Déstabilisée profondément par la violence dont elle fut victime pendant la Révolution, l'Église catholique a développé, dans des textes choquants pour les hommes d'aujourd'hui, toute une vision réactionnaire des notions de liberté religieuse et politique.
Pendant longtemps, elle a condamné en bloc un concept de liberté pensé comme licencieux par essence, conduisant nécessairement à l'erreur. Elle a peu à peu remis en cause ce discours conservateur pour appareiller, avec Vatican II notamment, vers les rives d'un libéralisme politique équilibré, maîtrisé, voyant dans celui-ci une des sources de la dignité humaine.
Histoire de ce basculement avec François Huguenin, auteur de La grande conversion, l'Église et la liberté de la Révolution à nos jours (Editions du Cerf).
Émission "Midi Magazine", animée par Philippe Arondel.
Revenant sur son parcours personnel, Laetitia Strauch-Bonart pose les jalons d'une pensée de droite renouvelée pour le XXIe siècle, à la fois attachée au passé et ancrée dans le présent.
Depuis son enfance marquée par l'absence d'un père jusqu'à sa découverte du conservatisme britannique, elle retrace son cheminement intellectuel vers la droite libérale-conservatrice et développe une vision politique qui promeut, en lieu et place de la facilité du ressentiment, le chemin de la gratitude - envers la liberté et la prospérité dont nous avons hérité, envers les institutions qui nous protègent, envers nos attachements particuliers, de la famille à la nation.
Une réflexion nécessaire qui s'adresse à tous ceux qui s'interrogent sur ce que signifie être de droite aujourd'hui.
- 0'00'00 : L' "auto-essai"
- 0'12'11 : La contrainte est un cadeau
- 0'14'39 : La famille décomposée
- 0'19'10 : Les croyances de luxe
- 0'31'55 : Le conservatisme, un continent caché ?
- 0'38'28 : Rencontre avec Roger Scruton
- 0'50'53 : Le chemin de la gratitude
- 1'03'46 : Éloge du préjugé
- 1'10'34 : Post-modernisme/libéralisme/conservatisme
- 1'17'50 : Rencontre avec Jean-Claude Michéa
- 1'27'40 : Peut-on être libéral et conservateur ?
- 1'47'12 : Conseil de lecture
- 1'49'12 : Pourquoi lire ?
Un entretien mené par Pierre Valentin.
Le travail comme l'éducation sont des modes de relations complexes où souvent l'autorité prend le pas sur l'esprit critique. Pourtant il ne peut y avoir de démocratie sans apprentissage généralisé de l'égalité et de la discussion critique de l'exercice du pouvoir, pour paraphraser John Dewey.
Même si le travail ne suffit pas à définir la totalité de nos vies, il est une activité durable et structurante qui nous engage fortement et reste centrale dans nos existences. C'est pourquoi la démocratie reste vide de sens si la démocratisation des lieux de travail n'est pas réalisée.
Une conférence animée par Jean-Claude Poizat.
Les révolutions ne se prêtent pas aux récits linéaires. Elles sont de véritables séismes qui, en renversant l'ordre établi, renouvellent les horizons d'attente et font advenir des idées, des imaginaires et des canons esthétiques nouveaux.
Pour en mesurer les forces et les puissances de transformation, mais aussi les tensions et les contradictions, Enzo Traverso compose une constellation d' "images dialectiques", où se télescopent les "locomotives de l'histoire" de Marx et le "frein d'urgence" de Walter Benjamin, les corps sexuellement libérés d'Alexandra Kollontaï et les corps disciplinés pour bâtir la "société nouvelle", la création d'images et de symboles (la barricade, le drapeau rouge, les chansons et rituels...) et la furie iconoclaste.
Au croisement de l'histoire intellectuelle, de l'histoire visuelle et de la théorie politique, Enzo Traverso montre que l'idée de révolution offre une clé d'intelligibilité de la modernité, jusqu'à notre présent, où elle continue d'informer souterrainement notre rapport au futur et au possible.
C'est en compagnie de Georges Feltin-Tracol, auteur de Thierry Maulnier, un itinéraire singulier, et de Bruno de Cessole, auteur de L'internationale des francs-tireurs, que nous sommes conviés à suivre la trajectoire de quelques irréguliers de la pensée française et de la littérature internationale.
