L'Odyssée, le plus ancien poème de la culture occidentale, met en scène la métamorphose qui change Ulysse en lui-même sous les yeux dessillés de ceux qui échouaient jusque-là à le reconnaître.
Ulysse constitue ainsi la première d'une longue série de figures donnant corps à cette opération mystérieuse : le passage de l'existence en régime d'obscurité à l'existence "en personne", dans une forme de vérité. Que signifie un tel passage ? Comment s'opère cette transition ? Quelles formes cette idée d'existence en personne a-t-elle pu revêtir dans la pensée occidentale ?
Claude Romano interroge les sources, y compris lointaines, de cette idée d' "existence en vérité" telle qu'elle sous-tend notamment l'idéal moderne d'authenticité personnelle, en retraçant la généalogie de cet idéal et en exhumant certaines de ses formes plus anciennes. Chemin faisant, le lecteur découvre différents types et régimes de discours, philosophique, mais aussi théologique, spirituel, rhétorique, littéraire, esthétique. Romano esquisse ainsi une histoire de la philosophie occidentale aux contours bien différents de ceux qu'on lui prête généralement : à l'écart des grandes métaphysiques du moi et de la subjectivité, il emprunte les chemins de traverse d'une enquête sur les formes de vie et les modes d'existence.
Émission "Et dieu dans tout ça ?", animée par Pascal Claude.
C'est en revenant sur la publication récente des Carnets de guerre d'un hussard noir de la République de Marc Delfaud que le général André Bach et l'historien Dominique Venner reviennent en détails sur le déroulement de la Première Guerre mondiale, notamment du point de vue des soldats eux-mêmes.
L'occasion également de revenir sur certaines idées reçuse concernant le premier conflit mondial, en particulier la question de la justice militaire et des "fusillés pour l'exemple".
Émission du "Libre Journal des historiens", animée par Philippe Conrad.
Le 1er novembre 1700 s'éteint le roi Charles II d'Espagne, souverain d'un empire sur lequel le soleil ne se couche jamais. A la surprise générale, il désigne comme héritier le jeune Philippe, duc d'Anjou, petit-fils du Roi-Soleil. Cette décision arrime le royaume d'Espagne, immense mais à bout de souffle, à celui de France, première puissance du continent. Pour les autres Etats d'Europe, cette alliance est inacceptable. Le conflit qui s'ensuit représente la plus longue et la plus difficile épreuve du règne de Louis XIV.
La guerre de Succession d'Espagne oppose, de 1701 à 1714, les deux rois de la Maison de Bourbon à une vaste coalition dirigée par l'Angleterre, la Hollande et l'Empereur. La France dispose alors de la plus forte armée d'Europe, invaincue depuis plus d'un demi-siècle, et d'une direction stratégique unifiée. Elle va pourtant subir une série de désastres sans précédent face aux troupes alliées commandées par le duc de Marlborough et le prince Eugène de Savoie. La ceinture de fer érigée par Vauban est entamée, les frontières du royaume occupées.
C'est à l'étude de cette catastrophe que se consacre Clément Oury. Dans la lignée d'une histoire militaire renouvelée, il étudie la conduite des opérations depuis Versailles ou La Haye, dans les cabinets des ministres ou sur le champ de bataille. Il s'intéresse au quotidien du soldat comme à son expérience du combat ; aux souffrances des populations dans les zones de conflit ; aux réactions des opinions publiques qui, sidérées ou enthousiastes, voient s'effondrer l'image d'un Roi-Soleil invincible et menaçant. Il analyse enfin les ressorts de la résilience du royaume.
Alors que le désastre parait consommé, les dissensions entre Alliés permettent d'obtenir une paix de compromis. Celle-ci bouleverse l'agencement des pouvoirs en Europe, avec l'affirmation de la Grande-Bretagne et de la Maison d'Autriche. On ne craint plus que le royaume de Louis XIV ne prétende à l'hégémonie. Des décombres du conflit s'impose un principe diplomatique nouveau : l'équilibre des puissances.
Émission du "Libre Journal des débats", animée par Charles de Meyer.
