En 1985, Paul Ricoeur habitait à Châtenay-Malabry. Les Murs Blancs… cette grande et belle demeure entourée d'un parc immense, devenue après la Libération, autour d'Emmanuel Mounier, le cœur battant de la revue et du mouvement Esprit, une sorte de phalanstère philosophique où furent réunies les familles Mounier, Fraisse, Marrou, Domenach. Seul protestant de ce bain catholique œcuménique, c'est là que Paul Ricoeur s'est éteint en 2005, à 92 ans.
Il y était arrivé en 1956 et ne l'avait jamais plus quitté ; pas même durant les années 70, quand il partageait son temps entre la France et le département de philosophie de l'Université de Chicago. Car dans ces années post-soixante-huitardes, durant lesquelles un fort vent de révolution soufflait ici dans les universités, ce fut avant tout loin de son pays que les travaux de ce philosophe croyant et non marxiste furent reçus à la hauteur qu'ils méritaient.
Ce "bon plaisir" ne manque d'ailleurs pas de revenir sur la violente agression physique dont il avait été victime à Nanterre en 1970. S'y invitent également Olivier Mongin, le pasteur André Dumas et les philosophes Jean-Marc Ferry, Cornelius Castoriadis et Emmanuel Levinas.
Une émission conduite par Emmanuel Hirsch.
Depuis qu'a commencé en Ukraine la confrontation de l'Occident et de la Russie, l'emprise sur l'opinion d'une présentation médiatique accumulant chimères et préjugés atteint des niveaux inégalés. En dissimulant les faits et les enjeux cruciaux à l'origine d'une crise commencée bien avant février 2022, en manipulant les peurs fantasmagoriques pour mieux mobiliser sous la bannière atlantiste, en imposant non seulement à l'opinion mais à l'ensemble des partis politiques leur rhétorique belliciste, les entreprises médiatiques se posent plus que jamais en seules détentrices du discours légitime.
Décryptant cette imposture, Fabrice Garniron revient également sur les torts des Etats occidentaux : les engagements pris par eux après la chute du mur de Berlin puis leur trahison peu après, leur volonté de prendre le contrôle de l'Ukraine quitte à déclencher une guerre civile, l'instigation d'un putsch sanglant pour renverser en 2014 un gouvernement démocratiquement élu et leur alliance avec la mouvance néonazie ukrainienne.
Au-delà du cynisme, Fabrice Garniron, voit dans cette logique de guerre une cause fondamentale : le suprémacisme, qui est au coeur de la vision du monde des élites occidentales, décidées à imposer au reste du monde ce que jamais elles ne voudraient se voir imposer. Dérive séculaire mais que le déclin inexorable de l'Occident a paradoxalement accélérée.
Titulaire de la chaire "Histoire contemporaine du monde arabe", Henry Laurens nous propose de nous arrêter dans l'atelier de l'historien afin de comprendre ses enjeux et ses concepts. En 2013 déjà, dans la revue Débat, il rappelait l'opposition entre le rôle des historiens et la société, "le besoin de savoir ne doit pas se transformer en posture d'accusateur, voire en juge et en jury. Si, à la rigueur, on peut assimiler l'historien à un juge d'instruction qui instruit à charge et à décharge, il n'est pas là pour effectuer le reste de la procédure judiciaire". Il souligne également ici que "les historiens doivent reconnaître qu'ils ne sont pas les maîtres de la représentation du passé. Ils ne sont que les artisans du segment scientifique de la mémoire".
Après avoir rappelé les bases de la connaissance historique, Henry Laurens pose la question des comparatismes et revient sur le développement de l'orientalisme et l'occidentalisme de l'époque moderne à la décolonisation. Avant d'ouvrir l'enquête sur ce qu'il appelle le "passé imposé", il revient sur les différentes formes de violences au XXe et au XXIe siècles et fait état d'un passage de la figure du combattant à celle de la victime, d'une culture de la guerre à une culture de la paix, tandis qu'il note que le djihadisme au XXIe siècle relève des deux cultures.
Alors que la demande sociale de "thérapies mémorielles" va croissant, il est salutaire que l'historien prenne du recul face à sa pratique pour comprendre les spécificités de sa mission, de ses productions et de ses outils de travail.
