Paul Ricoeur n'a pas cessé d'interroger le rapport au texte, tout en cherchant à construire des outils précieux pour favoriser l'étude la plus efficace et parler au plus près, au plus vrai dans une quête absolue d'exactitude.
Ce sont l'historien François Dosse et le théologien Henri Blocher qui nous apportent une réflexion sur ce rapport que Paul Ricoeur entretenait face au Verbe, révélé, parlé et écrit.
L'Histoire est régulièrement invoquée pour développer l'esprit civique, fonder les communautés et donner du sens à la vie des nations qu'elle étudie.
Pourtant à quoi sert-elle, lorsqu'elle analyse les conflits et les guerres, surtout quand elles sont civiles ? Souvent présentée comme le récit tenu par les vainqueurs, ce qui la disqualifierait d'office, elle est aussi confrontée au devoir de mémoire, qui accentuerait son incapacité à être autre chose qu'un discours partisan, nourri des luttes, voire des haines. La simple constatation que les "leçons de l’histoire" n’ont jamais empêché le retour du pire ajoute à la suspicion.
Il faut pourtant faire de l'histoire, mais avec d'autres objectifs. En utilisant essentiellement les conflagrations nées pendant la Révolution française dans tout le pays et surtout dans l'Ouest français, Jean-Clément Martin nous propose une réflexion sur la nécessité de clarifier et d'exposer les cadres d'un affrontement, les mémoires qui en sont nées, les dynamiques qui lui sont liées. Il s'agit moins de chercher un consensus impossible, même chez des générations fort éloignées des individus concernés, mais plutôt de proposer les conditions d'un récit à plusieurs voix, pour que le passé puisse passer, au risque des désaccords et des remises en cause des romans collectifs acceptés. L'Histoire n’a plus besoin de revendiquer une ambition morale ou sociale pour trouver une place efficace, alors que la planète semble menacée d'un aplatissement des histoires locales, régionales ou nationales, et que la "fin de l'histoire" a même été affirmée. En dénommant les ruptures, en dépliant les événements, l'histoire vise alors à rappeler les responsabilités de tous les acteurs, dans l'épisode initial comme dans les rappels mémoriels, pour redonner du sens aux liens qui durent et aux implications qui demeurent souhaitables et nécessaires.
Olivier Rey part d'un constat simple, voir naïf, le retournement des enfants dans les poussettes : les enfants ne regardent plus leurs parents mais vers l'avant. Cette inversion, apparue dans les années 70, éclaire une transformation radicale de nos sociétés qui, portée par la démocratie et la science, favorise un sujet libéré du passé, de la tradition, apte à affronter l'avenir: un sujet auto-construit.
Une liberté absolue qui risque fort, souligne Olivier Rey, de laisser l'homme face aux déterminismes aveugles et aux fantasmes régressifs que les civilisations avaient tenté d'apprivoiser.
Finalement ce sont toutes les orientations actuelles de la biologie, des doctrines éducatives que l'auteur analyse avec pertinence en pointant comment l'utopie de l'auto-fondation a pénétré notre monde.