Elles ont brillé, dans les ténèbres du XXe siècle - cette longue nuit de guerres, de totalitarismes, de barbarie où nous errons encore -, de leur désir de vérité et de cette volonté qui consiste à aimer inconditionnellement. Trois femmes, trois voix qui s'entrelacent sans le savoir en une seule flamme dans la nuit où le Verbe se fait silence, dans trois langues vivantes et soeurs, le français, l'italien, l'espagnol. Si différentes dans leur absolue singularité, elles se ressemblent, toutes trois de la lignée d'Antigone, éminente figure du sacrifice, de l'offrande sans concession, de l'amour sans conditions, du "moi" consumé pour accéder à l'être, sans lesquels il n'est pas de révolte authentique.
Dans le temps de vie qui leur fut imparti, brève et fulgurante trajectoire de Simone Weil (1909-1943), morte à trente-quatre ans, longue vie de Maria Zambrano (1904-1991) du début à la fin du siècle, parcours orienté dès la naissance par la maladie pour Cristina Campo (1923-1977) qui ne connut pas la vieillesse, elles ont eu cette capacité si rare de transformer leur vie en destin. Chacune de ces femmes laisse entendre une voix singulière, libérée de la pesanteur, d'une extraordinaire pureté, voix monacale, dépouillée comme le chant grégorien de Simone Weil, voix transparente aux mythes et aux rites de Cristina Campo, voix où bruissent les fleuves de l'exil, charriant les douleurs et les pleurs secrets de Maria Zambrano.
Émission "Le monde de la philosophie", animée par Rémi Soulié.
Direction l'Hôtel du Grand Contrôle à Versailles où résidaient les ministres des Finances de Louis XVI, au XVIIIe siècle. C'est là que se joue le match entre Jacques Turgot et Jacques Necker, le libéral et l'interventionniste… Tous les deux hommes des Lumières et hommes d'Etat, ils tentent, chacun à leur manière, d'endiguer le risque de banqueroute que coure alors le royaume de France.
Mais en quoi ces deux hommes incarnent-ils l'esprit des Lumières ? Sur quel fond exactement porte leur désaccord en matière d'économie ? Et comment expliquer qu'aucune de leur réforme ne parviendra à éviter la crise économique, l'un des déclencheurs de la Révolution de 1789 ?
Émission "Entendez-vous l'éco ?", animée par Tiphaine de Rocquigny.
Quand paraît Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir, en 1949, c'est un scandale. À gauche comme à droite, chez les hommes comme chez les femmes, le livre est jugé grossier et ridicule : "L'initiation sexuelle de la femme est-elle à sa place au sommaire d'une grave revue littéraire et philosophique ?" se demande François Mauriac dans le supplément littéraire du Figaro.
Car oui, dans Le deuxième sexe, sans surprise, Beauvoir parle... de sexe, mais aussi de sexualité, et de sexualité féminine.
Qui avait, avant elle, parlé dans un même ouvrage de philosophie, de puberté, de clitoris et d'homosexualité ? Qui avait brossé le portrait de la femme mariée, de la prostituée, de la femme vieille, de l'initiation sexuelle de la jeune fille, et de la femme indépendante condamnée à être frigide ou masochiste ?
Simone de Beauvoir déplie dans cet ouvrage les ressors incarnés de la domination masculine à travers une réflexion et une description du corps féminin, dépeint tantôt comme un asservissement au destin de femelle, tantôt comme le lieu d'une possible libération.
Émission "Les Chemins de la philosophie", animée par Adèle Van Reeth.
Il n'y a pas de société sans élite. Ce constat est désagréable pour tous ceux qui tiennent l'égalité pour une vertu fondamentale, mais c'est un fait.
Le problème est alors bien connu : comment concilier l'idéal démocratique avec la nécessité que les élites gouvernent de fait. Il doit demeurer un libre jeu, conflictuel, entre le peuple et les grands, pour parler comme Machiavel. Les lois fondamentales doivent être adoptées par le peuple tout entier et les élites doivent être élues par le peuple et doivent lui rendre des comptes. La république idéale n'a pas d'autres principes.
Si nous revenons maintenant à la situation française, il faut faire un constat terrible : celui de la décomposition accélérée des élites. En rajeunissant le personnel politique et en contribuant à l'éjection d'une bonne partie de la vieille classe politique, le macronisme a mis en lumière l'extraordinaire effondrement du niveau intellectuel des élites instruites dans notre pays. La bêtise crasse, la vulgarité, l'absence de tout sens moral et l'incompétence accablante dominent ces nouvelles élites, cette classe des "crétins éduqués" si bien caractérisée par Emmanuel Todd.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Émission des "Entretiens de la Quarantaine", animée par Pierre-Yves Rougeyron.
