Les grands réseaux énergétiques, construits depuis le XIXe siècle selon une logique industrielle fondée sur la croissance et l'exploitation de ressources non renouvelables, structurent aujourd'hui encore en profondeur nos modes de vie.
En historienne de l'architecture, Fanny Lopez questionne la spatialisation des rapports de pouvoir et des modes d'extraction et de distribution qu'elles imposent, et s'intéresse aux façons de construire de nouveaux systèmes de solidarité énergétique.
En proposant une contre-histoire de l'énergie à l'époque contemporaine, François Jarrige veut contribuer à l'avènement d'un autre système énergétique plus sobre et durable, plus conforme aussi à la fragilité du monde, chaque jour plus apparente.
Entre imaginaires et techniques des infrastructures énergétiques, leur dialogue questionne les fondements de l'organisation de notre société.
Un échange modéré par Sonya Faure.
Voiture électrique, avion à hydrogène, capture du CO2 : pour beaucoup, le progrès technique nous sauvera du péril climatique. D'où cette question posée à François Jarrige, historien spécialiste de l'industrialisation : le progrès technique est-il une idéologie ?
- 0'00'39 : Introduction
- 0'02'06 : On entend souvent que la technique est neutre... est-ce que vous partagez cette idée ?
- 0'04'04 : Est-ce que vous avez un exemple d'une technique qui n'est pas neutre, qui impose une certaine vision du monde ?
- 0'06'30 : Aujourd'hui, les personnes qui critiquent la 5G, la voiture électrique ou certains types d'énergies, ce font vite traiter d'Amish, de vouloir revenir à la bougie... qu'est-ce que cela dit de notre société ? de son rapport à la technique ?
- 0'10'34 : L'innovation semble être un mot magique pour résoudre la crise écologique ou climatique, le progrès c'est une nouvelle religion, une nouvelle frontière du sacré ?
- 0'13'58 : Il y a une sorte d'amalgame entre la science et la technique ?
- 0'16'59 : A partir de quand peut-on dire que le progrès technique est une idée en soi, voire même une idéologie ?
- 0'20'28 : On a l'impression que le progrès technique n'a jamais été sérieusement remis en question, comment expliquer qu'il ait une image si lisse, alors que quand on vous lit, on voit qu'il a été fortement contesté par les ouvriers d'un côté... mais aussi par de très nombreux intellectuels ?
- 0'27'05 : On parle aujourd'hui du pic pétrolier, de la déforestation, de la pénurie de métaux... mais dès le XIXème siècle, on parle déjà de ces sujets-là ? Par la destruction de la nature, par l'épuisement des ressources ?
- 0'30'23 : C'est intéressant, dans Technocritiques, vous dites que les mots "écologie" et "pollution" sont inventés dans les années 1860... cela veut dire qu'il se passe quelque chose à cette époque... on change notre rapport à la nature ?
- 0'32'34 : Là, on arrive avec Stanley Jevons pour savoir si oui ou non les réserves de charbon vont s'épuiser ?
- 0'35'20 : Quand on voit ce que vous dites avec la peur de manquer de charbon dès le XIXe, on va passer progressivement du charbon au pétrole... est-ce qu'on ne vit pas une situation similaire aujourd'hui, où on cherche à passer du pétrole à l'électricité... dont les matériaux essentiels sont les métaux... est-ce qu'il y a un parallèle historique dans cette substitution ?
- 0'39'20 : On parle déjà au XIXème siècle du climat... on craint que l'acide carbonique puisse destabiliser le climat... on découvre l'effet de serre... Déjà au XIXème siècle, on a peur que l'Homme destabilise le climat ?
- 0'43'04 : Dans votre livre, vous montrez qu'il y a des autres très différents qui critiquent la technique... comme John Stuart Mill, Marx ou Gandhi... vous pouvez nous raconter les raisons qui poussent Gandhi de critiquer la technique ?
