Bernard Stiegler nous invite, dans cet entretien en 5 parties, à penser l’articulation entre la politique, le désir et la technique.
Partie I
Pour cette première partie, il revient sur le cœur de sa pensée, ce qui constitue pour lui l'impensé de l’histoire de la philosophie : la question de la technique comme participant de et à la constitution de l’homme. Il nous invite à un voyage au temps des présocratiques et des sophistes où, pour la première fois, la technique fut pensée comme potentiellement nuisible. Depuis la naissance de la métaphysique jusqu’au XVIIIe, la technique a principalement été pensée comme illusion. Depuis la première révolution industrielle jusqu’à nous, une accélération techno-logique prodigieuse s’est opérée. Au XXe, la technique est devenue synonyme de destruction, et l’humanité semble face à une impasse. Puis, il aborde le problème de la consommation devenue essentiellement souffrance. Le capitalisme est passé de la problématique de la "baisse tendancielle du taux de profit" à celle de l’adoption permanente de nouveaux objets de consommation. Ainsi le marché qu’exploite aujourd’hui le capitalisme est celui des consciences, par la captation de la libido vers les objets de consommation. Cet état de fait conduirait non seulement à un épuisement du désir, mais aussi à une destruction de ce que Stiegler nomme le narcissisme primordial.
Partie II
Bernard Stiegler développe ensuite son idée de la destruction du narcissisme primordial à travers trois évènements pour lui symptomatique d’une grande catastrophe : Le 11 septembre 2001, destruction du World Trade Center ; le 21 avril 2002, ascension de l’extrême droite au second tour de l’élection présidentielle ; le 26 mars 2002, assassina par Richard Durn de 8 conseillers municipaux à Nanterre. Il existerait aujourd’hui un désamour de l’humanité pour elle-même. Il faut se ressaisir et opérer une nouvelle critique du capitalisme. Bernard Stiegler revient sur les concepts Freudien de libido et de sublimation, laquelle est impossible sans singularité. Or, le capitalisme vise aujourd’hui la synchronisation globale et la destruction de toute singularité au profit de particularisme exploitable commercialement. En outre ce système désastreux exploiterait de véritable phénomènes d’addictions aux objets de consommation, ainsi qu’aux objets temporels que sont par exemple les programmes télévisuel. Cet état des lieux n’est pas une fatalité nous dit le philosophe. Il convient avant tout d’inventer de nouveaux modèles industriel. D’autres initiatives sont également à mettre en œuvre, comme le développement de communautés de praticiens et non d’usagers.
Partie III
La conférence proprement dite : que signifie aimer ? Bernard Stiegler développe sont point de vue en revenant sur un fait divers, celui des parents Cartier qui tentèrent d’assassiner leur enfants pour qu’ils accèdent à un monde meilleur. Si le jugement de ces parents a bien eu lieu, un autre jugement aussi important devrait avoir lieu : celui d’une organisation sociale infanticide qui favorise de tels comportements. Car ces parents étaient devenu esclaves d’un système marchand qui leur avait fait croire qu’aimer c’est acheter alors que plus ils achetaient moins ils aimaient. Pour le philosophe, ces personnes étaient intoxiqués et la désintoxication est une question éminemment politique. Il revient alors sur la destruction du désir, la dés-individuation, la misère symbolique et spirituel régnante, autant de symptômes d’une société hyper-industrielle qui se détruit elle-même. Il aborde également le problème des enfants turbulents, aussi appelé "enfants hyperactifs" qui souffrent de trouble de l’attention et auxquels ont prescrit des camisoles chimiques afin de les rendre plus docile et obéissants. Ces enfants, ces "délinquants en puissances" que le Président de la République propose de détecter et de ficher dès l’âge de 3 ans, pour lesquels l’Inserm propose une chimiothérapie, ces enfants, ont simplement besoin d’un peu d’attention, nous dit Bernard Stiegler.
