C’est parce qu’il est un espace vital du "nous" dans le "Je", que Régis Debray réserve au sacré une place de choix. Nous avons besoin de sacré, qu’il soit religieux ou non, nous dit en substance Debray. On a tenté de créer, sans jamais y réussir, des consensus autour de principes sacrés tels les droits de l’homme, "religion de l’Occident contemporain", mais autour du sacré il existe une unanimité sans faille; car il est ce qui unit, interpelle et dure.
Car "le sacré précède le religieux et lui survira" relève Debray. Dans son livre Jeunesse du Sacré, il prend soin de dépouiller ce dernier de ses mystères pour le remettre sur terre. Et voilà que notre modernité hypertechnique redonne à cet "immémorial" une nouvelle jeunesse - quitte à le faire glisser de l’histoire à la nature.
Revenu du Festival d'Avignon 2005, déçu par des spectacles jugés tonitruants autant qu'indigents, Régis Debray s'interroge sur ce qui a changé dans l'art dramatique, mais aussi dans les valeurs collectives et les aspirations.
Utilisant la nostalgie comme arme révolutionnaire, il pose le problème des rapports de l'Etat avec l'art.
Emission "Le premier pouvoir".
Renoncer au mot de religion, pour y voir un peu plus clair dans le monde toujours opaque des croyances. C'est à cette conclusion qu'a abouti Régis Debray, après maintes années de recherche.
Avec cette mise au point qui résume l'essentiel de ses travaux, il nous expose cette nécessité de façon succincte, élégante et rigoureuse. Ce retour aux sources de notre vocabulaire et de nos façons de penser s'adresse de préférence à l'homme du commun, soucieux de comprendre, tout bonnement, de quoi on parle quand on dit, et mélange à la va-vite, les mots de religion, symbolique, sacré, spirituel ou croyance.
Le but : montrer que sous ce mot trompeur, "la religion", il n'y a que des réalités immémoriales et toutes simples, qui nous concernent tous - y compris ceux qui croient n'en avoir aucune.
L’Amérique se cherche, l’Europe s’égare, la Chine se retrouve. Et voilà que reprennent, côté couchant, les violons de l’automne. Au moment où l’inusable et noble notion d’Occident ressort du Malet-Isaac pour labéliser le trio habituel USA/Grande-Bretagne/France ; où l’air du temps, chez les directeurs de l’esprit public, gauche ou droite, est à "l’occidentalisme" ; où chaque "grande conscience" en appelle à un sursaut des puissances, valeurs et responsabilités "occidentales" – le titre du livre mal famé de Spengler (Le Déclin de l’Occident, 1922) se met à courir à la une des magazines.
On se lassait de Rambo, on retrouve Hamlet. Le pourquoi du vague à l’âme est dans toutes les gazettes : submersion démographique (que pesons-nous sur une planète passée en un demi-siècle de trois à six milliards d’habitants ?) ; désindustrialisation, endettement et déficits publics ; pollution de l’environnement ; chute de compétitivité ; privilège de change du yuan (la Chine vendant, dit-on, à moitié prix) ; perte de foi dans notre modèle de croissance. Etc.
Alors que l'air du déclin occidental est de plus en plus chantonné à travers le monde, il serait bon d’évaluer l’actuel rapport de forces. Une mise au point en forme de mise en garde.
En ce mois d'août 2009, Dominique Rousset a reçu Régis Debray pour une série d'entretiens sur France Culture.
Debray, avant de prendre la parole, la rend à celles et ceux qui l'ont inspiré, instruit ou contredit. Les plus pointus ou les mieux informés. Dans tous les camps et dans chaque champ.
Un demi-siècle en revue. De l'école au théâtre, des maquis sud-américains aux lambris élyséens, du souci religieux au plaisir littéraire. Ces amicales confrontations remettent à chaque étape les choses et les idées en place. En mariant rigueur et bonne humeur.
En juin 2004, France 3 organisait un débat salutaire entre Jacques Derrida et Régis Debray. Presqu'une génération séparent Derrida le théoricien du déconstructivisme et Debray le fondateur de la médiologie, mais une formation exigeante et élitiste les rapproche : l'Ecole Normale Supérieure.
L'agrégé-répétiteur Derrida se souvient de l'aura politique qui précédait en 1965 le jeune Debray lui-même très impressionné par l'érudition du maître.
Pendant près d'une heure et demie, les deux intellectuels ont des échanges attentifs et divers : l'image publique du philosophe, la notion de souveraineté, l'Europe, la démocratie et ses menaces internes, les effets pervers de l'histoire, ou encore le 11 septembre 2001.
Il fut un temps ou la télévision pouvait être autre chose qu'un instrument de propagande et d'abrutissement...
En France, tout ce qui pèse et qui compte se veut et se dit "sans frontières".
Et si le sans-frontiérisme était un leurre, une fuite, une lâcheté ?
Partout sur la mappemonde, et contre toute attente, se creusent ou renaissent de nouvelles et d'antiques frontières. Telle est la réalité.
En bon Européen, Régis Debray choisit de célébrer ce que d'autres déplorent : la frontière comme vaccin contre l'épidémie des murs, remède à l'indifférence et sauvegarde du vivant.
D'où un plaidoyer à rebrousse-poil, qui étonne et détonne, mais qui, déchiffrant notre passé, ose faire face à l'avenir
Blandine Kriegel nous montre, dans "La République et le Prince moderne. Les Français et la naissance des Provinces Unies", que les problèmes politiques ont des racines plus anciennes qu’on ne le croit généralement.
A une vision française singulièrement orientée sur l'épisode de la révolution française, Blandine Kriegel substitue une vision plus large en réintroduisant l'émergence de la question Républicaine au sein de l'histoire européene.
En étudiant le passage des "républiques de cité" aux "républiques d’etat" dans les Provinces-Unies (Hollande) au 16ème siècle, c’est aussi l’éventualité d’un nouveau renversement politique actuel que Blandine Kriegel envisage : une "Europe des républiques" pourrait-elle laisser la place à une "Europe républicaine" ?