Le prodige de l'origine des langues ne se réitère pas seulement devant nous chaque fois qu'un enfant commence à parler : il se réitère en nous et par nous chaque fois que nous prenons la parole, que nous répondons à une question posée ou que nous nous mettons à écrire. Cette liberté que nous découvrons chez les nouveaux-parlants ne nous est pas étrangère ; c'est elle qui nous porte depuis longtemps, nous les vieux-parlants. Mais si familière soit-elle, elle nous échappe en partie à nous-mêmes.
Quelle leçon faut-il tirer de tout cela ? A coup sûr, il importe de renoncer aux rêveries historiques ou poétiques sur la "langue originaire" et d'accepter que nous nous situions "au milieu de l'histoire". Mais cela n'implique pas qu'on doive renoncer à toute forme de sensibilité à la question de l'origine. Même si on doit renoncer à expliquer "le mystère de la formation des langues", il peut y avoir, au milieu même de l'histoire, un "prodige de l'origine". Il y a des événements qui sont à la fois seconds par rapport à une origine antérieure et qui, tout en étant des recommencements, sont aussi de vrais commencements absolus.
Une conférence du séminaire "Formes symboliques" organisée par le laboratoire "Linguistique, Anthropologique, Sociolinguistique" de l'équipe de recherche de l'Institut Marcel Mauss.
Au cours des siècles où le monde romain entre en crise et où commencent à résonner ces langues que l'Europe parle encore, la culture européenne médite l'épisode biblique de la confusio linguarum et tente de guérir la blessure de la Tour de Babel en essayant de récupérer la Langue adamique, ou de la reconstruire comme Langue parfaite.
Beaucoup se sont consacrés à ce rêve et, bien que leurs utopies ne se soient pas réalisées, elles ont produit des "effets collatéraux". C'est pour cette raison que si nous connaissons aujourd'hui le monde naturel à travers des taxinomies rigoureuses, si nous inventons des langages pour les machines, si nous tentons des expériences de traduction automatique, nous sommes encore débiteurs de ces tentatives de retrouver une langue adamique...
Heinz Wismann est un Allemand qui non seulement écrit en français mais vit et enseigne en France. Il est à la fois l'un des meilleurs hellénistes spécialistes de la philosophie grecque, et notamment des penseurs présocratiques, et un des meilleurs connaisseurs de l'herméneutique allemande des XIXe et XXe siècles.
Penser entre les langues veut donc dire ici à la fois entre la France et l'Allemagne – ce qui pour quelqu'un né en 1935 n'est pas une situation anodine – et entre ces deux langues et le grec (ainsi que le latin). Il nous offre l'exemple très rare d'une pensée aussi exigeante que souriante, incisive que dénuée de toute vanité, éclairante que stimulante.
Émission "Midi Magazine", animée par Clarisse Herrenschmidt.
L'histoire et la géographie, la sociologie et l'anthropologie, l'économie et la linguistique, la psychologie et la psychanalyse font toutes partie des sciences humaines. Ces disciplines trouvent-elles leur unité dans l'usage de certains concepts, dans un objet commun aux contours définis ou en raison d'un certain leg historique lié aux entreprises de savoir ?
Le philosophe et linguiste Sylvain Auroux, auteur de plusieurs ouvrages de référence sur l'histoire des sciences du langage, la philosophie et l'épistémologie des sciences humaines, se propose d'étudier les sciences humaines dans ses problématiques philosophiques afin d'en mesurer la cohérence et la pertinence sur le plan scientifique.
Une étude aussi vaste que passionnante.
"En ce début du XXI° siècle, lit-on dans le dernier rapport de l'Académie Française, tous les pays du monde et en particulier la France et les autres pays entièrement ou en partie de langue française connaissent une évolution rapide et générale de la place qu'occupent les femmes dans la société de la carrière professionnelle qui s'ouvre à elles, des métiers et des fonctions auxquelles elles accèdent sans que l'appellation correspondant à leur activité et leur rôle réponde pleinement à cette situation nouvelle. Il en résulte une attente de la part d'un certain nombre croissant de femmes qui souhaite voir nommées au féminin la profession ou la charge qu'elles exercent et qui aspirent à voir combler ce qu'elles ressentent comme une lacune de la langue."
Mais le jumelage systématique du genre grammatical avec le sexe est-il une victoire pour les femmes et pour la langue ? Cet aggiornamento tardif réjouit en tout cas le linguiste Bernard Cerquiglini autant qu'il attriste la philosophe Bérénice Levet qui, tous deux, expliquent leurs positionnements.
Paul Ricoeur n'a pas cessé d'interroger le rapport au texte, tout en cherchant à construire des outils précieux pour favoriser l'étude la plus efficace et parler au plus près, au plus vrai dans une quête absolue d'exactitude.
Ce sont l'historien François Dosse et le théologien Henri Blocher qui nous apportent une réflexion sur ce rapport que Paul Ricoeur entretenait face au Verbe, révélé, parlé et écrit.
L’humanité semble issue de deux processus apparemment contraires : l'hominisation (évolution biologique) résulterait de l'émergence d'une seule espèce humaine ; en revanche l'humanisation (évolution sociale et culturelle) s'est faite par la diversification des cultures et l'émergence d'une normativité propre à chaque groupe humain.
On pourrait penser que les deux processus doivent être étudiés séparément car ils ne relèvent ni de la même échelle de temps, ni des mêmes critères. Et pourtant, l'humanité s’est faite par interaction : bien que les facultés intellectuelles (sociales et morales) ne soient pas propres à l'homme, elles limitent chez lui l'influence de la sélection naturelle. D'ailleurs le langage articulé, qui est rendu possible par l'évolution biologique, favorise la diversification des cultures.
De l'hominisation à l'humanisation, la tension entre le relatif et l'universel semble suggérer un universalisme pluriel, mais sans dire comment le mettre en pratique.
Le linguiste Claude Hagège nous invite à prendre un recul dans le temps et l'espace pour penser conjointement le développement des fonctions cognitives de l'homme et la diversité des langues dans le processus d'humanisation.