Nous connaissons tous les grandes questions existentielles sur le sens de la vie. Pourquoi sommes-nous là ? Pourquoi vivons-nous ? Pourquoi certaines évidences nous frappent-elles ? Pourquoi certaines illusions persistent-elles ? Pourquoi nous posons-nous tant de questions ? Pourquoi les réponses sont-elles si souvent à ce point frustrantes ?
Alors nous regardons vers nos anciens, nos sages prédécesseurs, en espérant que le temps qu'ils ont passé dans le monde avant nous a été mis à profit pour en tirer des indices sur ce qu'il faudrait penser. Mais plus nous cherchons dans le passé, moins nous trouvons, et plus les traces de nos ancêtres se perdent dans un buisson que nous partageons avec les primates, ce qui écorche un peu la vision que l'on voudrait avoir de nous-mêmes en tant que créatures séparées de l'animalité, en tant qu'êtres de raison, de civilisation, catégoriquement distincts des singes et des sauvages. Il faut pardonner à ceux qui ont du mal à se défaire de cette illusion-là.
D'autant que les illusions sont nombreuses sur la manière dont nous nous représentons les humains d'avant, les gens de la préhistoire. Et la science, toujours inscrite dans son temps, toujours tributaire de la culture qui la développe a elle aussi contribué à certaines caricatures : '’homme des cavernes brutal, bourru, qui règle tous ses problèmes à coup de massue traine encore un peu dans les vieux rayonnages des bibliothèques. L'ancien sauvage, détaché des biens matériels, nomade vivant de cueillette en harmonie avec la nature, paisible et sage, est une autre carte postale qui nous cache le paysage.
Le problème avec la Préhistoire est notre tentation à chercher dans le passé la justification de notre vision actuelle du monde. À ceux qui ne sont plus là on voudrait faire dire ce qui nous arrange. Nous instrumentalisons trop facilement les indices des modes de vie anciens pour "naturaliser" l'ordre des choses… Il est rassurant de se dire que la manière dont nous voulons régir la société répond à un impératif qui s'est manifesté des millénaires avant nous et a été validé par tous ceux qui nous ont précédés.
Mais à l'inverse certains n'hésitent pas à s'imaginer d'autant plus évolués qu'ils s'estiment éloignés de la figure de l'ancêtre et veulent croire que leurs standards modernes surpassent nécessairement ceux du passé.
Sans essayer de trancher ces questions prescriptives, est essayé ici de rendre justice à la préhistoire en s'efforçant d'être avant tout descriptifs. Que savons-nous de nos ancêtres ? Comment le savons-nous ? Quel degré d'incertitude demeure dans ces connaissances ? Comment savoir aujourd’hui ce qui se passait il y a si longtemps ? Est-ce seulement possible ?
Ce sont plus précisément les questions de la violence, de la guerre et des inégalités, qui sont explorées en compagnie de Christophe Darmangeat, chercheur en anthropologie sociale.
L'ethnologie, ou l'anthropologie, en tant qu'étude de formes différentes de vie collective, peut-elle jouer un rôle de critique sociale ? Charles Macdonald pense que oui. L'une est anarchique et grégaire (il n'y a pas de pouvoir mais une cohésion qui vient d'ailleurs), l'autre est hiérarchique et "social" (il y a du pouvoir et la cohésion en dépend principalement).
C'est dans ces termes qu'il développe un modèle attesté par des applications historiques, ethnographiques et sociologiques concrètes (notamment Cosaques, pirates, Inuit, Palawan, communautés hippies et post-catastrophiques) dont le nombre et la variété infinies au cours de l'histoire récente et ancienne démontrent l'existence universelle dans notre espèce d'une aspiration anarchique. L'anthropologie de cette façon valide et prolonge les idées des penseurs et militants anarchistes.
D'autre points sont également traités, comme la violence collective et le rôle évolutionnaire de la coopération, thématiques au fondement d'une théorie des organisations anarchiques et sociales.
En développant la théorie du matérialisme historique, Marx et Engels ambitionnaient de forger une méthode capable de pénétrer la logique de l'évolution de l'ensemble des sociétés humaines. De leur vivant, des premiers travaux d'anthropologie sociale leur permirent de faire une incursion dans le champ des sociétés primitives, en particulier au travers du célèbre ouvrage L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat.
