Les livres changent le monde. En douteriez-vous ? C'est en compagnie de l'écrivain philospohe Régis Debray et du haut fonctionnaire Didier Leschi qu'au travers de cette série d'émissions nous allons comprendre pourquoi, mais surtout comment.
Cette série sur l'histoire des idées, l'histoire du monde, l'Histoire donc tout simplement dessine le paysage (subjectif) de la trentaine de livres qui ont bouleversé, depuis 1900, la marche des choses et transformé les représentations à l'échelle internationale.
Introduite par une émission sur l'histoire de la diffusion des textes, l'étude se termine sur une tentative de dessiner l'avenir. Il y a des livres qui font tomber des murs.
Qu'en est-il du mélange élevé au rang de procédé poétique ? William Burroughs découvre le cut-up, méthode mécanique qui "broie les textes dans une machine impitoyable", à travers le travail de l'artiste et poète Brion Gysin à la fin des années 50.
Les enjeux du cut-up : échapper au contrôle de l'intelligence, à l'illusion d'une possession des mots, discuter la position de l’auteur. "Depuis quand les mots appartiennent-ils à quelqu'un ?" demande Burroughs.
Avec cette machine déconnectante reconnectante, mélangeante donc, Burroughs entend que les poètes libèrent enfin les mots.
Émission "Pas la peine de crier", animée par Marie Richeux.
Helléniste franco-italien reconnu, Luigi-Alberto Sanchi vient nous présenter une anthologie de la littérature grecque d'Homère à Justinien dont il a dirigé l'édition.
Parcourant treize siècles de littérature, il revient sur les différentes époques et auteurs qui se succèdent et dont les textes illustrent la diversité, la richesse et la pérennité de la littérature en grec ancien.
Relire Mallarmé, au-delà des clichés qui le figent, "tel qu'en lui-même l'éternité le change", en un poète hiératique et glacé, chantre de l'hermétisme, siégeant au Panthéon de "nos plus grands héros littéraires". Relire aujourd'hui Mallarmé pour retrouver la dimension bien vivante de ce "mendieur d'azur", cet homme au rêve habitué, comme il se définissait lui-même. Dès l'adolescence, il recopiait des milliers de vers, de Hugo, de Banville et surtout de Baudelaire, et apprenait l'anglais pour pouvoir traduire Edgar Poe, son "grand maître".
À 20 ans, il composait ses premiers chefs-d'œuvre, L'Azur, Les fenêtres, Apparition, Le Pitre, Brise marine. Professeur à Tournon, voulant fuir l'Ardèche ("ici-bas sent la cuisine"), il constate dans son dénuement qu'il a voué sa vie à "l'art, dèche" (Lacan se réfère souvent à Mallarmé). À 24 ans, à force de "creuser le vers", il traverse une crise majeure, découvre le Néant. Mais, tel son Igitur "descendant les escaliers de l'esprit humain", allant "au fond des choses, en "absolu" qu'il est", il y trouve la Beauté, imagine "Le Livre", et commence à écrire son Hérodiade "dans la terreur" car, dit-il, "j'invente une langue qui doit nécessairement jaillir d'une poétique nouvelle". Il s'agit désormais de "suggérer" plutôt que de "nommer" et de trouver l'explication orphique de la terre.
Comme il s'éloignait résolument des Parnassiens, on fit de lui, le "père du symbolisme". Mais pour tous ceux qui fréquentaient les dandys de la rue de Rome ou sa maison de Valvins (près de Fontainebleau) – Villiers de L'Isle-Adam, Manet, et vers la fin, Gide ou Valéry – Mallarmé était bien plus qu'un chef d'école. Son expérience du langage poétique ouvre notre modernité.
Émission "Une vie, une oeuvre", produite par Pascale Lismonde et Brigitte Rihouay.
L'oeuvre de Louis Aragon est impressionnante. Son ampleur, sa variété, sa durée exceptionnelle dessinent les contours d'un monument littéraire. De plus, elle émane de l'un des derniers "grands écrivains" dont la France est si friande. Et pourtant l'oeuvre d'Aragon est encore souvent réduite à la simplification d'une légende. En effet il existe un "mythe Aragon" qui vient recouvrir les textes comme un voile et en fausser la lecture. Ce mythe, qui s'est élaboré du vivant du poète et s'est perpétué bien après sa mort, repose essentiellement sur deux facettes de l'oeuvre et de la biographie. D'une part le couple formé par Elsa Triolet et Louis Aragon, censé incarner l'amour parfait, et d'autre part la dimension politique, l'engagement de l'homme et de son oeuvre.
