Suite aux récentes passes d'arme entre les gouvernements italien et français, interprétées comme l'effet d'une surenchère nationaliste portée par des préoccupations de politique intérieure, il paraît opportun de s'intéresser à la figure d'un personnage majeur qui, autour de la Grande Guerre, a incarné avec un éclat sans pareil ce patriotisme porté jusqu'à la caricature, jusqu'à l'exaspération.
Cet écrivain, par son œuvre littéraire, qui a connu en son temps un grand rayonnement, mais aussi par son action politique, à la fois concrète et symbolique, a marqué en profondeur les sensibilités de l'autre côté des Alpes, tout en frappant d'étonnement l'Europe toute entière. Cet écrivain, c'est Gabriele D'Annunzio.
Maurizio Serra, diplomate, biographe et historien reconnu, en a récemment dressé le portrait dans son livre D'Annunzio le magnifique, en restituant à merveille un itinéraire hors du commun.
Certes, on lit moins D'Annunzio que naguère, mais son histoire flamboyante continue à résonner jusqu'aujourd'hui. Car elle charrie des aspirations, des passions que le temps écoulé depuis sa mort, survenue en 1938 au cœur du fascisme mussolinien, n'a pas éteintes.
Émission "Concordance des temps", animée par Jean-Noël Jeanneney.
Protagoniste incontournable de la modernité, lu et traduit dans le monde entier, Ettore Schmitz dit Italo Svevo (1861-1928), demeure un inconnu.
Il est vrai que l'homme pratiquait tous les paradoxes. Cosmopolite, né à Trieste, sujet de l'Empire pendant les trois quarts de son existence, "il préféra écrire mal en italien, ce qu'il aurait pu bien écrire en allemand", selon le mot perfide de son antagoniste, le poète Umberto Saba.
Commerçant avisé, industriel prospère dans l'usine de vernis de sa belle-famille, il "entra à la Trappe" et s'éloigna de la littérature pendant un quart de siècle. Juif converti au catholicisme lors de son mariage, il resta agnostique et réclama des obsèques "sans prêtre ni rabbin". Epoux et père irréprochable, il rêvait de couper les femmes en morceaux et de manger leurs bottines.
Foncièrement apolitique, il accueillit sans enthousiasme l'embrasement de 1914. Italien de cœur et de conviction, il comprit tôt que les troubles de l'après-guerre conduiraient à l'ère des fascismes. Très méfiant à l'égard de la psychanalyse, il a écrit pourtant le premier roman psychanalytique avec La conscience de Zeno (1923).
Découvert par les élites européennes, grâce à l'amitié de Joyce et de Larbaud, il eut à peine le temps de savourer cette reconnaissance tardive, et s'éteignit en laissant inachevé son dernier chef-d'œuvre, les Confessions d'un vieillard. Bref, Svevo reste largement un énigme. Un homme qui a fait de son œuvre le siège de sa vie, mais dont l' "antivie", qu'il voulait faire oublier, est encore plus révélatrice.
Cent soixante-dix ans après l'appel de Victor Hugo devant le Congrès de la Paix à la fondation des États-Unis d'Europe, où en est le rêve européen ?
La question est posée à deux écrivains du continent : le biographe Maurizio Serra a publié Une génération perdue. Les Poètes-guerriers dans l'Europe des années 1930 (Seuil, 2015) et Matthieu Mégevand publie un roman autour de Roger Gilbert Lecomte, fondateur de la revue Le Grand Jeu (Flammarion, 2018).
Un échange qui s'inscrit dans les Rencontres Littéraires Internationales qui se déroulent autour du thème "Vers l'Europe ?"
De cette vie ouvertement romanesque, faite de bruit et de fureur, subsiste comme une odeur étrange, de soufre, de fer incendié et de putréfaction. Infatigable travailleur et prosateur épique par excellence, Malaparte aura été l’écrivain de la violence dans l’histoire. Sa grande affaire, la guerre, livrée sous la forme d’un triptyque fameux : Technique du coup d’état, Kaputt, La Peau, où il décortique à la pointe sèche, la barbarie sous toutes les coutures.
Grand séducteur et grand solitaire, Malaparte fit de sa vie, une œuvre à part entière. Il conçut une maison à la mesure de sa démesure, minimaliste et sublime, la "Casa come me", sur les hauteurs de Capri séjour des dieux où Jean-Luc Godard décida un beau jour de donner rendez-vous à Brigitte Bardot !
Si Malaparte reste aujourd’hui un incompris, voire un infréquentable, il le doit sans doute à quelques sauts périlleux incontrôlés, entre fascisme et communisme. Engagé très dégagé, Malaparte laisse une œuvre qui ne cesse de proliférer. Hydre inclassable remuant les inédits, les cahiers retrouvés et les nouvelles traductions. Un auteur à suivre !
Emission "Une vie, une oeuvre", animée par Matthieu Garrigou-Lagrange.