Juriste à l'œuvre aussi abondante et complexe qu'originale, Pierre Legendre n'a pas encore fait l'objet d'études synthétiques qui puissent donner un accès simplifié à son oeuvre.
C'est ainsi tout l'enjeu de cette conférence que de présenter les contours d'une pensée riche qui ne considère pas le droit sous des aspects techniques, mais en vertu de sa portée anthropologique issue de la réforme grégorienne.
Baptiste Rappin alors de présenter les principaux concepts de l'anthropologie dogmatique en gardant à l'esprit que le coeur de la pensée de Pierre Legendre s'articule toujours autour de la question de la généalogie et de la filiation.
Notre société libérale prétend que l'individu a désormais le pouvoir de prendre, pour lui-même, toutes les décisions. Les "choix de vie", tant loués par la publicité ou la presse psychologique, font figure de libertés fondamentales arrachées héroïquement au conservatisme. C'est ainsi, par exemple, que nous pouvons changer de sexe comme on change d'apparence ou de fond d'écran. N'y aurait-il pas là une confusion, voire un mensonge ?
Si le sexe relève de l'anatomie et du réel biologique, le genre obéit quant à lui à la culture et à la sexualité – deux réalités très différentes. Or le concept postmoderne de genre, si cher à l'individualisme ambiant, introduit une grande nouveauté : une "simple" opération chirurgicale permettrait d'effacer la différence sexuelle. Dans le même ordre d'idée, on tient à présenter le transsexualisme comme une nouveauté. C'est oublier que depuis toujours, sous toutes les latitudes et pour mille raisons, des hommes se sont fait passer pour des femmes, des femmes pour des hommes. Le droit de fabuler sur son sexe et d'adopter des pratiques sexuelles sur-mesure s'avère aussi ancien que le droit de se tenir debout.
Dany-Robert Dufour décrypte avec précision les véritables enjeux du phénomène "trans". Où l'on se rappelle que le fonctionnement de l'économie de marché dépend de désirs toujours renouvelés. Et où l'on comprend assez vite que le changement de sexe n'est qu'une option de plus dans le catalogue libéral. Peu importe son coût : sociétal, médical et anthropologique.
colloque "Ethique et questions contemporaines", organisée par des associations de Formation Psychanalytique et de Recherches Freudienne.
Au début des années 1990, en marge de ses propres recherches, Patrick Tort découvre que les États-Unis, par le truchement de leurs fondations philanthropiques, ont financé le nazisme avant de le combattre. Il explique ici comment leur puissance s'est construite sur l'intégration des productions de l'Angleterre victorienne (le "darwinisme social", l'individualisme libéral, l'impérialisme et ses justifications raciales, l'eugénisme auto-protecteur des dominants) au sein desquelles Hitler, dès la rédaction de Mein Kampf, put largement effectuer ses choix.
S'appuyant sur les ressources de l'histoire politique, de l'analyse textuelle, de la psychologie sociale et de la psychanalyse, Patrick Tort conduit une réévaluation critique rigoureuse des usages contemporains de la notion de totalitarisme. Il met en évidence la manière dont les États-Unis ont fabriqué, grâce à la propagande politique, la publicité commerciale, la psychologie des foules et les technologies de l'influence, un nouveau totalitarisme euphorisant et consensuel dont l'effort permanent consiste à occulter sa propre violence sous le vêtement de la "liberté".
Avec l'explosion d'Internet et des chaînes câblées, rien de plus banal aujourd'hui que d'avoir accès à des images X. Il faut en prendre conscience : la majorité des adolescents, à l'âge de treize ans, a déjà vu du porno. Questionnaires et entretiens à l'appui, Michela Marzano a mené une enquête rigoureuse auprès de filles et de garçons, âgés de quinze à dix-neuf ans.
Cette étude sociologique révèle des réactions très diverses, parfois pertinentes, parfois déroutantes, qui aideront les adultes à mieux comprendre les doutes et angoisses que nourrit tout adolescent au sujet des rapports sexuels. Certains sont persuadés que la pornographie "colle avec la réalité". D'autres banalisent l'acte sexuel au point que des garçons croient "pouvoir tout faire avec les filles faciles, celles qui portent des minijupes". D'autres encore pensent que les images X servent à "donner aux garçons envie de coucher avec leur copine".
Comment faire alors pour que les jeunes, dont l'imaginaire sexuel s'est construit bien loin des points de repère de leurs aînés, ne se réfèrent plus à des idées confuses ou déformées ?
Émission "Planète Féministe", animée par Marie-Anne Juricic.
