Quatre émissions en compagnie du philosophe français Jacques Rancière, pour mieux comprendre son leg intellectuel :
1. Souvent qualifiés de post-marxistes, Jacques Rancière et Étienne Balibar ont œuvré à un renouvellement de la théorie politique, gardant comme optique l'émancipation collective. Près de soixante ans après le séminaire de Louis Althusser à l'ENS Ulm en 1965, ont-ils dit adieu à Marx et au marxisme ?
2. Jacques Rancière définit l'émancipation comme la sortie d'une situation de minorité qui, loin de se réduire à un résultat, implique une autre manière d'être au monde. Comment expliquer le déclin de l'intérêt porté à l'émancipation aujourd'hui ? N'est-elle pas masquée par la notion de domination ?
3. Jacques Rancière tente de contrer l'idée selon laquelle l'image est quelque chose de passif. En tant qu'elles sont des relations, et non de simples copies, les images de l'art agissent. Pour autant, il soutient aussi que l'image peut résister à la façon dont on veut la regarder et la penser.
4. Pour Jacques Rancière, la littérature est une révolution qui s'installe en Occident en opposition aux belles-lettres. Sa politique tient au désordre qu'elle institue dans le partage du sensible : la littérature opère une destruction des hiérarchies, notamment entre les sujets nobles et les sujets vils.
Émission "Avec philosophie", animée par Géraldine Muhlmann.
Envers et contre elle, Annie Le Brun traverse l'époque. Elle occupe ce point où sensible et politique, littérature et subversion, restent indissociables. L'expérience du surréalisme dont elle témoigne est tout le contraire d'un mythe, le contraire d'un passé. On y entend le vif des rencontres et de le plein des singularités, la puissance du collectif quand il chemine vers l'inconnu. Autant dire que sa manière de soutenir les désirs, de chasser toute tendance à la résignation ou de faire entendre la joie d'être ensemble, continue à résonner en nous.
On parlé ici d'esthétique critique, de communisme des ténèbres et de ces lignes de crête sur lesquelles il faut se tenir pour rester inaccaparé. Ou encore, de ces "réserves monstrueuses de beauté" dans lesquelles puiser pour "se garder de reculer et de subir".
Benoît Peeters est écrivain, scénariste, biographe (Valery, Hergé, Derrida, Ferenczi) et inventeur d'univers de Cités obscures. Analyste de Barthes, Hitchcock et Chris Ware, historien et théoricien de la BD, éditeur et héros de roman photo, c'est peut-être d'abord un homme d'images.
L'occasion de revenir sur sa carrière et d'en comprendre, si ce n'est le sens, au moins les points d'inflexions et les aspirations et occasions qui ont mené à des recherches qui pouvaient encore paraître, en leur temps, assez incongrues.
Un entretien mené par Franck Senaud.
Qu'a d'unique la bande dessinée et quel est son génie ? s'interroge Benoît Peeters, qui revient sur l'extrême liberté des auteurs de BD et leur créativité, dès Rodolphe Töpffer.
Comment la planche a-t-elle conquis albums et journaux ? Pourquoi la bulle et le phylactère ne font pas la bande dessinée ? Quels sont les nouveaux horizons de son écriture?
La figuration n'est pas tout entière livrée à la fantaisie expressive de ceux qui font des images. On ne figure que ce que l'on perçoit ou imagine, et l'on n’imagine et ne perçoit que ce que l'habitude nous a enseigné à discerner. Le chemin visuel que nous traçons spontanément dans les plis du monde dépend de notre appartenance à l'une des quatre régions de l'archipel ontologique : animisme, naturalisme, totémisme ou analogisme. Chacune de ces régions correspond à une façon de concevoir l'ossature et le mobilier du monde, d'en percevoir les continuités et les discontinuités, notamment les diverses lignes de partage entre humains et non-humains.
Masque yup’ik d’Alaska, peinture sur écorce aborigène, paysage miniature de la dynastie des Song, tableau d'intérieur hollandais du XVIIe siècle : par ce qu'elle montre ou omet de montrer, une image révèle un schème figuratif particulier, repérable par les moyens formels dont elle use, et par le dispositif grâce auquel elle pourra libérer sa puissance d'agir. Elle nous permet d'accéder, parfois mieux que par des mots, à ce qui distingue les manières contrastées de vivre la condition humaine.
Par un travail de comparaison d'images d'une étourdissante diversité, Philippe Descola pose magistralement les bases théoriques d'une anthropologie de la figuration.
Séminaire Matières de l'architecture au sein du département AAP de l'école nationale supérieure d'architecture Paris-Malaquais.
L'histoire de l'image ne peut être dissociée de l'Histoire de l'Église car à travers les siècles, les artistes y ont principalement célébré le mystère de l'Incarnation.
Le philosophe Olivier Rey analyse cette histoire et s'interroge sur la profusion actuelle d'images qui, au lieu de pointer vers le divin, tendent désormais à faire écran avec les réalités qui nous sont les plus immédiates.
Émission "Dialogue", animée par Sarah Brunel.
Depuis que les hommes ont une bouche pour parler et des oreilles pour entendre, autrement dit depuis qu'ils échangent des messages, ils ont compris qu'il est possible de tirer avantage du flou propre à la plus innocente des informations ; que, l'aloi de vérité qui y est compris n'étant ni fixe ni garanti, il n'y a rien de plus facile que de joindre à l'approximation involontaire la tromperie délibérée.
Cette échange entre Vladimir Volkoff, Jean-Claude Valla et Alain de Benoist, permet de se faire une idée de l'actualité de la désinformation et doit nous permettre d'avoir un nouveau regard sur l'information, quelle que soit sa source, et de se prémunir contre une arme dont les victimes se comptent par millions...
La désinformation, dont n'importe qui peut être un agent à son insu, reste une donnée majeure de notre temps.
Un échange modéré par Grégory Pons.
Pour l'historien de l'art Wolfgang Schöne, l'histoire des images de Dieu en Occident fut marquée par une phase de visibilisation croissante, culminant dans la seconde moitié du XVe siècle, suivie d'une phase de visibilisation décroissante, reconduisant à l'invisible. À travers le mystère de l'Incarnation, Dieu se donnait toujours plus à voir dans la forme humaine ; mais quand la forme humaine devint la véritable référence – comme c'est le cas au plafond de la Sixtine, peint par Michel-Ange au début du XVIe siècle –, celle-ci devint également inapte à figurer Dieu.
Peinte au milieu du XVe siècle, la Pietà d'Avignon, d'Enguerrand Quarton, se situe à peu près au point culminant de la visibilité divine. Appartenant encore à l'ère de l'image, mais précédant de très peu l'ère de l'art, cette œuvre nous donne la possibilité d'apprécier, à partir d'elle, l'ensemble de la trajectoire.