette dernière.
Avec l'arme atomique, on a affaire à trois termes, et non pas deux : la défense, l'attaque, nommée "préemption", et la dissuasion. Jean-Pierre Dupuy démontre que la défense est mise hors circuit, tant pour des raisons techniques que par le fait que la dissuasion implique que l'on ne se défende pas : on prouve ainsi à l'ennemi qu'on ne l'attaquera pas en premier. Il montre aussi que dans l'histoire de l'ère nucléaire, la préemption l'a emporté sur la dissuasion et que les chefs d'État soviétiques russes et américains n'ont jamais exclu de leurs répertoires d'action la décision de frapper en premier.
Jean-Pierre Dupuy illustre finalement ces thèses par cette question lancinante : si Poutine perd la guerre conventionnelle contre l'Ukraine, aura-t-il recours contre les puissances de l'OTAN à ses armes nucléaires tactiques, domaine dans lequel il est de loin le plus fort ?
Le samedi 7 octobre 2023, au lever du jour, la bande de Gaza était le théâtre d'une démonstration de force inquiétante de la part du Hamas. Dans une attaque audacieuse, ce movuement islamiste et nationaliste palestinien a défié la puissance militaire israélienne en lançant des milliers de roquettes sur plusieurs colonies. Cette série d'attaques a ébranlé la mythique réputation du dôme de fer israélien. En parallèle, des combattants du Hamas ont pénétré en territoire israélien en franchissant l'une des frontières les plus fortement gardées au monde, perpétuant ensuite plusieurs massacres et capturant de nombreux civils. Les heures qui ont suivi étaient marquées par une tension palpable, provoquant un traumatisme indélébile du côté israélien.
Lors de cet échange, Youssef Hindi, Eric Denécé et Rachid Achachi nous livrent trois lectures géopolitiques qui, selon les aspects traités, se complètent ou divergent, mais nous permettent de mieux comprendre les tenants et aboutissants du conflit autour de la bande de Gaza.
Les grands médias contemporains (presse écrite, radiophonique ou télévisuelle) véhiculent tout un ensemble de postures, de discours qui forment ce qu'il faut bien appeller une idéologie dominante, c'est-à-dire minoritaire dans la société car propre à une classe ou une caste. À l'intersection de la "gauche" et de la "droite", ce prêt-à-penser est une camisole bien-pensante qui vise précisément à empêcher de penser, par l'intoxication, l'intimidation, le chantage politique au "fascisme". Quels sont les ressorts qui poussent la presque totalité des journalistes influents à colporter de tels discours ? Comment mener des réflexions libres dans cette époque de confusion délibérément entretenue ?
André perrin, enseignant de philosophie, dans une multitude d'exemples relevés au fil des années dans ses derniers livres, en appelle à la lucidité et au courage pour que vive une pensée juste s'émancipant tout autant du conformisme politquement correct qu'aux provocations outrancières.
Le philosophe et professeur Normand Baillargeon, accompagné d'invités acteurs et penseurs de l'éducation, tente de répondre à 10 questions de fond en éducation en se basant sur la pensée de dix philosophes importants dans le domaine.
Les questions abordées, plus actuelles que jamais, s'adressent autant autant au corps professoral qu'aux parents, aux étudiants qu'aux citoyens !
Si le conflit israélo-palestinien est l'otage d'une pléiade de facteurs alliant histoire et géopolitique, d'autres pressions d'ordre socioéconomique et idéologique exercent une influence déterminante. C'est notamment le cas du puissant lobby sioniste chrétien aux États-Unis. S'ils puisent leur discours dans une théologie à fortes implications politiques, les sionistes chrétiens ne se reconnaissent pas dans un seul courant évangélique mais garantissent tous un soutien quasi inconditionnel et des plus efficaces à l'Etat israélien de la part de Washington.
C'est le théologien et philosophe franco-libanais Antoine Fleyfel qui revient sur les origines, la structuration et les enjeux de ce courant hétéroclite qui voit dans la création de l'Etat d’Israël une réalisation des prophéties bibliques et qui compte aux Etats-Unis plus de 100'000 pasteurs pour 40 millions d'adeptes.
En partant de l'état du monde, Alain Policar fait du cosmopolitisme une figure contemporaine d'une théorie de la justice globale. Celle-ci suppose un renouvellement du concept de citoyenneté qui conduit à reconnaître au citoyen des droits liés à son appartenance au monde. Il fait du souci moral à l'égard des autres, constitutif du cosmopolitisme moral, une valeur intrinsèque et suggère que l'attachement au bien commun est ancré dans notre condition. Alain Policar cherche donc à lier anthropologie et politique en examinant ce qu'implique l'idée de nature appliquée à l'homme.
Le cosmopolitisme ainsi conçu implique-t-il de renoncer à nos fidélités singulières ? Non, à condition d'adopter sur nos identités collectives un point de vue radicalement critique. Il termine l'exposé en précisant dans quel sens on peut comprendre un cosmopolitisme politique, défini comme un cosmopolitisme de l'accueil, construit autour de la figure de l'étranger, et faisant de l'hospitalité une partie du patrimoine moral de l'humanité.