Liberté et sociéte de contrainte. Avec Renaud Garcia pour l'Université Populaire de Marseille.


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28.11.2022

Les Calanques, c'est fini. Du moins en saison, pour les téméraires qui, par une inspiration spontanée, auraient aimé se rendre à Sugiton. Durant l’été, il fallait cette année se munir d'un sésame digital (le QR Code) décroché en suivant des procédures numériques, afin d'accéder à la nature. En 2023, l'expérimentation sera pérennisée sur une période plus longue, selon l'administration du Parc, mettant à profit ses partenariats avec les start up marseillaises de la "French Tech". C'était inéluctable. Dans l'histoire des technologies, rares sont les moments où le provisoire ne s'est pas mué en permanent. Mais l'on s'habitue à tout. Et puis, "si c'est pour protéger", c'est une bonne idée, disent nombre de randonneurs. Notamment ceux qui, alléchés par la carte postale et l' "attractivité" de notre territoire, ont pris le TGV pour "descendre" à Marseille.
Oui, les habitudes ont été vite prises, qui font bon marché de la spontanéité et de l'aléa, tant que des dispositifs technologiques permettent d'assurer la "protection" et de neutraliser ces irresponsables qui, par leur licence, mettent en péril l'intérêt général. Tel est l'un des argumentaires qui ont déchiré notre société pendant les deux dernières années, d'autant plus à partir de l'obligation vaccinale (dans certaines professions pour sûr, et par défaut afin, pour chacun, de ne pas voir son rayon d'action réduit à presque rien).
En ce sens, nous ne serons jamais quittes du Covid-19. Le prétendu "retour à la normale" peine à masquer le basculement dont la pandémie a été l’occasion : l'emballement de la société de contrainte. Laquelle ne se limite pas au contrôle ou à la surveillance, mais constitue un système de pilotage automatisé enserrant l'individu de telle sorte qu'il ne puisse que réagir, après coup, au fait accompli technologique. Demandez, pour des exemples ordinaires, aux usagers de la SNCF et de la Poste confrontés à la fermeture des guichets ou des bureaux, aux patients sommés de réserver leur "rendez-vous" médical par Doctolib, ou à tous ceux qui n'ont pas su comment s'opposer à la constitution de leur Espace Numérique de Santé.
Avant de penser, nous arpentons le monde vécu, théâtre de nos expériences familières. Le particulier d'abord, le général ensuite. Chacun peut enquêter là où il vit, autour de ce à quoi il tient, pour élucider en définitive la trajectoire globale de notre société. Ainsi, pour les amoureux de la nature et de la liberté, ce qui se révèle à travers l'accès machinal aux Calanques, c’est la logique du techno-capitalisme pour laquelle rien ne doit excéder la procédure autorisée. Cette logique s'oriente vers un état que certains bons esprits avaient pressenti dès avant la Seconde Guerre mondiale : le monde fini. C’est-à-dire achevé, totalement administré, semblable à une cage d'acier où nous autres, animaux imprévisibles, fonctionnerions comme des rouages. Chacun tournant à vide dans une aire délimitée, en échange de la sécurité du dispositif.
On n'en est pas là, diront les optimistes d'un ton railleur. Mais si nous avions interrogé les promeneurs calanquais il y a trois ou quatre ans, peut-être se seraient-ils récrié contre une atteinte insupportable à leur liberté. Se pourrait-il, une pandémie plus tard, que la liberté pèse trop lourd à beaucoup ? Dans un monde entraîné par la fuite en avant, on n'en est bientôt plus là.
S'ils devaient revenir parmi nous, les philosophes qui, à travers l’histoire, ont soutenu que l'homme est né libre et jaloux de sa "franchise", s'expliqueraient sans doute avec peine le moment malencontreux que nous traversons. Ils ne laisseraient pas de s’étonner que, sous les cryptogrammes des QR Codes, le goût de la liberté soit devenu obsolète. C'est à le sauver de l'oubli que la réflexion de Renaud Garcia est consacrée.

Terre et Liberté. Avec Aurelien Berlan pour le podcast Floraisons.