- 0'44'46 : Est-ce que les machine permettent de libérer l'Homme ou au contraire sont-elles en train de l'asservir ?
- 0'49'59 : Les années 1970, c'est une période assez féconde pour les penseurs technocritiques, avec Charbonneau, Illich - qui écrit la Convivialité - ou Jacques Ellul... est-ce qu'à ce moment-là, on s'aperçoit que la technique entraîne une forme de déshumanisation ?
- 0'57'21 : La modernité se caractérise par le dépassement des limites, aujourd'hui au contraire, on redécouvre les limites physiques de la Terre... est-ce que l'on change notre rapport à la technique aujourd'hui ?
- 1'00'48 : Quel message voudriez-vous délivrer aux gens qui nous écoutent ?
Alors que la question écologique recoupe depuis ses débuts la réflexion sur les équipements techniques et matériels permettant d'imaginer une condition terrestre contre les globalisateurs modernes et leurs projets cybernétiques de maîtrise totale du monde, nous nous habituons désormais au cocon numérique, y compris dans les milieux militants. Au nom du caractère pratique d'outils dont on ne questionne pas suffisamment les bases matérielles et les origines, du fatalisme ambiant ou de la pression sociale, ceux qui y résistent seront jugés inadaptés, victimes d' "illectronisme" ou de "technophobie", et invités à se soigner.
Pourtant, personne ne peut réellement croire les promesses selon lesquelles la transition numérique sera la transition écologique. Les gadgets numériques nous promettent des satisfactions à court terme, des plaisirs éphémères, des stimuli grossiers, c'est seulement dans un second temps qu’apparaissent les effets réels et à plus long terme, lorsqu'il est souvent trop tard.
Les objets comme le langage du numérique apparaissent aujourd'hui comme les principaux freins à l'instauration d'une condition terrestre véritable. Dès lors, comment penser la technocritique aujourd'hui ? Que faire de cet appareillage proliférant et de sa quincaillerie ? Peut-on se satisfaire d'un appel à libérer l'internet ou d'une promotion d'outils présentés comme libres ?
Les évolutions en cours accroissent la surveillance totale, l'épuisement des psychismes et des ressources, et installent un monde que peu de gens ont réellement désiré. Ce monde accentue notre dépendance envers un système marchand hyper-industrialisé, accroît la néodomesticité faite de livraison et de click, et relance le capitalisme industriel qu'on croyait pourtant épuisé.
A travers un retour sur les liens que l'écologie politique a entretenu avec la question des techniques, une exploration de la pluralité des lignes qui traversent le monde militant à ce sujet, et comment le capitalisme numérique actuel repousse les frontières de l'extractivisme, cette causerie invite à faire le point sur ce qui nous arrive et à explorer le champ des possibles.
Depuis le début de la crise sanitaire, il est devenu difficile de se projeter dans l'avenir : qui peut dire ce qu'il fera dans deux semaines, trois mois ou un an ? Cette suspension du cours habituel du temps et de la vie est aussi le moment propice à une réflexion sur notre rapport à l'avenir.
Le futur tel que le pensaient les Grecs, les premiers chrétiens, les penseurs des Lumières ou nos grands-parents n'a rien à voir avec le futur tel que nous l'envisageons (ou du moins l'envisagions !). Le futur a pu être pensé comme une simple répétition du passé ; comme une fin des temps rédemptrice ; comme un monde meilleur atteignable par le progrès technique ; comme une dystopie cauchemardesque... Il y a donc une histoire de l'avenir, de ses représentations, mais aussi des rapports de force au sein des sociétés pour imposer “sa” vision du futur.
Émission "Le Cours de l'histoire", animée par Xavier Mauduit.
C'est au travers des destins croisés de Bouzid Benlaala, immigré Algérien devenu maçon, et de l'ouvrier du bâtiment Martin Nadaud qu'est évoquée la condition ouvrière dans Paris au XIXe et au XXe siècles.
