La Révolution bolchevique de 1917 puis la Guerre civile qui s'en suit jettent des centaines de milliers de ressortissants de l'ancien empire des tsars dans les affres de l'exil. Convaincus pour la plupart que les jours du nouvel état soviétique ne dureront pas, ces Russes que l'on appelle "blancs", par opposition aux "rouges", essaient, tout en survivant péniblement aux contraintes du quotidien, d'organiser des alternatives politiques au communisme. Anarchistes, mencheviks, socialistes-révolutionnaires, libéraux, monarchistes, ils fondent des journaux, des revues et se retrouvent dans des clubs, des cercles, tentant de faire vivre leurs idées au sein de partis confrontés à toutes les difficultés de la vie dans l'émigration.
Parmi ces groupes va naître un courant original, inattendu, fruit de son époque, mais aussi des circonstances très particulières qui ont chassé ces populations hors de Russie : le fascisme. Les fascismes serait-il d'ailleurs plus indiqué d'écrire, car les différents groupes s'en réclamant auront des trajectoires, historiques comme idéologiques, bien différentes les unes des autres. C'est ainsi que, de 1922 à 1945, plusieurs groupes, mouvements et partis russes, réunissant au total plusieurs dizaines de milliers d'adhérents et de sympathisants partout dans le monde, se revendiquent du fascisme, espérant renverser l'Union soviétique par la propagande, les complots ou la force.
En 1945, les survivants, désormais porteurs d'une étiquette politique unanimement réprouvée, sombreront dans un oubli quasi total. Sylvain Roussilon est là pour apporter un éclairage sur une part oubliée de l'histoire de la Russie en exil.
Émission du "Libre Journal de la jeunesse", animée par Pascal Lassalle.
L'historien Henri Guillemin nous offre un exposé du contexte historique dans lequel la Guerre d'Espagne s'est inscrite. Il rappelle d'abord l'aide politique et militaire que Franco reçut de Mussolini et d'Hitler, mais aussi le télégramme de félicitations que le pape Pie IX adressa à Franco après avoir salué sa "croisade" dès septembre 1936, et s'efforce ensuite d'expliquer la non-intervention du gouvernement du Front Populaire de Léon Blum.
Il évoque également les positions prises par les grands écrivains français comme Paul Claudel et Henri Bordeaux qui applaudissent à la victoire de Franco, rejoignant Maurras, Raymond Cartier et François Mauriac qui déclenchèrent alors une campagne de presse violente. L'engagement de Malraux est à relever ainsi que le courage de Georges Bernanos qui s'indigne publiquement contre cette guerre dans Les Grands Cimetières sous la lune.
Quelle a été la matrice idéologique des fascismes ? Les régimes de l'Italie fasciste et de l'Allemagne nazie partagent-ils une similarité de structure ? L'exercice de la dictature a-t-il contribué à reconfigurer l'idéologie qui avait pourtant été à l'origine de la naissance même du régime ?
Autant de questions auxquelles l'historien Olivier Dard, spécialiste de la période de l'entre-deux-guerres, donne réponse en se basant sur les recherches historiques les plus récentes.
Émission du "Libre Journal des historiens", animée par Philippe Conrad.
Les systèmes politiques modernes sont à peu près tous fondés sur la souveraineté populaire. Ce souverain intimide, enthousiasme ou effraie. Sauf qu'il n'est peut-être pas celui qu'on croit.
Plusieurs textes de Pascal Ory -dont quatre livres- viennent d'être rassemblés dans un volume, textes qui présentent tous un caractère d'étude historique où les thèmes du populisme, de l'anarchisme de droite, et certaines conjonctures radicales, comme le fascisme ou la Collaboration, sont analysées en détail.
Retour, en sa compagnie, sur les séquences modernes dans lesquelles le Peuple et la souveraineté qu'il exerce basculent du côté autoritaire, jusqu'à l'amour de la dictature, du côté identitaire, jusqu'à la xénophobie.