Représentation, mise en scène ou configuration de processus et de situations historiques, l'écriture de l'histoire engage une pensée de l'historicité en délimiteant les contours du domaine historique, définissant ses acteurs, ses modes de production de la différence des temps, ses rythmes, ses échelles, élaborant ses méthodes et sa déontologie.
L'historien Laurent Henninger nous expose les rouages de son métier et revient sur ce que l'écriture de l'histoire appelle comme analyse et réflexion sur ses propres procédures d'accès au passé, sur sa corrélation au présent et à l'avenir, sur ce qu'elle conçoit comme sa vérité.
C'est en revenant sur les tribulations politiques que connaît l'association Memorial que l'historien Eric Aunoble détaille les problèmatiques d'une histoire partagée et de mémoires divisées entre la Russie et l'Ukraine.
- 01'20 : Les menaces pesant sur l'association Memorial
- 03'05 : Le sens et le rôle de cette association née pendant la Perestroïka
- 07'00 : La fin des années 1980, moment de passion pour les révélations sur le passé soviétique
- 08'20 : Quels sont les acteurs à l'origine de Memorial ?
- 11'20 : Le rôle fondamental de Memorial pour documenter noms, lieux, archives de la terreur d'État soviétique, avec des bases de données
- 17'00 : Les résistances à ce travail, en Russie comme en Ukraine, avec un contre-récit nationaliste russe
- 23'20 : Le travail de Memorial sur les atteintes contemporaines aux droits de l'homme, à travers les guerres de Tchétchénie en particulier, sur fond de crise économique
- 27:30 : Les soutiens à Memorial de la communauté académique internationale, et les dilemmes des libéraux en partie coupés de la société russe
- 32:00 : L'inscription de l'affaire Memorial dans un contexte plus large d'usages du passé en Russie avec des mélanges mémoriels
- 34'00 : Les déclinaisons ukrainiennes de ces enjeux mémoriels avec la figure de Makhno et ses usages
- 38'00 : Quelle réception du "roman national" russe et poutinien dans la société ?
- 46'30 : Quels effets dans le champ académique ?
Avec Nietzsche s'inaugure une philosophie nouvelle, centrée dorénavant sur le corps et la vie, qui appelle une nouvelle histoire de la philosophie. En parcourant les grandes étapes de cette histoire, Barbara Stiegler introduit le lecteur aux philosophies de Descartes, Kant, Schopenhauer, Hegel et Marx, ainsi qu'à quelques grandes figures de la philosophie contemporaine, proches ou héritières de cette nouvelle philosophie de la vie.
Parce que le fil conducteur de cette nouvelle histoire suit la réalité concrète du corps et de la vie, son travail est aussi une introduction à l'histoire de la biologie, de la physiologie à la théorie de l'évolution, et jusqu'aux débats les plus brûlants de la biologie et des sciences médicales contemporaines.
À la lumière de ce parcours, la philosophie de Nietzsche ne peut plus apparaître comme une météorite solitaire et fulgurante. Elle se situe bien plutôt au beau milieu d'un tournant : celui à partir duquel, sur fond de fin de la métaphysique et de crise des savoirs, le gouvernement de la vie et des vivants doit devenir l'affaire de tous, nous obligeant à repenser de fond en comble les notions de "réalité" et de "vérité" en même temps que la valeur des énoncés produits par la science.
Intellectuel de sensibilité écologiste, ancien homme politique et chef d'entreprise, Laurent Ozon nous propose une mise en perspective de l'actualité politique, économique ou techno-scientifique.
Car la déferlante d'informations journalière mérite d'être analysée avec recul et sans passion, afin qu'elle prenne sens et oriente l'action.
Qu'est-ce que "cancel culture" ou "culture de l'annulation" en français ? Ce phénomène est-il une mode ou consiste-t-il une réelle menace pour nos sociétés ?
L'historien du monde arabe contemporain Henry Laurens, qui vient d'écrire Le passé imposé (Fayard) et Pierre Vesperini, historien spécialiste de l'Antiquité grecque et latine, auteur de Que faire du passé ? (Fayard), nous aident à répondre à ces questions.
Émission "Idées", animée par Pierre-Edouard Deldique.