L'enseignant-chercheur Christophe Darmangeat, économiste reconverti dans l'anthropologie et l'étude des sociétés primitives, se réclame de cet héritage.
Mais de quel méthode parle-t-on ? En quoi le matérialisme historique offre-t-il un point de vue particulier sur l'évolution sociale préhistorique ? Le marxisme, élaboré pour comprendre les oppositions de classes, peut-il permettre de déchiffrer les sociétés primitives ? Quelle peut être une approche marxiste des grandes questions que sont, par exemple, la naissance des inégalités ou l’origine de l’oppression des femmes ?
Émission "Pause Commune", animée par Charlotte et Olive.
Que peuvent nous apprendre les Aborigènes australiens sur ce qui motive la guerre dans des sociétés sans richesses ? Telle est la question qu'explore Christophe Darmangeat à partir d'un examen minutieux de vastes sources ethnographiques révélant l'ampleur et la violence des conflits collectifs aborigènes.
Dépourvus de tout but économique ou politique, ces affrontements s'inscrivaient dans un fascinant système judiciaire dont, pour la première fois, on découvre les ressorts. L'organisation de la violence sur ce continent représente un point d'entrée privilégié pour étudier le phénomène guerrier chez les autres chasseurs-cueilleurs, et questionne le supposé pacifisme de notre propre préhistoire.
La figuration n'est pas tout entière livrée à la fantaisie expressive de ceux qui font des images. On ne figure que ce que l'on perçoit ou imagine, et l'on n’imagine et ne perçoit que ce que l'habitude nous a enseigné à discerner. Le chemin visuel que nous traçons spontanément dans les plis du monde dépend de notre appartenance à l'une des quatre régions de l'archipel ontologique : animisme, naturalisme, totémisme ou analogisme. Chacune de ces régions correspond à une façon de concevoir l'ossature et le mobilier du monde, d'en percevoir les continuités et les discontinuités, notamment les diverses lignes de partage entre humains et non-humains.
Masque yup’ik d’Alaska, peinture sur écorce aborigène, paysage miniature de la dynastie des Song, tableau d'intérieur hollandais du XVIIe siècle : par ce qu'elle montre ou omet de montrer, une image révèle un schème figuratif particulier, repérable par les moyens formels dont elle use, et par le dispositif grâce auquel elle pourra libérer sa puissance d'agir. Elle nous permet d'accéder, parfois mieux que par des mots, à ce qui distingue les manières contrastées de vivre la condition humaine.
Par un travail de comparaison d'images d'une étourdissante diversité, Philippe Descola pose magistralement les bases théoriques d'une anthropologie de la figuration.
Séminaire Matières de l'architecture au sein du département AAP de l'école nationale supérieure d'architecture Paris-Malaquais.
Oeuvrant depuis de nombreuses années dans le champ de l'anthropologie économique et sociale, Christophe Darmangeat applique avec profit la grille de lecture du matérialisme historique pour comprendre la question de la division sexuelle, de la violence et de l'exploitation du travail dans les sociétés pré-étatiques.
Il n'a cessé d'interroger la manière dont les sociétés traditionnelles s'organisent et ses conséquences directes en terme de domination, montrant par là tout l'intérêt d'une discipline comme l'anthropologie.
Auteur et traducteur pour le site Le Partage et les Éditions Libre, Nicolas Casaux publie des analyses consacrées à l'écologie, l'activisme et la civilisation industrielle.
Il revient dans cet entretien sur son parcours de politisation, de l'anarchisme à la critique de la civilisation, où l'analyse sociale répond toujours au souci écologique.
Dans un second temps, c'est la critique de la société industrielle qui est développée plus en détails, en se demande s'il existe quand même, dans une optique primitiste, des technologies que l'on pourrait qualifier de démocratiques.
Maurice Godelier, au début de sa carrière, fut un temps maître-assistant auprès de Claude Lévi-Strauss, alors titulaire de la chaire d'anthropologie au Collège de France. Entretenant avec son maître un rapport critique, mais conscient de la puissance de l'œuvre, il est tout indiqué pour nous en offrir une introduction.
L'objet premier de ce voyage au cœur de l'ambition structuraliste ? Souligner la richesse du travail accompli, mettre au défi la puissance théorique (le structuralisme lui-même), tenter de dépasser apories et contradictions.
Émission "Les Chemins de la philosophie", animée par Adèle Van Reeth.