Partie IV
Dans cette seconde partie de la conférence, Bernard Stiegler aborde la question du Théâtre. Question surdéterminée par la technique nous dit-il et notamment par celle de l’écriture. Dans l’antiquité, avec le théâtre, apparaît le public et le citoyen. Le théâtre interroge l’espace sacré, profane ainsi que le devenir et il participe à l’individuation psychique et collective. Pour Bernard Stiegler le théâtre est un culte et non un rituel. Il aborde alors la différence qu’il fait entre le plan des subsistances, le plan des existences et le plan des consistances. C’est au niveau des consistances que se joue le désir.
Partie V
Jeu des questions/réponses avec le public.
David L'Epée est allé à la rencontre du philosophe et musicologue Dominique Pagani, ami de feu Michel Clouscard et partageant sa pensée - forme de néo-marxisme aux implications dialectiques rigoureuses, connue notamment pour avoir brillamment développé la critique du libéralisme libertaire.
Se réclamant l'héritier d'une séquence historique qui s'étend de Rousseau à Lénine, Pagani, auteur d'un petit essai très dense, Féminité et communauté chez Hegel (Delga, 2010), se passionne pour ce qu'il appelle la fusion des genres, un processus artistique qu'il voit à l'œuvre dans l'histoire de la littérature et de la musique depuis la Révolution française et qu'il expose avec beaucoup de verve dans l'entretien ci-dessous.
Dans la première partie, Pagani évoque ses origines corses et parle de son rapport à l'Afrique (où il a passé de nombreuses années, son père travaillant dans l'administration coloniale), de ce qu'il a pu observer là-bas des pratiques de l'oralité et de l'avenir de la francophonie dans cette partie du monde après la décolonisation. Il rappelle quelques éléments de la pensée de Michel Clouscard et met en garde contre une certaine lecture contemporaine réactionnaire du philosophe marxiste, qui porte en elle une dérive puritaine. Fidèle en sa croyance au progrès, il dénonce le discours écologique qui est selon lui une manoeuvre du capitalisme actuel lui permettant de justifier le ralentissement de la croissance tout en moralisant les pays en voie de développement. Il en vient ensuite à son sujet de prédilection, l'histoire de la fusion des genres, et évoque quelques grandes figures qui lui sont chères : Rousseau, Hegel, Nerval, Nietzsche, Wagner.
Dans la seconde partie, il commence par parler de son fils, qui a connu son heure de gloire dans les années 1990 comme artiste hip-hop, puis il revient sur quelques épisodes des Confessions de Rousseau dans lesquels il décèle un érotisme particulier. Il compare les formes allemandes et françaises du romantisme et prend la défense de Musset, auteur majeur qui tend à tomber dans l'oubli. Il rappelle ensuite la double critique que Lénine faisait de ses successeurs potentiels (Staline et Trotski) et dont il se méfiait à juste titre, et raconte les conditions dans lesquelles le fondateur de l'URSS a découvert l'œuvre de Hegel. Pagani prend alors connaissance de la critique des Chemins de la praxis (l'ouvrage posthume de Clouscard récemment paru aux éditions Delga), rédigée par Alain de Benoist dans le dernier numéro d'Éléments, et la commente. Il évoque quelques souvenirs qu'il garde de Clouscard, se réfère au livre que son ami François de Negroni lui a consacré, et s'en prend à Philippe Sollers et à ceux qu'il appelle les post-sadiens. Il poursuit en faisant une analyse de classe de la pornographie, en dénonçant quelques mauvaises interprétations de Nietzsche et en appelant à une réhabilitation d'un romantisme bien compris. Il termine en rappelant la jeunesse révolutionnaire de Wagner et en se souvenant de la séduction que la Corse avait exercé sur Clouscard, qui avait fini par s'y établir une longue partie de l'année.
On ne présente plus Michel Drac et Lucien Cerise, réunis par Culture Populaire pour la première fois à Nice.
