Si le rien n’est rien, et si la pensée est toujours pensée de quelque chose, alors le rien est impensable, inimaginable même.
Penser le rien, c’est une manière pour la raison de se confronter au plus gros défi qui soit.
Francis Wolff nous entraîne dans les méandres de la question métaphysique par excellence, celle qui fait pâlir la raison et trembler les concepts : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?
Emission "Les Nouveaux chemins de la connaissance", animée par Adèle Van Reeth.
La philologue et philosophe Barbara Cassin milite pour une réhabilitation de la sophistique.
A l'inverse de la méthode classique qui cherche à regarder, comprendre et dire la réalité sous l'unicité de la vérité et des concepts universalistes qui en découlent, la sophistique se veut une démarche attentive aux instantannés du kairos, et qui pèse chaque situation pour aller vers le mieux.
Le père Thierry Magnin s'entretient ici avec l'auteur d'A la recherche du réel. On y découvre le riche parcours de l’académicien qui évoque ses réflexions à propos de la mécanique quantique et du « réel voilé », une conception qu’il a défendue dès les années 1960 et qui le pousse à abandonnée la vision classique du réalisme ontologique encore défendue par une majorité de physicien aujourd'hui.
Il y a de la musique. Mais, au fond, pourquoi ?
Selon l’ordre métaphysique classique, il faut, pour pouvoir répondre à la question du fondement, tenter d’abord de répondre à la question de l’essence. Alors qu’est-ce que la musique ? A cette question, la meilleure réponse est la plus naïve : "la musique est l’art des sons".
A partir de là, petits métaphysiciens ou grands musicologues font habituellement fausse route, car ils se demandent: "Eh bien, qu’est-ce donc que l’art (voire l’Art) ?" Voie sans issue.
La bonne question première serait plutôt : qu’est-ce qu’un son ? Un son, c'est un événement ou l'indice d'un événement — non d’une chose, objet ou personne. Les "choses" —objets, personnes— ne sont pas sonores par eux-mêmes, elles sont visibles. Les sons sont pour nous des qualités des événements au même sens que les couleurs sont des qualités des objets visibles. Etre à l’écoute, c’est, pour le vivant, être en position d’attente des événements. La question est de savoir comment l’on passe d’un univers perceptif ordinaire, marqué par ces attentes, à un univers sonore et de celui-ci à un univers proprement musical. En effet, une expérience seulement sonore du monde l’ampute des choses et rend les événements non identifiables ni incompréhensibles. C’est une expérience incomplète.
Mais l’expérience musicale est une expérience perceptive complète. Faire de la musique, c’est faire un monde sonore où le rapport entre les sons suffit à leur compréhension. Entendre de la musique, c’est être dans un monde d’événements où les choses ne manquent pas. Nous tenterons de montrer qu’il y faut trois conditions : les sons doivent pouvoir être identifiables et réidentifiables par eux-mêmes, c’est-à-dire indépendamment de leur source ou de leur cause (objets, personnes). Il faut qu’ils appartiennent à un système autonome qui les rapporte les uns aux autres (ordre des timbres, ordre rationnel des durées, ordre discret des hauteurs). Il faut enfin qu’à la causalité réelle existant entre choses et sons, soit substituée une causalité imaginaire, mais nullement fictive, qui rapporte les sons les uns aux autres.
Conférence prononcée dans le cadre des "lundis de la Philosophie".
Un beau jour, à la fin du siècle dernier, l'homme a changé.
Considéré à la lumière de la psychanalyse ou de l'anthropologie culturelle depuis une trentaine d'années, il était soumis au poids des structures, déterminé par ses conditions sociales ou familiales, gouverné par des désirs inconscients, dépendant de son histoire, de sa culture, de sa langue. C'était en somme un "sujet assujetti". Cet homme des sciences humaines et sociales qui, au milieu du siècle, s'épanouissait dans le paradigme structuraliste de Lévi-Strauss, Benveniste ou Lacan, et qui triomphait encore chez Bourdieu, cet homme-là s'est effacé furtivement du paysage.
De nouvelles sciences nous parlaient d'un nouvel homme. C'était les neurosciences, les sciences cognitives, la biologie de l'évolution. L'homme qu'elles dessinaient n'avait rien à voir avec le précédent : il était soumis au poids de l'évolution des espèces, déterminé par ses gènes, dépendant des performances de son cerveau. C'était en somme un "animal comme les autres". On était passé de l' "homme structural" à l' "homme neuronal", selon le titre du livre marquant de Jean-Pierre Changeux. On avait "changé de paradigme".
La controverse n'est pas que théorique ; elle a des enjeux pratiques. Car notre façon de prendre en charge les autistes ou les anorexiques, de réprimer ou de soigner l'homosexualité ou justement de ne pas la réprimer ni la soigner, d'éduquer les enfants ou de punir les délinquants, de traiter les animaux ou de mesurer le pouvoir des machines, dépendent de la définition que l'on donne de l'homme. En changeant d'humanité, on bouleverse forcément nos grilles d'évaluation morale et juridique. Car de la réponse à la question "qu'est-ce que l'homme ?", dépendent ce que nous pouvons connaître et ce que nous devons faire.
Nous nous proposons d'analyser les principes épistémologiques de ces deux paradigmes et d'esquisser leurs conséquences morales et politiques.