Le développement durable est partout dans les discours, nulle part dans les faits. En témoigne l'absence de résultats des politiques environnementales contre le réchauffement climatique ou bien en faveur de la transition agricole, et cela malgré l'importance des investissements qu'on leur consacre depuis plusieurs décennies. Il en est ainsi parce que ces politiques manquent de fondement.
Il ne suffit pas de dire : "l faut changer le système économique." Encore faut-il sortir l'économie de son péché originel, de son court-termisme natif qui l'empêche de construire un développement vraiment durable, c'est-à-dire un développement où le sens du temps et de la durée déploie toute sa puissance de construction. Il importe à cette fin de reconsidérer les principaux facteurs de production, le capital, le travail, la technique, sous le couvert du temps et de la construction de la durée.
Le capital sous le couvert du temps a pour nom "patrimoine", le travail "maintenance", la technique "protection", tout à l'inverse des idéologies dominantes de l'innovation, de la disruption et de la destruction créatrice. Nos pratiques productives, politiques et sociales s'en trouveront alors profondément changées.
Une intervention qui prend place dans le colloque "Pratiques et usages contemporains des philosophies des techniques".
Dans un contexte que l’on dit à présent marqué par la "post-vérité" et la "post-démocratie", dont la sidérante incarnation est le président Trump, et qui nous donne à croire que l'Anthropocène parvenant à son destin eschatologique s'accomplit comme nihilisme absolu en lieu et place du "savoir absolu" – ce que Bernard Stiegler présenter comme un processus de dénoétisation, c'est-à-dire de prolétarisation totale, qui affecte tout le monde, et Trump plus que quiconque, et ses électeurs comme les nôtres, et nous avec eux –, il est légitime de se demander à nouveau : qu'appelle-t-on penser ?
La pensée doit cependant être ici conçue et soignée d'abord – et elle-même avant tout – comme un pansement sur une blessure qui ne guérit jamais tout à fait. Cette blessure, qui est ce que le mathématicien et biologiste Alfred Lotka aura décrit comme un processus d'exosomatisation, exige de repanser la pensée comme "Sorge", comme soin, au sens d'une therapeia, de ce que Foucault appelait une "technique de soi et des autres", mais sans se laisser enfermer ni dans ce qui aura conduit Heidegger au pire, ni dans l’eau tiède du "care".
Plus que jamais, l'actualité mondiale ou nationale met en question le pouvoir du peuple. Là il se révolte avec fracas. Ici on le voit voter contre les autorités en place. Pour les uns il reconquiert sa liberté. Pour les autres il est aveugle et crée le désordre.
Antoine Chollet nous offre une réflexion sur le pouvoir en examant les fondamentaux. Comment comprendre et articuler la liberté, l'égalité, la responsabilité, l'opposition entre une élite dite éclairée et les masses ?
En Suisse, quels sont les atouts exceptionnels, les dérives ou les illusions de la démocratie directe ? Mal comprise, elle est souvent confondue avec les libertés communales du Moyen Age. Ou admise avec des réserves suspectes.
Antoine Chollet, secondé et interrogé par Marie-Claire Caloz-Tschopp et Andreas Gross, en appelle à plus de rigueur et, fort de ses convictions, conclut par des appréciations sévères sur la politique suisse. Il décèle dans ses élites des tendances clairement antidémocratiques. Et inversement, il expose les raisons d'une confiance renforcée en l'institution même de la démocratie directe.
Le travail abstrait, ou "côté abstrait du travail" (Marx), comme forme sociale, consiste dans la réduction des différents travaux humains à leur seule quantité, mesurée en temps. Ce temps est tout aussi abstrait et vide de contenu que le travail qu'il mesure.
Le temps mathématique et abstrait s’est diffusé à partir de la fin du Moyen Âge, en s'opposant aux formes précédentes de temporalité. Le temps abstrait est devenu la norme du travail entre le XIVe et le XVIIIe siècle. C’est le temps qui compte, non ce qu'on fait dans ce temps. Les objets et les personnes tirent leur "valeur" exclusivement de la quantité de temps de travail qu'ils représentent. La différence entre temps abstrait et temps concret mène à la dichotomie entre richesse concrète et richesse abstraite (donnée par le seul temps abstrait accumulé).
La diminution du temps de travail nécessaire pour chaque marchandise produite comporte-t-elle une redéfinition de la valeur et de l’heure de travail, ou conduit-elle à une "désubstantialisation" de la valeur conduisant à la crise du capitalisme ? Quel est le rapport entre le temps social, le temps individuel et le temps de groupes humains particuliers (sociaux, culturels, ethniques, religieux), et quels conflits peuvent en naître ? Existe-t-il un antagonisme entre les différentes temporalités à l’intérieur de la sphère capitaliste (gagner du temps dans la production versus perdre du temps dans la sphère "affective", domestique – une distribution des tâches qui est souvent liée au gender) ?