L'Occident est à bout de souffle, il est tard, probablement trop tard pour changer de cap, et ce qui viendra après la collision annoncée entre la bienpenseance et la réalité, nul ne le sait. Et pourtant, il faut vivre ; vivre avec le déclin de l'Europe, vivre avec la certitude que demain ne pourra qu'être pire qu'aujourd’hui ; vivre en sachant que les jours de la civilisation occidentale telle que nous la connaissions sont comptés.
Que faire ? Comment gérer sa vie au quotidien, comment se projeter, malgré tout, dans l’avenir, et surtout, comment faire pour léguer notre héritage en danger à nos descendants ?
Dans le monde merveilleux de la bande dessinée, celle que l'on peut désormais qualifier de classique, les duos s'épanouissent, les paires abondent, les couples font florès : il est ici question de la fameuse série Blake et Mortimer, d'Edgar P. Jacobs, sur laquelle nous nous penchons en compagnie de Pascal Ory.
Il va s'agir de comprendre ce que peut expliquer que cette oeuvre, qui remonte déjà loin en arrière (le troisième quart du XXe siècle) trouve, aujourd'hui encore, des échos tels que les albums que d'autres créateurs ont osé perpétuer depuis la disparition du créateur, connaissent actuellement des tirages énormes : plusieurs centaines de milliers, selon leurs éditeurs.
Est-ce donc un art spécifique de rejoindre des mythes éternels, entre les pharaons et l'Atlantide, de restituer les fascinations durables de l'archéologie, de nourrir une science-fiction d'anticipations lucides quant aux technologies et aux armements échappant à leurs créateurs, de donner vie à des stéréotypes indéracinables sur les peuples et sur les nations qui s'affrontent, et de porter, à la fin des fins, un optimisme tourmenté mais rassurant sur le triomphe du bien sur mal, des bons sur les méchants ?
Tout cela, oui, probablement, et davantage...
Émission "Concordance des temps", animée par Jean-Noël Jeanneney.
Notre société est subjuguée par ses propres émotions. C'est en tout cas la thèse de la chercheuse et journaliste Anne-Cecile Robert qui a écrit un pamphlet questionnant l'omniprésence, voire le diktat des émotions dans le débat public et dans les décisions prises par nos hommes politiques.
Des marches blanches jusqu'aux causes humanitaires, de la culture de la victime jusqu'au sensationnalisme sans bornes des médias, la sensibilité est partout, l'émotion a toujours le dernier mot, souvent au détriment de la réflexion, du bon sens, et du rationnel.
La Stratégie de l'émotion, c'est le nom du livre paru chez Lux, qui démantèle cette toute-puissance du coeur.
Émission "Chaos", animée par Haekel Bekka.
Auteur de l'ouvrage Vers les Etats-Désunis ? aux éditions Perspectives Libres, le géopolitologue David Teuscher tente d'évaluer les incidences à long terme de l'élection américaine et de ses incertitudes sur un territoire et une société au bord de la sécession et de l'implosion.
Quelque soit le résultat définitif de l'élection, la fragmentation de la société américaine ne va aller que grandissante jusqu'à la sécession possible de certains Etats, regroupés en "méga-régions".
Et le tout au prix d'une guerre civile ? C'est l'une des grandes questions de cet échange.
Émission "Grand Angle", animée par Thomas Arrighi.
C'est notamment à partir de Bourgeois et bras-nus. Guerre sociale durant la Révolution française (Libertalia, 2013) de Daniel Guérin et de Les Jacobins Noirs. Toussaint Louverture et la Révolution de Saint-Domingue (Amsterdam, 2017) de C. L. R. James que l'historienne Caroline Fayolle revient sur les luttes de classe, de genre et les enjeux de décolonisation en France et à Saint-Domingue (Haïti) entre 1789 et 1804.
Plusieurs points de vue qui, croisés, permettent de renouveller la vision que l'on peut avoir de la Révolution française.
Émission "Sortir du capitalisme", animée par Armel Campagne.