En suivant les travaux de Michel Drac, vous aurez compris que le "système" est entré dans une zone de "turbulences". Mieux vaut attacher nos ceintures…
Le capitalisme néolibéral mondialisé bute sur des limites technologiques et environnementales qui, à moins d’un miracle scientifique, rendent illusoire tout retour d’une croissance pérenne.
Au cœur de ce "système", "l’Empire" thalassocratique à prédominance américaine voit sa suprématie remise en cause par l’émergence d’un contre-empire (Russie/Chine) offrant une porte de sortie vers un monde multipolaire.
Les élites occidentales, sur la défensive, sont passées d’une politique de la carotte (redistribution équitable du rapport capital/travail) à celle du bâton (prédation financière et casse sociale) dont le terrain de jeu privilégié semble être malheureusement l’Europe.
Les deux invités illustrent les méthodes de ce durcissement envers les peuples, et notamment envers le peuple français. Stratégie du choc et stratégies de la tension, ingénierie sociale et grand remplacement, rien ne nous sera épargné pour que la France, pièce fondamentale de l’échiquier européen, reste dans le giron impérial.
Les différentes personnalités ici rassemblées s'emploient à cerner la vie et l'oeuvre de l'écrivain Louis-Ferdinand Céline (1894-1961), depuis sa jeunesse passage Choiseul jusqu'à sa mort à Meudon.
Le portrait du plus grand écrivain français du XXe siècle émerge peu à peu.
Émission du "Libre journal de la résistance française".
A l'opposé de la célébration hagiographique, Roland Hureaux propose une vision renouvelée et moderne du gaullisme. Il en montre d'abord le fondement anthropologique : la conception que le général de Gaulle avait du fait national et des responsabilités du président, s'enracine dans une réalité à la fois multiséculaire et universelle : le principe de leadership.
L'humanité est composée d'entités organisées, héritées de l'histoire qu'il n'appartient à personne de refonder arbitrairement. Aujourd'hui, les Etats-nations sont et demeureront pour longtemps encore le groupe pertinent, n'en déplaise aux tenants des utopies supranationales. Ce qui ne veut pas dire repli sur soi-même ou guerre ; mais, au contraire, devoir de respect, reconnaissance mutuelle, coopération féconde.
A la tête de ces nations, se trouve un chef ou leader, héréditaire ou élu. Ce que les peuples attendent de lui s'inscrit dans les fondamentaux de la nature humaine : les défendre, assurer la paix, la cohésion, la prospérité, soutenir leurs intérêts matériels et spirituels, promouvoir leur rayonnement. Cela suppose que le chef demeure un homme libre, à la tête d'une entité souveraine et qu'il bénéficie du consentement populaire, dont la démocratie est la forme moderne.
Cette conception se situe dans la continuité d'une école de pensée trop méconnue en France : le libéralisme catholique dont Chateaubriand, référence intellectuelle fondamentale du général, fut la figure emblématique...
Elle se trouve à l'opposé de ce qui constitue le "mal du siècle", l'idéologie, forme de gouvernement pervertie, dont le principe n'est pas le service pragmatique des intérêts d'une communauté concrète, mais l'asservissement à une Idée supposée salvatrice, généralement simplificatrice et oppressive, souvent paravent d'une domination étrangère (la "Révolution nationale", le socialisme, la supranationalité).
Une conférence importante pour comprendre et revenir aux fondements de la Ve République.
La Rame à l'épaule est une expression que le devin Tirésias utilise pour signifier à Ulysse que ce dernier devra repartir, une fois de plus, après l'épisode du massacre des prétendants. Tout comme l'exil crée la nécessité du retour, le retour appelle inéluctablement un nouvel exil, de telle sorte que le pas de deux de l'éternel retour caractéristique la vision authentiquement grecque du monde.