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11.2021

1_4 : Qu'est-ce que le libéralisme ? le concept de liberté libérale ? ses fondements et ses implications politiques ? Comment rompre avec cet imaginaire et pourquoi renouer avec la quête d'autonomie ?
Sous l'idéal d'émancipation comme arrachement à la nature, Aurélien Berlan décèle la vieille aspiration aristocratique à la délivrance : le désir de mener une vie déchargée des tâches pénibles de la vie quotidienne. Injustice sociale et désastre écologique apparaissent ainsi indissociables, puisque se délivrer des nécessités vitales implique à la fois l'exploitation des autres et celle de la nature.
 2_4 : Quels fondements matériels à la liberté moderne ? son lien avec la notion de délivrance des autres ? avec quelles contradictions ? Pourquoi des courants politiques comme le marxisme embrassent la quête de liberté moderne ?
Travaillée par les changements structurels des sociétés modernes, la notion de liberté se voit de plus en plus comme délivrance des autres et des limites terrestres. L'industrialisation qui voit le jour en Angleterre se charge de répondre à ces aspirations de délivrance. On y retrouve alors des courants politiques antagonistes (capitalisme/marxisme) s'y référer pour mieux convaincre les masses qu'un nouveau monde advient. Ce discours n'est pas nouveau et puise dans les religions.
 3_4 : La quête de délivrance est-elle partagée par tous à l'ère industrielle ? Quelle est la définition du progrès à cette époque ? Que signifie l'autonomie ?
Alors que la social-démocratie et le capitalisme épousent l'ère industrielle, la soustraction des nécessités matérielles de la vie semble être un horizon atteignable. Les forces productives et la technique seront le moteur de cette délivrance. Pour autant des dissensus font jour sur la possibilité d'être délivré des nécessités politiques. En opposition au déferlement industriel qui touche toutes les puissances européennes d'avant-guerre, on retrouve le développement des mouvements anarchistes, mais également nationalistes et volkisch en Allemagne. Leurs aspirations contradictoires et les guerres qui viennent finiront par brouiller la définition du mot "progrès".
 4_4 : Quelles perspectives pratiques de la liberté en tant que quête d'autonomie ? Ses relations avec l'écoféminisme ? Quelle relation entre autonomie et accès à la terre ?
Il est tentant de percevoir l'autonomie comme un appel à se soumettre à la nécessité, réactivant la quête d'un salut jusqu'alors défendu par les religions. Aurélien Berlan, nous rappelle que l'autonomie est avant tout une manière de subvenir à ses propres besoins collectifs comme individuels. La liberté est alors un choix sur les réponses matérielles à apporter à un besoin. C'est une stratégie pour échapper aux pouvoirs structurels et impersonnels de l’époque moderne (salariat, société de consommation, médias de masse). Le libre accès à la terre est une condition à cette liberté puisqu'elle est la seule à fournir les ressources matérielles accessibles aux groupes humains qui l'habitent. Cette idée de la liberté renoue avec des luttes paysannes, féministes et populaires d'hier et aujourd'hui.

Déboulonner la Mégamachine. Avec Aurélien Berlan et Fabian Scheidler pour l'Atecopol à Toulouse.


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22.10.2021

Les travaux d'Aurélien Berlan et Fabian Scheidler nous offrent la clé de compréhension des désastres climatiques, écologiques, pandémiques et économiques contemporains. Accuser Sapiens, un humain indifférencié et fautif depuis toujours, est une imposture. Notre histoire est sociale : c'est celle des structures de domination nées il y a cinq mille ans, et renforcées depuis cinq siècles de capitalisme, qui ont constitué un engrenage destructeur de la Terre et de l'avenir de l’humanité, une mégamachine.
Mais ces forces peuvent aussi être déjouées et la mégamachine ébranlée. Alors que les alternatives ne manquent pas, quel déclic nous faut-il pour changer de cap et abandonner une voie manifestement suicidaire ? La réponse est dans ce récit. Car seul celui qui connaît sa propre histoire peut être capable de l'infléchir.

Terre et liberté : la quête d'autonomie contre le fantasme de délivrance. Avec Aurélien Berlan à la Librairie Terra Nova.


