Du village d'Épenoy dans le Doubs jusqu'au Collège de France, en passant par la khâgne du lycée Lakanal à Sceaux, l'ENS, l'université Paris-I Sorbonne ou l'université de Genève, le parcours de Jacques Bouveresse est à la fois très classique et marginal. S'inspirant de la tradition issue de la philosophie analytique et de la littérature autrichienne (Kraus, Musil), Bouveresse a traversé les modes intellectuelles des années 1960, 70 et 80 sans jamais se compromettre avec elles.
L'occasion de revenir sur un parcours singulier et une oeuvre orignal qui n'a jamais cédée aux sirènes de la déconstruction, du postmodernisme et des nouveaux philosophes, et qui a constamment tenté de défendre un rationalisme lucide sur les pouvoirs de la philosophie mais aussi, et peut-être d'abord surtout, sur les illusions qu'elle ne cesse d'entretenir sur elle-même.
Le langage n'est pas la langue, la langue n'est pas le discours, le discours est autre que la parole, la parole ne se réduit pas aux mots, les mots sont plus que des lettres, les lettres qui existent sans les sons, les sons qui ne forment pas toujours des phrases, les phrases qui ne constituent pas à elles-seules un langage.
Dans le langage, on tourne facilement en rond. Puisqu'en parler c'est déjà le solliciter. Comment alors lui tendre un miroir sans le déformer par notre subjectivité ?
Le langage est un pays dans lequel nous pouvons voyager, comme on arpente un terrain familier dont chaque recoin nous paraît, de plus près, étranger. Le langage, par définition, on n'y pense pas puisque c'est lui qui nous fait penser. Mais à le tenir pour acquis, hors de soi, immobile, il s'assèche, et fige la pensée dans des postures incapables de dire ce que nous voulons dire. C'est que le langage n'est pas à notre service. Il est un pouvoir, une tyrannie qui, même lorsqu'on en fait un jeu, s'impose à nous avec insolence, et parfois, humiliation. Essayez de le dompter, il montrera les crocs. Mieux vaut renoncer à toute domestication.
Comment alors se faire entendre dans ces mots qui ne sont pas les miens ? Et pourquoi Roland Barthes vit-il le langage comme une maladie ? Pourquoi la langue est-elle "fasciste", selon le mot du sémiologue ? En quoi consiste son pouvoir ?
Émission "Les Chemins de la philosophie", animée par Adèle Van Reeth.
Juriste à l'œuvre aussi abondante et complexe qu'originale, Pierre Legendre n'a pas encore fait l'objet d'études synthétiques qui puissent donner un accès simplifié à son oeuvre.
C'est ainsi tout l'enjeu de cette conférence que de présenter les contours d'une pensée riche qui ne considère pas le droit sous des aspects techniques, mais en vertu de sa portée anthropologique issue de la réforme grégorienne.
Baptiste Rappin alors de présenter les principaux concepts de l'anthropologie dogmatique en gardant à l'esprit que le coeur de la pensée de Pierre Legendre s'articule toujours autour de la question de la généalogie et de la filiation.
C'est au cours d'un entretien et de deux conférences qu'Espace 2 a rendu hommage au grand penseur et passeur George Steiner, décédé le 3 février 2020.
D'abord avec un échange sur la mort de la culture et la pensée contemporaine après la shoah durant lequel il revivent sur ses origines familiales, les fondements de sa pensée et le regard quʹil porte sur lʹavenir de lʹhumanité.
Ensuite par une conférence où il développe lʹidée que le langage est un instrument de pouvoir et de domination, entre classes sociales et entre les genres.
Enfin par une autre conférence sur le futur de lʹautorité où il relie ce mot à celui dʹauteur, comme lʹétymologie le suggère (auctor/auctoritas).
De grands moments d'intelligence partagés.
