C'est pour répondre à la "violence divine" évoquée par Walter Benjamin que Carl Schmitt a conceptualisé le théologico-politique, soit en posant les conditions philosophiques et juridiques nécessaires pour canaliser la sauvagerie de l'instance dispensatrice de puissance, conditions qu'il a résumées sous le terme stoïcien de katéchon : l'arche politique et morale qui maintient l'ordre du monde institué et retarde le jugement dernier.
Cette idée de la puissance qui se donne au monde et son transit ne cesse de revenir à travers la philosophie contemporaine, mais ce n'est plus le politique qui en est le médiateur mais l'économie sous quelque forme qu'on entende cette notion, aussi bien libidinale chez le philosophe que financière chez l'économiste. Là est la nouveauté : ce qu'on peut appeler le théologico-économique.
Ce terme de nomos qui définit dans le vocabulaire non pas de la Grèce antique, mais bien de la philosophie contemporaine, cette dispensation tous azimuths de la puissance par quelque instance que ce soit, est utilisé par Gilles Deleuze aussi bien que par Carl Schmitt, par Friedrich Hayek aussi bien que par Heidegger.
La réflexion sur les enjeux de territoire et la récusation d'une unité politique du monde sont des motifs récurrents de l’œuvre de Carl Schmitt, malgré les ruptures apparentes ou réelles qu’elle comporte. Ils sont présents dans les écrits de la période décisionniste (1920-1933), où ils illustrent le fantasme d’un dépassement définitif du conflit politique.
Durant la période national-socialiste, Schmitt oppose sa théorie du "grand espace" et des Empires aux rêves mondialistes, d'autant plus dangereux qu'’ils servent les intérêts d'une puissance aspirant à l'hégémonie, les États-Unis.
Mais c'est dans les écrits postérieurs à 1945 que cette approche devient centrale, en même temps que la réflexion désabusée sur "le nouveau nomos de la terre" qui pourrait succéder au jus publicum europaeum de l'époque moderne.
En fin de compte, le rejet constant du rêve d'une unification politique illustre à la fois la conviction étatiste de Schmitt et son refus d'une philosophie rationaliste de l’histoire.
Kant est souvent présenté comme le penseur d'une modernité héroïque où l'on ne craignait pas de croire en la liberté de l'homme. Il lui manquerait une conscience du tragique et de la fragilité des choses humaines.
Pour lui, le devoir d'autonomie vaut inconditionnellement et pour tous. Mais qu'entend-il par là ? Et quelle peut être la valeur de cette instance critique ?
Émission "Les Chemins de la philosophie", animée par Adèle Van Reeth.
L'histoire et la géographie, la sociologie et l'anthropologie, l'économie et la linguistique, la psychologie et la psychanalyse font toutes partie des sciences humaines. Ces disciplines trouvent-elles leur unité dans l'usage de certains concepts, dans un objet commun aux contours définis ou en raison d'un certain leg historique lié aux entreprises de savoir ?
Le philosophe et linguiste Sylvain Auroux, auteur de plusieurs ouvrages de référence sur l'histoire des sciences du langage, la philosophie et l'épistémologie des sciences humaines, se propose d'étudier les sciences humaines dans ses problématiques philosophiques afin d'en mesurer la cohérence et la pertinence sur le plan scientifique.
Une étude aussi vaste que passionnante.
Le gouvernement par les lois est-il en train de se retirer ? Comment se manifestent le renversement de la hiérarchie du public et du privé, l'effacement du système basé sur des lois reçues de l'extérieur et le retour de nouvelles formes d'allégeance ? Pourquoi chacun peut-il choisir la loi qui lui convient ? Et comment peut-on devenir son propre législateur ?
Il y a de nombreuses raisons de penser que la période qui s'est ouverte avec la montée en puissance des États souverains et du gouvernement par les lois, dans l'Europe des XIIe-XIIIe siècles, arrive à échéance. Sapé par la gouvernance par les nombres, le "rule of law" est en crise et le gouvernement par les hommes refait surface sous des formes inédites que le grand juriste Alain Supiot s'efforce d'identifier tout au long de cette série de cours.