Quels sont les effets du temps abstrait sur nos vies quotidiennes ? Le thème de l'accélération constitue-t-il le lien entre l'analyse théorique et les conséquences immédiates du temps abstrait ? Peut-on parler d'une radicalisation du conflit entre les besoins du vivant et ce qu'impose la valorisation abstraite ?
L'arrière-plan théorique du séminaire est constitué par la "critique de la valeur", un courant de critique sociale basée sur une relecture originelle de l’œuvre de Marx. Elle fut élaborée notamment par Robert Kurz en Allemagne et Moishe Postone aux États-Unis.
La société contemporaine apparaît dominée par ce que Marx a appelé le "fétichisme de la marchandise". Mais on y observe aussi une montée du narcissisme au sens de Freud : les individus ne connaissent qu’eux-mêmes et nient la réalité extérieure. Y a-t-il un lien entre ces deux phénomènes ?
En quoi l’inconscient explique-t-il l’omniprésence de formes fétichistes de socialisation tout au long de l’histoire ? Peut-on imaginer un dépassement du "malaise dans la civilisation" en rompant avec le travail, la famille patriarcale et les structures autoritaires, comme le proposait Herbert Marcuse, ou risquet-on de cette manière de remplacer les formes œdipiennes-autoritaires par des formes narcissiques et "liquides" qui ne nous rapprochent pas davantage de l’émancipation ? Vaut-il alors mieux se référer à Christopher Lasch et juger les différentes cultures sur leur capacité d’apporter des solutions "évolutives" – plutôt que "régressives" – à l’angoisse originaire de la séparation et à d’autres données inconscientes ? En quoi cette approche permet-elle de critiquer efficacement de nombreux traits de la société contemporaine "liquide" ? Le sujet narcissique contemporain constitue-t-il une rupture avec le sujet "classique", "fort", "œdipien", ou en est-il plutôt la continuation ? Et quel est le lien entre néo-libéralisme économique et diffusion de comportements narcissiques, en tant qu’exaspération de la mentalité de concurrence ? Faut-il revenir au sujet "autonome", "kantien", et à l’État régulateur ? Est-ce souhaitable ?
Dans ce séminaire, qui fait suite aux cours déjà proférés à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, Anselm Jappe approfondira le lien entre la théorie freudienne et la critique du fétichisme de la marchandise. L’arrière-plan théorique est constitué par la "critique de la valeur", un courant international de critique sociale basé sur une relecture original de l’œuvre de Marx. Elle fut élaborée notamment par Robert Kurz en Allemagne et Moishe Postone aux États-Unis.
Nous vivons dans une société capitaliste dont la caractéristique essentielle est qu’elle constitue une économie libidinale qui vise à capter la libido des individus pour attirer leur investissement sur les objets de la consommation. Dans cette situation, les jeux, notamment les jeux d’argent, sont un cas particulièrement pervers de ce qui est la loi générale du marketing. Cette question se pose aujourd’hui d’une façon gravissime dans la mesure où le capitalisme, en exploitant l’économie libidinale, a fini par la détruire. Cela conduit à la désindividuation des êtres humains, et donc à une forme de contrôle social. L’étude philosophique du pharmakon (à la fois remède et poison) montre que toute société est addictive, qu’il y a de bonnes et de mauvaises addictions, qu’il y a même des addictions nécessaires, et que tout est jeu. Elle ouvre des perspectives philosophico-politiques intéressantes : la nécessité de développer l’individuation des êtres humains, les technologies de l’esprit, une organologie et une sociothérapie.
Séminaire "Trouver de nouvelles armes – Pour une polémologie de l’esprit"
Pourquoi s’intéresser aujourd’hui aux discours des utopistes ? Peut-être parce que, ce dont nous manquons le plus, c’est précisément d’utopie, sans même avoir conscience de ce manque.
Plus fondamentalement, l’utopie ne correspond-elle pas au sentiment diffus que quelque chose ne va pas dans la société, à quoi il faudrait de toute urgence remédier, ce qui fait d’elle l’expression d’un manque ?
En relisant More, Bacon et Campanella, représentants exemplaires de ce qu’on peut appeler l’utopie classique, et Fourier, qui a développé un nouveau type d’utopie sociale propre à la modernité, on se donne quelques chances de s’orienter dans le dédale de la pensée utopique, une pensée qui demeure pour nous, y compris dans ses formes les plus anciennes, d’une brûlante actualité.