Par cet emprunt à la mythologie, Baptiste Rappin qualifie l'Odyssée philosophique du penseur Jean-François Mattéi (1941-2014) qui, grand spécialiste de Platon dont il renouvela profondément l'interprétation, fut l'héritier d'un hellénisme qu'il porta, par sa maîtrise et son génie, à sa pleine incandescence.
Cette conférence pointe vers le centre de la pensée de Mattéi pour surprendre le surgissement de la mythologie au sein même de la philosophie, et détecter la secrète présente du symbole au coeur de la raison. S'ouvre alors un renouvellement de la compréhension de l'histoire de la philosophie dont la trame s'entrelace infatigablement, par le jeu du retour et de la répétition, dans la chaîne de l'Être pour tisser les motifs du monde.
Parce que l’étendue et le dynamisme du Monde francophone demeurent très largement méconnus des Français, et plus globalement des francophones du Nord, Ilyes Zouari, passionné d’histoire, de géographie et de démographie, et amoureux de la langue française, nous propose cette conférence pour nous permettre de (re)découvrir combien l'espace où la langue française est majoritairement pratiquée est stratégiquement important.
Et si le XIXe siècle n’était pas celui qu’on croit ? Voici la question que pose l’historien François Jarrige, historien et spécialiste du XIX, dans son nouvel essai La Modernité désenchantée, relire l’histoire du XIXe siècle publié à La Découverte.
À l’heure où l’enseignement -et la recherche- en histoire font débat, l’auteur appelle à nous défaire de l’idée reçue selon laquelle le XIXe aurait été le siècle du Progrès et de la Modernité (scientifique, esthétique, politique, technique), pour envisager une histoire bien plus complexe... Et peut-être, éclairer notre présent d’un nouveau jour.
Les trois intervenants nous convient ici à débattre du socialisme :
- David L’Épée ouvre la rencontre en présentant ce qui, sur le plan des valeurs, distingue la gauche et le socialisme et pourquoi il importe de clarifier le débat pour que les classes populaires puissent renouer avec un processus d’émancipation de type socialiste, le seul en rupture avec le système.
- Olivier François, quant à lui, se penche sur une forme bien spécifique du socialisme, sa version libertaire. Il évoque le souvenir d’un anarchisme transversal, lorgnant volontiers du côté des pensées contre-révolutionnaires.
- Enfin, Olivier Gnutti donne la place qui lui revient à la praxis en replaçant les conquêtes du socialisme de demain dans une perspective plus militante, se faisant ainsi la voix de l’Organisation Socialiste Révolutionnaire Européenne (OSRE).
Un événement co-organisé par les revues Eléments, Rébellion et l’association Initiatives culturelles.
Alain Supiot, professeur au Collège de France, nous propose une réflexion sur la notion de mutualisation en explicitant ses deux sens différents : un sens juridique qui désigne des opérations de solidarité, d'organisation de solidarité civile à but non lucratif et un sens économique et financier qui regroupe toutes les techniques de gestion des risques.
Ces deux domaines tendraient aujourd'hui à se combiner, de telle sorte que l'on penserait pouvoir se passer de solidarité, notion tierce mais indispensable au bon fonctionnement des deux sphères. Chacune de ces techniques, avec leur légitimité propre, devraient pourtant continuer à être distinguées.
Une conférence organisée par l'Université Cadi Ayyad.
Après les ordinations du 29 juin 1976, et puisqu’il a désobéi, Mgr Lefebvre est frappé de deux suspenses : la première "a collatione ordinum" le 6 juillet, la seconde "a divinis" le 22 juillet. La première signifie qu’il ne peut plus ordonner licitement, la seconde qu’il n’a plus le droit de célébrer la sainte Messe.
Retour sur l'été chaud de 1976 et le bras de fer entre Mgr Lefebvre et la Rome de Paul VI, ayant mené à l'autonomisation de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X de l'Eglise "conciliaire".