L'occasion de se rappeler que les authentiques productions intellectuelles et expressions artistiques sont toujours transgressives, frondeuses, en marge des codes de la bonne société et se doivent de revendiquer leur insoumission à tous les conformismes.
Émission du "Libre journal des enjeux actuels", animée par Arnaud Guyot-Jeannin.
Né en 1924, Claude Lefort publie La Brèche en 1968. Il se spécialise auprès du philosophe Raymond Aron sur Machiavel, sans oublier le philosophe Maurice Merleau-Ponty ou la revue "Socialisme ou barbarie" dont il est le cofondateur.
Très vite le trotskysme ne suffit guère à expliquer le stalinisme. Ni le totalitarisme, ni la démocratie. Ses essais -L'invention démocratique en 1981, Essais sur le politique en 1986, Écrire à l'épreuve du politique en 1992- mettent en évidence combien le politique en démocratie est un lieu vide d'où s'articulent droits individuels, civils, politiques et les formes actives du lien social en constante invention.
Parmi les philosophes, il est probablement celui qui a mis le mieux en évidence le caractère inachevé mais aussi constamment créatif de la démocratie. La politique est un jeu entre les rapports de force et les contingences : c'est la nasse du réel dont il faut se défaire et dont nous devons sans cesse déjouer les pièges.
Émission "Le temps qui change", animée par Pascale Werner.
David Graeber, décédé en septembre 2020, était "anarchiste de cœur et anthropologue de profession". A été saluée "son œuvre qui promeut des points de vue anarchistes du changement social, qui sont vécus au sein des mouvements sociaux tous les jours".
Auteur en 2004 de l'ouvrage Pour une anthropologie anarchiste, il explique que "l'anthropologie pourrait être regardée comme la science de l'anarchisme" car "son potentiel radical a toujours été de nous obliger à voir dans les humains beaucoup plus que ce que nous avions été encouragés à imaginer".
Il affirme que l'anarchie est un système possible de vie collective, souhaitable et de portée universelle, "l'anarchisme n'est ni une attitude, ni une vision du monde, ni même un ensemble de pratiques, mais un processus permanent de va-et-vient entre les trois".
Un de ses premiers ouvrages a récemment a été traduit en français : La fausse monnaie de nos rêves - Vers une théorie anthropologique de la valeur. Il y rappelle les diverses approches sociologique, économique et structuraliste de la valeur et leurs limites. Plus que dans les objets, un sens de la valeur émerge de l'échange, des relations directes entre les personnes ne se réduisant pas aux relations marchandes. Ainsi la valeur est un moteur de vie, un déclencheur de luttes, aidant à développer la puissance d'agir, la capacité collective à imaginer des alternatives au monde actuel. Il fustige le "post-modernisme" qui conduit à la mise en avant de l'individualisme, au fatalisme, à l'abandon de tout projet de changer le monde.
Fondamentalement Graeber, pose la question du changement social.
Émission "Trous Noirs".
Professeur de science politique et d'anthropologie à l'université Yale aux États-Unis, James C. Scott a vu plusieurs de ses ouvrages traduits en français, comme Zomia ou l'art de ne pas être gouverné et Petit éloge de l'anarchisme. Ses travaux se situent dans la continuité de Pierre Clastres et de David Graeber en ce qu'il contribue à mettre à mal les récits civilisationnels faisant de l'émergence de l'État, l'outil que les humains auraient construit pour sortir de la "barbarie".
Dans son dernier livre, Homo Domesticus – Une histoire profonde des premiers États, s'appuyant sur de récentes découvertes en archéologie, il montre que "l'État est à l'origine un racket de protection mis en œuvre par une bande de voleurs qui l'a emporté sur les autres". Il met à mal le "Grand Récit" dominant attribuant à l'État le "bien-être" apporté par l'irrigation, la domestication et l'ordre social. En réalité, la sédentarité a déjà existé plusieurs milliers d'années avant l'agriculture sédentaire et il a fallu attendre ensuite plus de 4'000 ans pour voir apparaître les premières cités-États, dans lesquelles l'État incarne le contrôle des populations, la servitude et la guerre - monarque, prêtres et collecteurs d'impôts formant l'élite qui vit du travail forcé de ses habitants.
Comprendre l'origine de l'État, c’est découvrir qu'une autre voie est possible et qu'elle l’est encore aujourd'hui.
Émission "Trous Noirs".