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24.11.2021

Dans la plupart des civilisations ou des milieux sociaux, l'idée de la liberté qui prévaut est de pouvoir se décharger de la vie matérielle et des tâches de subsistance : sur les esclaves, sur les travailleurs manuels et les femmes, sur les machines...
Aurélien Berlan, de son côté, ravive une conception opposée, subalterne, de la liberté portée par des mouvements paysans d'hier et aujourd'hui : la prise en charge collective et égalitaire des besoins de base, des besognes nécessaires à la vie sur terre.
Contre le rêve de délivrance, le projet d'autonomie ; contre le libéralisme, le marxisme et notre société de services néo-domestique, la réappropriation de la part matérielle de nos vies.

Un nouveau mai 68 ? Avec Cornelius Castoriadis et Luc Ferry sur France Culture.


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13.12.1986

Le 12 novembre 1986, le Sénat adoptait le "projet de loi relatif aux libertés des Universités", porté par le Ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche, Alain Devaquet. La loi prévoyait de permettre une sélection des étudiants à l'entrée des Universités, et une autonomie accrue des établissements, permettant, de fait, leur mise en concurrence.
Quelques jours plus tard, une large mobilisation lycéenne et étudiante s'organisait, qui déboucha notamment sur des manifestations rassemblant des centaines de milliers de personnes, dans toute la France. Le mouvement fut également marqué par la mort de Malik Oussekine, un étudiant de 22 ans battu à mort par des policiers le 6 décembre 1986.
Le Ministre Devaquet présentait sa démission le jour même, et le projet de loi était définitivement retiré le surlendemain.
Alors que Luc Ferry et Cornelius Castoriadis étaient invités pour débattre du sens à donner aux événements de mai 1968, l'échange s'élargit à la portée du mouvement étudiant alors en cours.
La République parlementaire telle qu'on l'a vue se développer à l'époque moderne, c'est-à-dire sous la forme du leadership libéral, peut-elle survivre sans une participation politique véritable des citoyens ?

Émission "Répliques", animée par Alain Finkielkraut.

Pourquoi y a-t-il de l'agir plutôt que rien ? Avec Pierre Caye au Banquet du livre d'été de Lagrasse.


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06.08.2017

Comment penser en l'homme, à partir de son impuissance native, la constitution d'une force adossée à une Nature fuyante et désordonnée ?
Le philosophe Pierre Caye propose une éthique non pas dynamique, de l'affirmation de soi dans la maîtrise du monde, mais statique, de la résistance au monde dans son aménagement durable.

Les grandes philosophies. Avec Charles Robin sur Le Précepteur.


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2022

Au fil des siècles, de nombreux courants de pensée ont façonné notre conception du monde et notre manière d'appréhender l'existence : Qu'est-ce que la vérité ? Comment peut-on vivre heureux ? Dieu existe-t-il ? Quel est le sens de notre vie ?
Bien loin du jargon des spécialistes, le professeur de philosophie Charles Robin nous rend accessible les œuvres des plus grands philosophes afin d'en faciliter la compréhension et, pourquoi pas, de nous faire changer le regard que nous portons sur nous-mêmes et sur le monde.
Une initiation sérieuse à une discipline souvent difficile d'accès, dans un langage clair et une atmosphère détendue.

Homo imaginans. Avec Cornelius Castoriadis pour la CNDP.


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1992

L'être humain est une psyché et cette psyché est "imagination radicale". Chez le nouveau-né, la psyché est une "monade psychique" pour laquelle ne fait sens que ce qui est exclusivement plaisir. La société lui imposera une socialisation
et créera ainsi ce qu'on appelle l'individu. Celui-ci va incarner les institutions de la société mais sera aussi susceptible de les altérer. C'est cette altération qui fait l'Histoire.
Né en Grèce en 1922, Cornélius Castoriadis vit en France depuis 1945. Philosophe de formation, il est aussi économiste et psychanalyste. Son livre le plus marquant est L'institution imaginaire de la société, paru en 1975. Mais il est aussi l'auteur de très nombreux ouvrages et articles de critique du marxisme bureaucratique et d'analyse politique, anthropologique et philosophique.
Durant cet entretien, il revient sur ses thèmes de prédilection que sont l'imagination, la création et l'autonomie.

Émission "Chercheurs de notre temps", animée par Dominique Bollinger.