L'Occident (euro-américain) a construit dans sa modernité une "religion industrielle" (Pierre Legendre) accompagnée d'une dogmatique faite de textes, d'images et d'emblèmes célébrant l'efficacité, la technoscience-économie et ses "progrès". Cette religion de l'Occident a une prétention universelle. Sa dogmatique managériale est portée par les entreprises et les institutions internationales, mais aussi par des courants de pensée. Son corpus de textes est constitué des bréviaires et doctrines qui théâtralisent l'efficacité et la performance. Il prétend définir des comportements, des règles du croire et du vivre et contribue au dressage des corps et des esprits.
La généalogie du politique que Pierre Musso élabore ne se limite pas aux textes classiques, mais en fait une archéologie mettant à jour les rôles antipolitiques des figures pionnières de l'État-Entreprise que sont Berlusconi, Trump et Macron.
Un travail qui met en perspective, sur la longue durée, la mutation profonde du politique en Occident et donne à voir ce qui se joue à l'arrière-plan, entre l'État (institution de la religion du politique) et l'Entreprise (institution de la religion industrielle) : un lent processus de neutralisation de l'État qui s'accélère depuis la fin du XXe siècle et semble tendre à son démantèlement, au profit de l'Entreprise… À tout le moins assistons-nous à un transfert d'hégémonie.
Le temps de l'État-Entreprise advient, temps de la mutation du pouvoir et du rapport de force entre les deux institutions désormais hybridées.
Tromper, berner, mystifier, duper, leurrer, truquer, tricher... La part maudite des rapports humains a encore beaucoup d'avenir. On pense à Trump, Poutine, Bolsonaro... Mais on est loin du compte.
Soucieux de décortiquer les mécanismes de l'emprise, Dany-Robert Dufour reprend le personnage emblématique de Fritz Lang, Mabuse, héros de quatre films magnifiques et terrifiants, et lui laisse libre cours. Fritz Lang révélait les trucs et les tours de Mabuse. Dufour fait parler les Mabuse de l'Histoire qui n'ont cessé d'ourdir leurs machinations au fil de l'aventure humaine. Et il apparaît que Mabuse n'est pas un accident de l'Histoire, mais sa règle. Et qu'il ne renvoie pas tant à un personnage, fût-il fictif, qu'à une fonction sociale disséminée, toujours et partout présente.
Dufour présume en somme qu'il existe un art d'abuser l'autre et de l'autre, infestant depuis toujours le coeur même du lien social. Autrement dit, c'est le rapport Maître/esclave que Dufour examine à nouveaux frais. Pour dévoiler les techniques de manipulation mises en jeu par les "Maîtres" afin que les "esclaves" soient comme empêchés d'agir, retenus par des mécanismes non-conscients s'appliquant sur leurs esprits : des psycho-pouvoirs.
On verra que, de l'Antiquité à notre démocratie moderne, ces psycho-pouvoirs, fruits d'une intelligence éminemment politique, très retorse, voire perverse, n'ont cessé de se perfectionner.
"On lie les bœufs par les cornes et les hommes par les paroles". Ce vieil adage juridique s'applique à la Cité qui, à la différence de la Ville, ne désigne pas un regroupement de population sur un territoire donné, mais l'association de citoyens sous l'égide d'une loi commune.
Cette citoyenneté peut s'exercer à des échelles variées — depuis la commune jusqu'au monde entier, mais repose toujours sur divers types d' "assemblées de paroles", qui servent à accorder les citoyens sur une juste représentation de ce qui est et de ce qui doit être. Encore faut-il pour que ces paroles cimentent la Cité, qu'on puisse leur accorder crédit.
Or de multiples symptômes témoignent de nos jours d'une perte de crédit de la parole, qu'elle soit politique, commerciale ou scientifique. Pour saisir les causes profondes d'un tel discrédit, et des violences qui en résultent, Alain Supiot part des conditions institutionnelles qui permettent d'échanger des paroles plutôt que des coups. Sur cette base il devient possible d'esquisser les voies d'une restauration du crédit de la parole dans la Cité du XXIe siècle.
Autour de la grande "déesse néolithique", du dieu-Taureau et du "culte des ancêtres" dans les premières sociétés agricoles du Néolithique, l'anthropologue Alain Testart reprend les données fournies par l'archéologie pour penser l'un des tournants majeurs de l'histoire humaine, à savoir la révolution Néolithique qui aura vu les sociétés de la préhistoire passer aux sociétés agricoles.
Émission "Le Salon noir", animée par Vincent Charpentier.