Aux origines du capitalisme patriarcal. Avec Silvia Federici sur Le Média.


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05.2019

Silvia Federici, historienne et philosophe féministe, s'est fait connaître en France avec le grand succès d'un livre traduit en 2014, Caliban et la sorcière.
Femmes, corps et accumulation primitive. L'ouvrage souligne le rôle central pour l'essor du capitalisme joué par deux formes de travail gratuit, massives et occultées : le travail des esclaves ou des indigènes exploités aux colonies, celui des femmes dans les foyers des métropoles européennes.
Les chasses aux sorcières de la fin du Moyen Âge et de l'époque moderne peuvent être interprétées comme des moyens de neutraliser les modes d'organisation et de production communautaires qui reposaient sur l'action des femmes et n'étaient pas adaptés à l'exploitation capitaliste. En ce sens, les bûchers européens étaient les pendants de l'oppression coloniale.
Le nouveau livre de Silvia Federici, Le Capitalisme patriarcal (2019), poursuit l'histoire de la fonction de "reproduction" pour la période des XIXe-XXe siècle. En insistant tout particulièrement sur un changement majeur engagé à partir des années 1870 environ : avec les lois sociales, les femmes et les enfants sont exclus des usines (où la première révolution industrielle les avait exploités avec une intensité maximale comme les hommes) et l'augmentation des salaires masculins complète un dispositif par lequel les détenteurs du capital assurent une meilleure reproduction de la force de travail.
Ce nouveau compromis salarial place les femmes, chargées d'un travail de reproduction invisible mais crucial, dans la dépendance des maris salariés. Lesquels sont comme des relais de l'État capitaliste à l'intérieur de la sphère domestique.
La mise en évidence du travail de reproduction, créateur de valeur sociale (et non directement marchande), permet à Silvia Federici de penser le développement du capitalisme non comme une révolution progressiste, étape nécessaire vers la maîtrise de la nature par l'industrie mais comme une contre-révolution opposée au développement du communalisme, c'est-à-dire d'organisations horizontales qui prenaient le pas sur le féodalisme à la fin du Moyen Âge.
Cette nouvelle vision du passé va de pair avec une stratégie pour le présent : face à la nouvelle accumulation primitive lancée par le néolibéralisme depuis la fin des années 70, la réponse réside dans la défense de relations et de modes de productions communautaires, qui intègrent la fonction de reproduction et, avec elle, celle de défense de la nature.

Émission "La grande H.", animée par Julien Théry.

Silvia Federici et l'essor du patriarcat moderne. Avec Julien Guazzini et Pablo Arnaud sur Radio Libertaire.


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2017

La traduction récente de Caliban et la sorcière de Silvia Federici aux éditions Entremonde/Senonevero est l'occasion, premièrement, de présenter cette oeuvre au public francophone et, deuxièmement, de faire l'histoire de l'émergence du patriarcat moderne et de "l'accumulation primitive" d'éléments constitutifs du patriarcat capitaliste
Après une présentation de l'édition française du livre et de Silvia Federici sont présentées les grandes thèses de l'ouvrage : écrasement des révoltes millénaristes des paysans aux 14e-15e siècles puis contre-révolution des groupes dominants (prise de contrôle de la reproduction, réification idéologique du corps, chasse aux sorcières meurtrière, enclosures, première colonisation et enfin criminalisation de la contraception, de l'avortement, de l'infanticide et de la prostitution).
S'en suit une discussion critique autour des problèmes de rigueur historique, de périodisation du capitalisme (absence de conceptualisation de l'Ancien Régime comme société distincte du féodalisme et du capitalisme), du "patriarcat salarié", de définition du capitalisme, d'espace d'émergence du capitalisme, de lien entre capitalisme et première colonisation, de lien entre "l'accumulation primitive" historique et des phénomènes contemporains, de lien entre enclosures et chasses aux sorcières et enfin d'idéologie altercapitaliste des communs.

Émission "Sortir du capitalisme", animée par Armel Campagne.