En aout 2017, l'agriculteur Cédric Herrou, devenu le symbole de la défense des migrants dans la vallée de la Roja, a été condamné à 4 mois de prison avec sursis par la Cour d'Appel d'Aix en Provence pour avoir transporté quelques 200 migrants principalement érythréens et soudanais, de la frontière italienne jusqu'à chez lui et organisé un camp d'accueil. L'enseignant-chercheur Pierre-Alain Mannoni a été condamné par la même Cour d'Appel à 2 ans de prison avec sursis pour avoir accompagné trois érythréennes dans une gare.
Indignés par ces verdicts qui témoignaient, selon eux, de la persistance d'un délit de solidarité dans le droit français, Herrou et Mannoni ont saisi le Conseil Constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité et une douzaine d'associations d'aide aux migrants, dont la Ligue des Droits de l'Homme et la Cimade, les ont rejoints.
Le 6 juillet dernier la Haute Assemblée a rendu une décision favorable aux requérants faisant de la Fraternité un principe constitutionnel au même titre que la Liberté et l'Egalité. Les Sages ont jugé qu'il en découlait de "la liberté d'aider autrui dans un but humanitaire sans considération de la régularité de son séjour sur la terre nationale".
Cette décision historique est lourde de conséquences et l'on peut se demander si c'est un progrès que d'avoir haussé ainsi la notion de fraternité au rang de norme juridique.
Partout dans le monde on s’interroge sur le devenir de la démocratie et des institutions qui l’organisent. Dans les pays démocratiques, les observateurs questionnent le fonctionnement des institutions ou expriment des inquiétudes quant à la permanence de la démocratie. Et en France, l'on peut s'interroger sur le caractère démocratique de notre vie politique.
Les concepts d’oligarchie ou de ploutocratie sont à nouveau utilisés par différents politologues qui soulignent le rôle de l’argent et d'instances non élues dans le choix du personnel politique et dans la prise de décisions.
Anne-Marie Le Pourhiet, juriste et professeur de droit public, se penche sur ces questions en faisant appel à sa longue pratique du droit constitutionnel et européen pour établir le constat de l'état actuel de notre démocratie.
La liberté d’expression figure au Panthéon des grandes libertés. Elle constitue aussi le socle de la démocratie, au point d’en constituer aujourd’hui le critère prépondérant.
Or, force est de constater que cet acquis fait l’objet de contestations ou d’interprétations différenciées : religion, racisme, identité, réchauffement climatique, dérapages sur les réseaux sociaux : il ne se passe plus une journée sans que la question sur ce qui est légitime de dire ou de laisser dire ne soit posée.
Menacée, menaçante ? La liberté d’expression ne laisse pas d’interroger notre modernité.
La spécialiste de droit constitutionnel et européen Anne-Marie Le Pourhiet met en lumière les conflits existant entre le droit français et l'ordre juridique européen (principalement la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui interprète la Convention européenne des droits de l'homme).
Comment les problèmes sont-ils réglés ? La France braderait-elle trop souvent sa souveraineté juridique en se soumettant au droit européen ?
Une conférence organisée par l'association "Critique de la raison européenne".
Pour les partisants de la discrimination positive, l'équité (c'est à dire l'inégalité compensatrice de traitement) est le moyen de parvenir à concrétiser un projet d'égalité.
Mais dans quelles limites ce projet doit-il se déployer ? Peut-on le circonscrire aux problèmes socio-économiques seulement, comme le défend Eric Keslassy ? Comment éviter le piège communautariste qui enferme les individus dans leur groupe d'appartenance en leur accordant des droits relatifs à leur sexe, à leur race ou à leur religion ?
Comme le rappelle Anne-Marie Le Pourhiet, ce projet nous éloigne de l'idéal républicain qui ne voulait reconnaître aucun corps intermédiaire entre le citoyen et la nation.
L'exemple désastreux des Etats-Unis doit nous pousser à réfléchir sur les implications d'un projet si généreux dans ses intentions, mais qui se révèle profondément pervers dans ses effets réels, une fois appliqué.
Anne-Marie Le Pourhiet, juriste, constitutionnaliste et professeur de droit public, aborde de nombreux sujets tout au long de cet entretien.
Du problème de l'inflation législative (ratification des directives européennes) au problème des lobbies lovés au sein de la République française, et en passant par les enjeux de la liberté d'expression, ce sont tous les grands débats politiques contemporains qui sont abordés.
Une discussion intelligente et revigorante !