L'amour et la politique, Elsa et le communisme, l'élaboration légendaire a fini par former des entrelacs d'une grande complexité. Les intervenants tentent ici de démêler quelques fils de cet écheveau, pour voir ce que le recul du temps permet de révéler, ce que les documents soulèvent comme interrogations, doutes, bref vérifier s'il y a un Aragon "nouveau".
Émission "Une vie, une oeuvre", produite par Catherine Pont-Humbert et Dominique Costa.
"Ô fangeuse grandeur ! sublime ignominie !" : Baudelaire conclut ainsi son poème consacré à une prostituée, "Tu mettrais le monde entier dans ta ruelle". Pour le poète et l'homme, la beauté est dans la dualité, elle balance sans cesse entre perversion et transcendance, entre éphémère et infini.
Baudelaire gagne encore aujourd’hui à être redécouvert, tant les images successives et contradictoires du poète - décadent, révolutionnaire, réactionnaire, classique, chrétien, moderne - continuent d'exercer leur effet narcotique.
Né dans une "odeur de vieux" (Jean-Baptiste Baronian), auteur d'une oeuvre "singulièrement mince" (Pierre Pachet), Baudelaire est encore, à l'image du peintre de la vie moderne, ce solitaire qui va, court et cherche la beauté mystérieuse, "si minime, si légère qu’elle soit".
Baudelaire n'a rien d'un flâneur parisien qui s’abandonnerait à la pente de ses rêveries ou de ses obsessions. C’est un rôdeur, un chiffonnier de la ville, que le monde social ne laisse pas en répit. Qu’est-ce qu’être un individu dans une société de masse ? Après avoir épousé la foule, Baudelaire se retire dans ses vers.
C'est un Baudelaire de la "pensée vivante" (Pierre Pachet) qui émerge dans l'extraordinaire souplesse de sa phrase poétique, capable de suivre les ondulations du désir comme de restituer les chocs du temps. Mais ce sens de l'oscillation et de l'aléatoire surgit surtout, comme à l'état brut, dans ses Journaux intimes et Carnets, avec la liste de ses projets irréalisés.
Dans un monde qui va finir, Baudelaire apparaît alors comme l'auteur de "fusées pensantes" (Pierre Pachet), c'est-à-dire d'idées fulgurantes qui ont donné quelques morceaux de bravoure dont le sens résonne encore pleinement aujourd'hui.
Émission "Une vie, une oeuvre", produite par Christine Lecerf et Jean-Claude Loiseau.
I'm the poet disait Bukowski qui publia pas moins d'une quinzaine de recueils, noircit des milliers de pages et ne passa pas un jour sans écrire un poème. Pour en parler, le premier et le dernier de ses traducteurs : Philippe Garnier, qui en 1977 fait découvrir en France le poète Californien en traduisant les Mémoires d'un vieux dégueulasse et le Postier et Romain Monnery, qui se penche aujourd'hui pour les éditions du Diable Vauvert sur ses poèmes inédits ou oubliés dans les pages de revues confidentielles. r américain à la vie aventureuse, paraîtra en octobre aux éditions La Rabbia.
Émission "La Compagnie des poètes", animée par Manou Farine.
Puisque l'époque nous assigne à résidence, prenons la fuite à bord du bateau ivre de la poésie : Arthur Rimbaud.
L’écrivain-voyageur Sylvain Tesson s'attaque au mythe Rimbaud en le sortant de la kermesse biographique et en le dépoussiérant de ses vieux habits de jeune monstre de la poésie : Rimbaud anarchiste, communard, voyou, punk, beatnik, sauvage, avant-gardiste, moderne, trouvère, futuriste... Certes mais surtout Rimbaud, poète.
À ses côté, Sylvain Tesson marche et traverse les paysages réels ou imaginaires suivant le cap tracé par René Char : "Rimbaud poète, cela suffit et cela est infini".