Ruwen Ogien (1947-2017), une vie contre le paternalisme. Avec Patricia Allio, Monique Canto-Sperber, Maryline Gillois, Jacky Katu, Sandra Laugier, Albert Ogien et Corine Pelluchon sur France Culture.


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23.04.2022

L'inceste peut-il être pratiqué en toute innocence entre adultes consentants ? Devrait-on légaliser la vente d'organes, et autoriser la prostitution et le suicide assisté ? Voici le genre de questions qu'aimait poser Ruwen Ogien et auxquelles il répondait "oui" sans hésiter, au grand dam de ses adversaires intellectuels. Touchant aux sciences sociales et défaisant les normes établies, les interrogations de cet irrévérencieux libertaire dépassent ainsi largement le cadre de la seule philosophie. Pour asseoir ses positions morales, nul principe unique et incontestable comme Dieu ou la Nature, mais trois impératifs : rester neutre à l'égard des conceptions du bien personnel, accorder la même valeur aux intérêts de chacun et "ne pas nuire aux autres". La formule est simple mais les conséquences abyssales, et pour beaucoup a priori choquantes : à l'aune de ce prisme, bien des pratiques dites "immorales" se révèlent simplement contraires à des conventions culturelles ou à des règles religieuses.
Le cœur de cette "éthique minimale" se trouve dans la proposition suivante : rejeter le principe d'une symétrie morale entre ce que l'on fait à autrui et ce que l'on se fait à soi-même. En bref, vous pouvez mener la vie que vous voulez tant que vous ne faites pas du tort aux autres. Tout le reste ne constitue qu'un moralisme inutile, cherchant à universaliser des normes relatives. Cette déflation des discours moraux conduit le philosophe à ne plus hiérarchiser et à dire oui à tout : dépénalisation du cannabis, mariage gay, mères porteuses, procréation médicalement assistée pour les couples homosexuels et les femmes âgées, indignités, torts à soi-même, dommages entre adultes consentants, inceste…
Quel rapport cet ex-directeur de recherche au CNRS entretenait-il à l’éthique minimale qu'il prônait ? À quel point son œuvre était-elle liée à sa vie ? D'après ses proches, ses thèses étaient aussi radicales qu'il se montrait charmant, discret et doux en société, loin du monstre moral qu'on aurait pu imaginer. Mais refuser le moralisme, est-ce refuser la prudence, l'esthétisme ou la justice sociale ?
Si l'on ne partage pas les perspectives de ce féru de philosophie analytique, il s'agit d'expliquer pourquoi il aurait tort sans céder à "la panique morale". Cette morale minimale, qui pourrait être l'horizon de nos sociétés démocratiques laïques et pluralistes, suffit-elle au "vivre-ensemble" ? Ne laisse-t-elle pas de côté les plus faibles ? Sans paternalisme d'État prohibant certaines pratiques au nom d'un bien et d'un mal, jusqu'où la permissivité totale de l'individu reste-t-elle inoffensive pour les autres et le bien commun ?
Si l'éthique minimale de Ruwen Ogien voulait s'assurer que chacun puisse vivre comme il l'entend -du moment qu'il s'assure "ne pas nuire à autrui"- elle voulait aussi s'assurer que l'Etat garantisse à chacun la possibilité de réaliser la conception du bien qui a ses préférences, c'est-à-dire que l'Etat veille à une juste répartition des richesses permettant à chacun de donner librement et pleinement son consentement.

Émission "Toute une vie", coordonnée par Anaïs Kien.

Avoir raison avec Raymond Aron. Avec Nicolas Baverez, Dominique Schnapper, Pierre Bouretz, Monique Canto-Sperber, Jean-Claude Casanova, Philippe Raynaud, Pierre Hassner, Jean-Vincent Holeindre, Joël Mouric, Sylvie Mesure, Perrine Simon-Nahum et Elisabeth


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07.2016

J'aime mieux avoir tort avec Sartre que raison avec Raymond Aron. On ne sait plus avec certitude qui a lancé cette boutade, mais elle résume bien l'état d'esprit majoritaire de notre intelligentsia, durant une bonne partie de la Guerre froide - et jusqu'aux lendemains des événements de Mai 68. La rigueur des analyses de ce philosophe de formation ; l'étendue de ses compétences, qui allaient de la sociologie à l'économie en passant par la géostratégie ont contribué, paradoxalement, à isoler Raymond Aron de la scène intellectuelle française. Aux emballements des idéologies, il avait le tort d'opposer le poids des faits. Son impressionnante production éditoriale, si elle était consacrée à analyser l'actualité, reposait pourtant sur une véritable épistémologie des sciences historiques. Et lorsque se produisit "l'effet Soljenitsyne" au milieu des années 70, Raymond Aron fut soudain consacré comme celui qui avait eu raison d'avoir raison…
Certes, il n'y a pas "d'aronisme", comme il y eut un existentialisme. Mais si Aron a renoncé à construire un système global d'interprétation, il y a une méthode, un état d'esprit, un appareil conceptuel aroniens. Désignant le lieu d'un libéralisme renouvelé en profondeur, ils peuvent être mobilisés pour penser notre réalité contemporaine. C'est ce à quoi s'attache cette série d'émissions.

Émission "Savoirs", animée par Brice Couturier.

La part de la morale. Avec Paul Ricoeur et Monique Canto-Sperber à Répliques sur France Culture.


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15.09.2001

4 jours seulement après les attentats du World Trade Center, Paul Ricoeur et Monique Canto-Sperber sont interrogés par Alain Finkielkraut sur le sens de cet événement tragique.
Que penser du terrorisme ? Peut-on penser l'acte kamikaze dans les termes de la philosophie morale ? Comment expliquer l'émergence de ce mal ? Et à qui en imputer la responsabilité ?

Les Français et la naissance des Provinces-Unies. Avec Blandine Kriegel sur France Culture.


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26.01.2012

À l'heure où, partout dans le monde, les peuples se tournent vers la république démocratique, mais à l'heure aussi où l'Europe hésite à bâtir une république commune, que sait-on véritablement de l'histoire de la république européenne ? Est-elle issue, comme l'affirment nombre d'historiens anglais, des cités antiques et médiévales ? Est-elle née, comme le voudrait un préjugé francocentrique tenace, de la Révolution française de 1789 ?
En contournant ces deux généalogies, trop longue ou trop courte, la philosophe Blandine Kriegel retrace une histoire originale et inédite de la république moderne. Celle-ci naît en effet de la rencontre inattendue des traditions des républiques de cité et de celle du droit politique moderne de l'État qui permet à l'insurrection des Pays-Bas néerlandais de vaincre le despotisme impérial de Philippe II. Mieux, tous les États-nations européens, au premier rang desquels la France et l'Angleterre, contribuent à sa victoire. Mieux encore, le droit politique neuf de cette première république d'État qui s'affiche dans les discours de Guillaume d'Orange, véritable "Prince moderne", comme dans les Déclarations d'indépendance des Provinces-Unies, est rédigé par des Français, protestants et "politiques". L'épilogue de cette histoire culmine avec le «Grand Dessein» d'Henri IV et de Sully de construire une république européenne... devant laquelle nous trébucherons encore.
La république moderne, une idée européenne ? Ou quand le retour sur le passé peut permettre de frayer la voie à l'avenir.

Emission "Questions d'éthique" présentée par Monique Canto-Sperber.