Theodor W. Adorno, Walter Benjamin, Max Horkheimer, Herbert Marcuse, puis Jürgen Habermas : voici les philosophes et intellectuels qui nous accompagneront cette semaine pour retracer l'histoire de ce groupe d'hommes allemands, qui, dès 1923, se sont regroupés dans l'Institut de recherche sociale de l'université de Francfort pour mettre au point une théorie critique.
L'histoire de l'École de Francfort est celle de la possibilité pour la philosophie de proposer une critique sociale du capitalisme, et d'interroger la possibilité pour les chercheurs et intellectuels de s'insérer de manière directe dans leur temps, jusqu'à aujourd'hui...
Émission "Les Chemins de la philosophie", animée par Adèle Van Reeth.
La démocratie, entendue dans son sens étymologique comme pouvoir du peuple, a vu son sens et sa pratique déformés -voire dévoyés- depuis quelques siècles.
Certains auteurs, militants, mouvements sociaux et expériences politiques concrètes se sont donnés pour but de "démocratiser la démocratie". Afin d'y parvenir, certains ont par exemple essayé de rendre la décision politique juste et légitime en la faisant découler d'une délibération entre les citoyens, d'autres ont proposés comme alternative le conseillisme qui s'oppose aux partis et aux syndicats quand les néo-républicains évoquent la démocratie agonistique.
Karim Piriou revient sur une histoire mouvementée et sur ces théories prometteuses qui, si elles entendent toutes revivifier la démocratie, n'en posent pas moins certains problèmes qu'il est important de soulever et de comprendre.
Reprenant les problématiques originelles de l’Ecole de Francfort, Katia Genel suit le cheminement des travaux de Max Horkheimer, ses débats avec Adorno, Fromm, Marcuse, mais aussi Walter Benjamin.
La problématique de l’autorité est centrale. Tout d’abord elle fait l’objet de recherches pluridisciplinaires : il s’agissait d’éclairer, dans le cadre de la famille, de la vie professionnelle et politique, la soumission à l’autorité du chef, du père, du maître. Par-là on cherchait à comprendre le processus de servitude volontaire par lequel les masses ouvrières, brisées par l’échec de la révolution spartakiste, se sont ralliées à Hitler.
Mais la question de l’autorité n’est pas seulement une réalité psychologique et sociale, c’est aussi une réalité épistémologique. Très tôt Horkheimer dénonce le "faitalisme", la soumission à l’autorité du "c’est un fait", du "c’est comme ça" par lequel on interdit d’avance toute légitimité à une théorie critique.
L’autorité, définie comme l’ "approbation de fait d’un rapport de dépendance donné", est ce phénomène complexe qui regroupe aussi bien des attitudes dogmatiques, des positions idéalistes, que les phénomènes les plus triviaux et les plus routiniers de l’asservissement quotidien.
On découvrira en "excursus" un rapprochement entre les analyses de Hannah Arendt sur la crise de l’autorité et les travaux de l’Ecole de Francfort.
Comment lever les obstacles que toutes les formes d’autorité, qui ne sont pas nécessairement réductibles les unes aux autres, posent sur la voie de l’émancipation ? Quand l’autoritarisme s’épanouit dans l’espace public, quand les théories critiques ne font plus autorité, et quelles sont nos chances d’émancipation ?
Les notions de délibération et de participation peuvent sembler complémentaires. Pourtant, elles sont en même temps dans un rapport de tension. Participation du grand public et délibération de qualité ont souvent été opposées. Comment rendre compte de ce paradoxe ?
Yves Sintomer étudie tout d’abord la façon dont les républiques antiques et modernes ont posé le rapport entre délibération et participation, en insistant plus particulièrement sur Durkheim, symbole d’un certain paternalisme républicain.
Il retrace ensuite comment l’émergence d’une théorie de l’espace public chez Habermas puis dans les sciences humaines et sociales a constitué une rupture démocratique par rapport à cette tradition, l’enjeu étant cependant de forger une conception réaliste de l’espace public.
La troisième partie explore les théories de la démocratie délibérative, marquées par une tension entre les approches centrées sur la délibération de mini-publics et celles qui placent la focale sur la participation du grand public.
En conclusion sont explorées les relations entre les notions de délibération, de participation et de représentation.