Le regain d'intérêt, en France ces dernières années, pour les écrivains très marqués à droite ou d'extrême-droite, à commencer par Maurras, est sans doute à rapprocher de l'immense succès de Michel Houellebecq, dont les romans déplorent un déclin des grandes autorités socio-culturelles du passé qui laisserait l'homme contemporain en mal de repères, livré sans remède à la dépression en contrepartie d'une liberté illusoire. Mais existe-t-il, au plan du style littéraire, une caractéristique commune et spécifique aux auteurs classables dans la catégorie "réactionnaires" ?
C'est la question sur laquelle se penche Vincent Berthelier dans un livre récemment paru aux éditions Amsterdam. Il y revient sur les liens entre classicisme et même purisme stylistique, ou au contraire inventivité des forme littéraires, d'un côté, et conservatisme ou fascisme. Le cas Renaud Camus, par exemple, paraît confirmer le lien entre passéismes stylistique et politique fixé par le modèle de Maurras, puisque Camus abandonne l'inventivité littéraire qui avait jusque caractérisé son oeuvre au moment où il s'engage dans son combat d'extrême droite. Le seul cas où la radicalité politique réactionnaire et la radicalité stylistique vont vraiment de pair est sans doute celui de Louis-Ferdinand Céline. Ce qui n'empêche pas Vincent Berthelier de proposer une très stimulante plongée dans l'histoire stylistique et politique de la littérature des XXe et XXIe siècle, où l'on croise entre autres Georges Bernanos, Marcel Jouhandeau, Marcel Aymé ou encore Cioran et Richard Millet.
Émission "On s'autorise à penser", animée par Julien Théry.
Il est un débat qui ressurgit périodiquement entre militants de la reconstruction communiste : pour faire face à l'irréversible dégénérescence réformiste des partis de la gauche de gouvernement, faut-il ressusciter la tactique "classe contre classe", que conseillait pour l'essentiel l'Internationale communiste des années 1920, ou faut-il revivifier la tactique de Front populaire, patriotique et antifasciste qu'expérimenta le PCF des années 1930 sous l'égide de Maurice Thorez ? Cette tactique, qui stoppa l'offensive fasciste en France et que trop de gens confondent avec la très confuse "union de la gauche" des années 1970, mérite d'être étudiée avec attention.
Professeur émérite de l'université, l'historien Georges-Henri Soutou est d'abord connu pour ses ouvrages de référence sur les relations internationales à l'époque contemporaine. Il vient de publier un nouveau livre aux éditions Taillandier sous le titre Europa !, consacré aux projets européens de l'Allemagne nazie et de l'Italie fasciste.
Cette analyse renouvelée de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale permet de comprendre comment s'est organisée l'Europe de l'Ouest après 1945, en réaction contre les conceptions européennes des années trente et quarante mais aussi selon des continuités économiques, sociales et culturelles qu'il importe de préciser.
Né en 1893 dans une famille bourgeoise, élevé entre un père et une mère qui se déchirent, étudiant malchanceux, soldat de la boue et des tranchées, suicidaire, amant constamment insatisfait, la vie de Pierre Drieu la Rochelle irrigue l'ensemble de son oeuvre littéraire.
Ses poèmes, ses essais, ses nouvelles, ses pièces de théâtre et ses romans racontent toujours une part de lui-même. Du Feu follet (1931) à Gilles (1939), en passant par La Comédie de Charleroi (1934) et Rêveuse Bourgeoisie (1937), le lecteur suit sa destinée à travers des pages magnifiques, mais souvent désespérées. Dans les années 1920, ses amis les plus proches se nomment Louis Aragon, Gaston Bergery, Emmanuel Berl et André Malraux. Mais, habité par le spectre de la décadence (décrit dans Mesure de la France), conscient de la nécessaire unité des patries européennes (développée dans L'Europe contre les patries) et chantre d'un socialisme viril, il n'hésite pas à se proclamer fasciste au lendemain des évènements du 6 février 1934. Une profession de foi (exposée dans Socialisme fasciste) qui le conduira, à se perdre dans les méandres de la Collaboration. Le 15 mars 1945, il met fin à ses jours.
Ceux qui l'ont connu surent souligner sa sensibilité, son élégance, son courage et son sens de l'amitié. Au fil des années ayant suivi son suicide, sa figure de dandy, errant sur les quais de la Seine, a donné naissance à un véritable mythe.
Émission du "Libre Journal de la jeunesse", animée par Pascal Lassalle.