Identités contre universalisme, genre contre sexe, république contre communautarisme, racisme, féminisme, immigration… Le point commun de ces débats, qui polarisent la vie intellectuelle avec de fortes implications politiques, est de mettre en jeu la culture, dans tous les sens du terme. Mais la thèse de la "guerre culturelle" ou du conflit de valeurs ne résiste pas à l'examen. Ce qui est en crise, c’est la notion même de culture, désormais réduite à un système de codes explicites, décontextualisés et souvent mondialisés, qui envahissent les universités comme nos cuisines, les combats identitaires et les religions comme nos pratiques sexuelles, et jusqu'à nos émotions dûment répertoriées en émojis.
Il s'agit bien d'une déculturation mondiale. À partir des quatre grandes mutations contemporaines, se donnent à voir les mécanismes et les effets paradoxaux : où les dominants se vivent aussi menacés et souffrants que les dominés ; où le globish et le manga deviennent des simulacres qui annihilent la richesse de la langue anglaise ou de la culture japonaise ; où les "process" de communication fabriquent un "devenir autiste".
À contre-courant de la dénonciation antimoderne de l'individualisme, il faut s'inquiéter au contraire de la facilité avec laquelle nous acquiesçons à l'extension du domaine de la norme.
Olivier Roy est depuis des décennies un infatigable arpenteur des routes les plus lointaines du monde musulman, à commencer par celles de l'Afghanistan qu'il a parcourues en pleine guerre entre les soviétiques et les moujahiddins !
Mieux que personne donc, il sait que "l'islam" est une abstraction : il y a des millions de routes et de chemins en terre d'islam, et au long de ces routes autant de musulmans à chaque fois singuliers, pris dans une situation et une époque singulière.
Et c'est en sa compagnie que nous essayons d'aller à notre tour au-delà de l'essentialisme abstrait et de ses préjugés théoriques.
Émission "Cultures d'islam", animée par Abdennour Bidar.
L'islamisme politique comme idéologisation de la tradition religieuse islamique avec cette prétention d'ériger le Coran en constitution de l'Etat moderne, montre chaque jour ses limites et l'inconsistance de son ambition à gérer les affaires de la cité. Aussi, l'islamisme politique est-il est en voie de régression.
Le "Printemps arabe" a d'ailleurs souligné l'échec de cet islam politique à fournir une alternative politique aux régimes autoritaires qui ont dominé et dominent encore le monde du Moyen-Orient. Et, le reflux de ses effets tant au Maghreb qu'au Machrek est remarqué suite aux courants de sécularisation qui commencent à gagner les sociétés musulmanes. "
Émission "Questions d'islam", animée par Ghaleb Bencheikh.
Les polémiques sur la laïcité se sont focalisées sur la question de l'islam : celui-ci est-il ou non compatible avec la laïcité française ? Représente-t-il pour nos valeurs et nos institutions une menace comparable, voire supérieure à celle que représentait le catholicisme au début du XXe siècle ?
Refusant d'entrer dans des considérations théologiques, Olivier Roy se situe sur le terrain politique, pour relever quelques évidences, nourries de sa connaissance approfondie des mouvements musulmans. D'une part, l'islam contemporain est profondément sécularisé, y compris dans ses formes les plus radicales. Il ne représente donc pas une exception, mais au contraire ne pose pas davantage de problème que les autres religions : en revanche, les formes diverses de retour du religieux traduisent un besoin d'affirmation identitaire, qui est à la fois une manière de s'inscrire dans un monde sécularisé tout en protestant contre cette sécularisation. D'autre part, la question est révélatrice d'une difficulté propre à la société française, où certains voudraient faire de la laïcité une sorte de religion civile exigeant l'adhésion des citoyens à un corpus de valeurs communes. Or cette orientation va à rebours de la stricte séparation du religieux et du politique que la laïcité définit, et ne répond pas aux difficultés politiques et sociales qui sont celles de la société française.
La contribution d'Olivier Roy contribue à clarifier un débat confus et permet d'envisager ces débats de manière pacifiée, en démythifiant les craintes de la société française.
Selon le politologue Olivier Roy, nous n'avons pas affaire aujourd'hui à une radicalisation de l'islam, mais à l'islamisation de la radicalité. Depuis 1996 le phénomène est stable : le passage à l'acte terroriste concerne essentiellement la deuxième génération d'immigrés et les convertis "de souche" appartenant à la même tranche d'âge (ceux-ci n'ayant jamais souffert du racisme ou de l'exclusion). C'est donc ailleurs que dans la révolte contre des discriminations subies qu'il faut chercher les causes de leur engagement.
Pour Olivier Roy celles-ci résident essentiellement dans un commun conflit de générations où nihilisme et orgueil sont profondément liés. Fascination pour leur propre mort et jouissance de la toute-puissance conférée par la volonté de tuer leur tiennent lieu de religion. Tous ces prétendus djihadistes n'ont jamais pratiqué un islam communautaire et leur servir un "islam modéré" ne sert donc à rien car c'est la radicalité qui les attire.
Très présente dans les débats publics actuels, la mondialisation est envisagée avant tout dans son sens économique de libéralisation des échanges de biens, de personnes et d’informations. Mais elle peut être pensée de manière bien plus large et sur le temps long, les contacts entre les différentes parties de la planète, qu’ils soient économiques, politiques, culturels ou religieux ayant façonné l'histoire des sociétés.
Comment les sociétés religieuses ont-elles contribué à représenter le monde et à maîtriser leurs territoires ? Comment penser les changements d’échelles, l'articulation des particularismes au monde global, l'adaptation du local à l'universel ?
Une conférence organisée par l'Institut d'études de l'islam et des sociétés du monde musulman et qui prend place dans le cycle "L'Islam dans les mondialisations".
La question actuelle de l' "islamophobie" est une bataille sémantique à travers laquelle se joue notre regard sur l'islam en France. Pour le politologue Olivier Roy, l'enjeu est la liberté religieuse dans une société où beaucoup considèrent que le refus des valeurs républicaines relève de la sécession.
Islamisation de la radicalité ou radicalisation de l'islamité ? C'est également la querelle sur le lien entre islamisme et terrorisme qui doit être explicitée, sachant que selon que les pouvoirs publics privilégieront l'une ou l'autre thèse, la place de l'islam en France sera différente.
L'implantation de l'islam en France est un phénomène récent, conséquence d'une immigration de travail qui a fait souche. Alors que l'intégration était supposée aller de pair avec la sécularisation des pratiques, le retour du religieux sous toutes ses formes (du salafisme au jihad) a posé la question de la compatibilité de l'islam et de la société française.
Mais s'agit-il d'un problème théologique, ou bien d'une simple question d'intégration des pratiques religieuses musulmanes dans le cadre de la loi de 1905 ?
Bref s'agit-il d'un Islam DE France qui serait spécifique, ou bien d'un Islam EN France, qui ne concernerait que les pratiques des croyants ?