Pour l'humanisme, l'humanité a une valeur intrinsèque et tous les êtres humains ont une valeur égale. Mais sur quoi peuvent se fonder ces deux étranges idées ? Non pas sur une idée théiste. Si Dieu existe, c'est lui qui est la source de toute valeur. Et il a peut-être "fait tous les hommes égaux" mais peut-être non : ils ne valent que s'ils le reconnaissent ou s'ils respectent ses commandements.
Non pas sur une idée naturaliste. A l'échelle de la nature, l'espèce humaine n'a pas plus de valeur que toute autre espèce de mammifères ou de moucherons ; ou peut-être même en a-t-elle moins, si l'espèce humaine est la prédatrice suprême. Et il serait contre-intuitif de soutenir que la "Nature a fait tous les hommes égaux".
Francis Wolff s'efforce de montrer que les deux thèses humanistes se fondent sur la définition même de l'être humain comme "animal rationnel", à condition d'entendre "rationnel" non pas au sens d'une quelconque aptitude intellectuelle mais au sens de "logos", faculté de dialoguer.
Plus ambitieusement, Francis Wolff propose une déduction rationnelle de l'altruisme et s'efforce de réconcilier les deux sens opposés du "bien" : "être bien" et "faire du bien" ("bonheur" aristotélicien et "moralité" kantienne).
Un important débat oppose, dans la philosophie contemporaine, les tenants d'un externalisme, affirmant que les contenus de nos états mentaux (désirs, croyances, etc.) dépendent essentiellement de la manière dont nous sommes reliés à notre environnement, qu'il soit physique ou social, et les tenants d'un internalisme (position héritée de la dichotomie cartésienne entre esprit et monde), soutenant que ces contenus sont purement internes et ne font intervenir aucune référence à la manière dont est le monde.
Mais, même si on souscrit à une position externaliste, c'est-à-dire si l'on affirme qu'il n'est pas possible d'appréhender ce qu'est la pensée en termes purement mentaux, il faut donner un statut à la pensée "intérieure" en un autre sens, à la pensée privée qui s'exprime par exemple dans le monologue intérieur.
C'est cette différence entre la pensée telle que je peux l'endosser devant d'autres au moyen d'actes de langage publics, et la pensée "intérieure" ou purement privée qui nous intéresse plus particulièrement ici. La pensée publique procède-t-elle d'une pensée privée, ou n'est-ce pas rigoureusement l'inverse ? Comment comprendre le statut de la pensée intérieure et qu'est-ce qui se joue au juste dans son extériorisation ? Quel est le rôle du langage dans cette pensée solitaire ?
Au cours des siècles où le monde romain entre en crise et où commencent à résonner ces langues que l'Europe parle encore, la culture européenne médite l'épisode biblique de la confusio linguarum et tente de guérir la blessure de la Tour de Babel en essayant de récupérer la Langue adamique, ou de la reconstruire comme Langue parfaite.
Beaucoup se sont consacrés à ce rêve et, bien que leurs utopies ne se soient pas réalisées, elles ont produit des "effets collatéraux". C'est pour cette raison que si nous connaissons aujourd'hui le monde naturel à travers des taxinomies rigoureuses, si nous inventons des langages pour les machines, si nous tentons des expériences de traduction automatique, nous sommes encore débiteurs de ces tentatives de retrouver une langue adamique...
Au fil des siècles, de nombreux courants de pensée ont façonné notre conception du monde et notre manière d'appréhender l'existence : Qu'est-ce que la vérité ? Comment peut-on vivre heureux ? Dieu existe-t-il ? Quel est le sens de notre vie ?
Bien loin du jargon des spécialistes, le professeur de philosophie Charles Robin nous rend accessible les œuvres des plus grands philosophes afin d'en faciliter la compréhension et, pourquoi pas, de nous faire changer le regard que nous portons sur nous-mêmes et sur le monde.
Une initiation sérieuse à une discipline souvent difficile d'accès, dans un langage clair et une atmosphère détendue.