Comment aborder un monument littéraire et biographique comme celui de Léon Bloy (1846-1917) ?
Cette légende de l'écrivain prophète, annonçant l'espérance à coups de marteau, Bloy l'a lui-même patiemment construite. Elle vise à réveiller la tiédeur des modernes en leur rappelant qu'il n'y a qu'une vraie tristesse, c'est de n'être pas des saints.
C'est une légende qui redonne à l'invisible toute la place qui lui revient. On y entend un gai savoir : les puissants sont mis à nu et la souveraineté des misérables est célébrée sans niaiserie.
Plutôt qu'une reconstitution linéaire de l'histoire de la philosophie, les interventions de Dominique Pagani portent surtout sur ce qui, à la faveur de la crise en cours, fait surgir la spécificité de l'interrogation philosophique en général, via ses concepts les plus récurrents.
La référence aux auteurs sert à illustrer les problématiques ainsi dégagées, autant que leurs effets transversaux dans les champs concernés : du poétique au politique, en passant par le religieux ou le scientifique.
Et alors que le séminaire en est à sa 3e année d'existence, l'intitulé de l'atelier, censé fixer le cap auquel il faut revenir par-delà chaque détour, subit une évolution. Celle-ci affecte moins son contenu que sa formulation : au lieu de la résonance historique du titre précédent ("Entre crise et guerre : philosopher ?"), il sera essayé d'affronter les mêmes périls selon une connotation plus mythologique...
Léon Bloy est un des grands noms de la littérature. Chrétien intransigeant, pèlerin du temps des croisades, il exige de tous ceux qui se disent chrétiens l'application intégrale de l'Évangile. "Blasphémateur par amour", il a attaqué avec une extrême violence tous ceux qui se sont compromis avec l'esprit du siècle. Ses polémiques implacables, ses œuvres sans concession, son caractère entier lui ont fait de nombreux ennemis.
N'ayant pas d'autre métier que celui d'écrivain, il a passé presque toute sa vie dans une misère dramatique.
Son christianisme rigide, médiéval, totalitaire, la puissance et la beauté de son style nourri de la lecture des Prophéties lui ont valu après sa mort de fervents admirateurs. Il a été le modèle par sa violence passionnée, parfois injuste, des grands polémistes des années d'avant-guerre.
Mais il a surtout été le guide spirituel et l'inspirateur de Claudel et de Bernanos qu'on peut regarder comme ses disciples et ses héritiers.
Maurice Bardèche ne sacrifie rien de cette vie douloureuse, ni du pittoresque et des contradictions de l'homme que fut Léon Bloy. Il tente de le faire sortir de la sacristie dans laquelle on l'a trop longtemps tenu enfermé. Et il se propose de dégager ce que l'œuvre et la vie de Léon Bloy nous apportent aujourd'hui - pour notre temps.