- 00'00 : Présentation des invités
- 03'00 : Les accidents du travail, enjeu récurrent pour les ouvriers du bâtiment hier et aujourd'hui
- 04'00 : Pour Omar Benlaala, d'abord un livre sur son père, fier d’avoir été maçon malgré la fatigue puis la maladie
- 07'20 : Le travail de chantier, un travail d'équipe
- 08'00 : Un père électricien pour François Jarrige
- 09'30 : Les ouvriers et leur famille, entre honte et fierté
- 11'20 : Les conditions de travail des ouvriers du bâtiment au XIXe siècle, avec des risques qui s'accentuent au milieu du XIXe siècle
- 13'00 : Un secteur resté peu mécanisé
- 14'20 : L'expérience de la migration, qui traverse les époques
- 15'30 : Les tensions au sein même des travailleurs algériens au XXe siècle
- 18'00 : La question de la xénophobie au XIXe siècle
- 24'00 : Les engagements (syndicaux, révolutionnaires…) des ouvriers
- 25'00 : Se loger pour un ouvrier algérien à Paris au XXe siècle
- 26'00 : L'acquisition de la langue, nécessaire pour encadrer la famille, passant aussi par le syndicalisme
- 28'00 : Le flou du terme "ouvrier" pour le XIXe siècle, modelé par la pluri-activité
- 30'45 : La ville, lieu clef pour la politisation des ouvriers au XIXe siècle
- 33'00 : Expériences socialistes et révolutionnaires de Martin Nadaud
- 35'00 : Quelles traces pour aborder ces expériences ouvrières ?
- 37'00 : Des ateliers d'écriture, à la rencontre d'ouvriers retraités
- 38'00 : La mémoire ouvrière des femmes
- 40'00 : Les sources et témoignages du monde ouvrier au XIXe siècle
- 41'00 : L'expérience des migrations, et son lien avec l'activisme révolutionnaire
- 44'00 : Vivre mai 68 en tant qu'ouvrier immigré
Une séance de l'Université populaire "Les mercredis des révolutions" organisée par la Société d'histoire de 1848 et animée par Philippe Darriulat.
Pourquoi un mythe antique, raconté par Hésiode et transformé par Eschyle, a-t-il été, aux XIXe et au XXe siècle, réinterprété par les romantiques, les socialistes, Karl Marx, les nazis et les régimes communistes ? En quoi l'idéal du voleur de feu a-t-il justifié l'individualisme naissant, le culte du progrès et la sortie de la religion ?
Émission "La Fabrique de l'Histoire", animée par Emmanuel Laurentin et Victor Macé de Lépinay.
L'historien François Jarrige nous présente les grands débats et les principaux enjeux de l'industrialisation au XIXe siècle et propose des pistes pédagogiques pour présenter cette période.
Dans un deuxième temps, il revient sur la trajectoire emblématique de Michel Chevallier, ingénieur, économiste et homme politique français du milieu du XIXe siècle et présente enfin un tableau de Bonhommé sur Le Creusot, l'occasion de décrire ce grand centre industriel français entre 1836 et 1984 dirigé par la famille Schneider.
Émission "Brèves de classe", animée par Yohann Chanoir et Nicolas Charles.
C'est en compagnie des historiens Jean-Baptiste Fressoz et François Jarrige et des socio-anthropologues Alain Gras et Paul Jorion qu'est abordé la nécessité de faire émerger une communauté technocritique aujourd'hui, dont les armes intellectuelles doivent être renouvelées en fonction des enjeux qui sont les nôtres. Le projet politique alternatif de la décroissance, l'action directe contre les machines ou encore le retour à une véritable culture humaniste nous donnent-il un but pour lequel nous pourrions nous battre ?
Interventions :
1. L'Anthropocène, ou les dégâts du progrès, par Jean-Baptiste Fressoz
2. Une (brève) histoire de la technocritique, par François Jarrige
3. Les imaginaires de l'innovation technique, par Alain Gras
4. Les effets et les méfaits du techno-capitalisme, par Paul Jorion