C'est donc de l'apparition des nouvelles figures de l'allégeance dont il est ici question, où chacun doit pouvoir compter sur la protection de ceux dont il dépend et sur le dévouement de ceux qui dépendent de lui.
Bienvenue dans un monde purgé de l'hétéronomie de la loi.
La doctrine des droits de l'homme est devenue l'unique référence légitime pour ordonner le monde humain et orienter la vie sociale et individuelle. Dès lors, la loi politique n'a plus d'autre raison d'être que de garantir les droits humains, toujours plus étendus.
La loi ne commande plus, ne dirige plus, n'oriente plus : elle autorise. Elle ne protège plus la vie des institutions qu'il s'agisse de la nation, de la famille, de l'université, mais donne à tout individu l'autorisation inconditionnelle d'y accéder. L'institution n'est donc plus protégée ni réglée par une loi opposable à l'individu ; celui-ci jouit d'un droit inconditionnellement opposable à l'institution.
Dans ses récents travaux, Pierre Manent montre que cette perspective livre les éléments constituants de la vie humaine à une critique arbitraire et illimitée, privant la vie individuelle comme la vie sociale de tout critère d'évaluation.
Une fois que sont garantis les droits égaux de faire telle action ou de conduire telle démarche, il reste à déterminer positivement les règles qui rendent cette action juste ou cette démarche salutaire pour le bien commun. La loi naturelle de la recherche du bien commun se confond avec la recherche des réponses à la question : comment orienter ou diriger l'action que j'ai le droit de faire ?
Pierre Manent nous introduit à ces questions dont l'actualité est brûlante.
La doctrine des droits de l'homme est devenue l'unique référence légitime pour ordonner le monde humain et orienter la vie sociale et individuelle. Dès lors, la loi politique n'a plus d'autre raison d'être que de garantir les droits humains, toujours plus étendus.
La loi ne commande plus, ne dirige plus, n'oriente plus : elle autorise. Elle ne protège plus la vie des institutions qu'il s'agisse de la nation, de la famille, de l'université, mais donne à tout individu l'autorisation inconditionnelle d'y accéder. L'institution n'est donc plus protégée ni réglée par une loi opposable à l'individu ; celui-ci jouit d'un droit inconditionnellement opposable à l'institution.
Dans ses récents travaux, Pierre Manent montre que cette perspective livre les éléments constituants de la vie humaine à une critique arbitraire et illimitée, privant la vie individuelle comme la vie sociale de tout critère d'évaluation.
Une fois que sont garantis les droits égaux de faire telle action ou de conduire telle démarche, il reste à déterminer positivement les règles qui rendent cette action juste ou cette démarche salutaire pour le bien commun. La loi naturelle de la recherche du bien commun se confond avec la recherche des réponses à la question : comment orienter ou diriger l'action que j'ai le droit de faire ?
Et c'est en compagnie de Philippe Pichot-Bravard et Guillaume Bernard que Pierre Manent nous introduit à ces questions dont l'actualité est brûlante.
Émission du "Libre Journal des débats", animé par Charles de Meyer.
Comme le faisait remarquer naguère Claude Lefort, l'expansion du marxisme dans l'ensemble de la gauche française a été longtemps de pair avec une dépréciation du droit en général et la condamnation véhémente, ironique ou scientifique de la notion bourgeoise des droits de l'homme. Cette notion a depuis été réhabilitée par le grand mouvement de la dissidence antitotalitaire.
Mais aujourd'hui, nous ne pouvons que nous poser le problème très sérieux de l'extension indéfinie des droits de l'homme.
Pierre Manent, dans son dernier livre, s'interroge sur l'origine et les raisons de cet emballement et lui oppose avec une intrépidité certaine la loi naturelle. Or cette expression a disparu de la langue courante et même de la langue philosophique. Les modernes -et il y a longtemps que nous sommes modernes- ne parlent plus ainsi.
Qu'est ce que la loi naturelle et peut-elle encore être un recours ?