Dénonciation du narcissisme de l'individu épris de ses seuls droits, crainte d'une spirale de revendications infinie, rappel des exigences de la communauté familiale, sociale ou politique : la "religion des droits de l'homme" suscite de plus en plus ouvertement la contestation. En témoigne le succès de l'accusation de "droit-de-l'hommisme" destinée à fustiger l'oubli des contraintes de l'action politique.
Ces attaques ne reflètent-elles que la constance, sous des formes voilées, de la pensée antidémocratique ? Si certaines émanent de catholiques conservateurs ou des tenants d'une nouvelle hypothèse communiste, elles sont toutefois aussi menées par des auteurs qui, de Marcel Gauchet à Régis Debray ou Jean-Claude Michéa, se réclament du républicanisme ou de la démocratie.
En comprenant leur généalogie, il s'agit ici de questionner la place des droits de l'homme dans l'Europe du XXIe siècle.
L'historien Yannick Bosc nous présente l'évolution des idées de la Révolution française à travers la figure de Thomas Paine, défenseur des principes des droits de l'homme.
Ceux-ci vont passer durant cette période de valeurs fondamentales de la liberté à dangereuse idéologie menaçant la notion même de possession et de fait réprimée par les tenants du libéralisme économique naissant.
Une relecture nécessaire de cette épisode fondateur de la modernité politique.
Il n'appartient guère à l'historien de se poser une telle question, encore moins d'essayer d'y répondre. En revanche, si les contemporains en ont eu le sentiment, comme ce fut le cas de façon massive, y compris parmi les républicains les plus convaincus, il lui faut en prendre acte, et explorer accessoirement les trop bonnes raisons qu'ils se pouvaient croire de penser ainsi.
Ce sentiment inattendu, Xavier Martin a donc été conduit, selon sa manière déjà éprouvée, à en établir la réalité au prix d'un recours intensif aux sources directes les plus variées. Car les témoignages sont nombreux, abondants, suggestifs, de cette impression pesante et tenace d'une France abîmée : un sentiment qui volontiers a pu aller jusqu'au regret sans équivoque du temps béni d'Ancien Régime, et parfois même s'est cru fondé à faire état explicitement d'un lien tangible entre les Lumières et la subversion révolutionnaire des plus hautes valeurs.
Émission du "Libre Journal de Lumière de l'espérance", animée par Philippe Pichot-Bravard.
Fait massif et incontestable, la mondialisation est bien plus qu'un simple phénomène économique et financier. Elle revêt une dimension politique dans le sens le plus intégrant du terme, et au-delà, une dimension spirituelle. Ce qu'elle met en jeu, ce sont les moeurs, les conceptions de la vie et de l'Homme, l'organisation des sociétés. En un mot, il s'agit d'un phénomène de civilisation, lequel est indissociable dans ses origines de l'universalisme chrétien en tant que celui-ci envisage l'espèce humaine comme un tout.
Mais la mondialisation en constitue comme une sorte de versant matériel et caricatural, une perversion complète. À moins qu'elle ne soit purement et simplement l'expression d'une crise de la civilisation. Prendre sa juste mesure suppose en tout cas d'accepter de questionner les fondements de ce que l'on nomme la modernité, dont elle constitue de fait un aboutissement, une expression paradigmatique à plus d'un titre.
On présente aujourd'hui l'abolition de la peine de mort comme un progrès majeur de civilisation. En est-il vraiment ainsi ? S'inscrivant en faux contre la vulgate ambiante, Jean-Louis Harouel propose une autre lecture. iconoclaste et originale.
Il montre que, contrairement aux apparences - et à ce que bien des gens croient sincèrement -, la phobie de la peine de mort qui caractérise aujourd'hui l'Europe occidentale ne procède pas du "Tu ne tueras pas de la Bible", mais est un des effets d'une religion séculière ayant pris le relais du communisme comme projet universel de salut terrestre, "la religion des droits de l'homme". Or celle-ci est la continuatrice de vieilles hérésies oubliées qui manifestaient une grande désinvolture à l'égard de la vie des innocents, tout en professant un amour préférentiel envers les criminels, considérés comme d'innocentes victimes.
Là se trouve la source de l'humanitarisme anti-pénal qui a fait triompher l'abolition de la peine de mort, laquelle, même très peu appliquée, constituait la clé de voûte d'un système pénal fondé sur l'idée de responsabilité. Au lieu de quoi, la suppression de la peine capitale a frayé la voie à une perversion de la justice - l'imposture de la perpétuité de vingt ans ! - au profit des criminels et au détriment de la sécurité des innocents.
Cofondateur de la revue Le Débat, directeur d'études émérite à l'EHESS, Marcel Gauchet ausculte depuis plus de trente ans le triomphe de la modernité politique et la sortie de l'ère du religieux. Avec Le Désenchantement du monde, en 1985, il a écrit un des livres les plus essentiels pour comprendre notre temps.
Depuis, il ne cesse de s'interroger sur L'Avènement de la démocratie qui a fini par créer Un monde désenchanté. Est-ce qu'après avoir vaincu la réaction et la révolution, la démocratie n'aurait pas trouvé son pire ennemi en elle-même, en se dissolvant dans l'individualisme et la perte du sens de ce qui nous réunit ?
"7 conversations philosophiques" animées par François Huguenin.
Certains s'en souviennent peut-être, jusque dans les années 70 du XXe siècle, le droit était considéré par les penseurs politiques les plus en vue, comme une superstructure idéologique, pure mystification destinée à protéger et à occulter par la fiction d'une loi supposée égale pour tous, la réalité de l'exploitation et celle de la domination.
Les choses ont changé sous l'effet de la dissidence dans les pays totalitaires. Il s'est produit un extraordinaire retour du droit, et cette réévaluation a pris la forme d'une référence retrouvée aux Droits de l'homme. Référence qui reste plus que jamais de mise.
Les Droits de l'homme font l'unanimité aujourd'hui, ils n'ont plus d'ennemis déclarés. Mais la conflictualité n'a pas disparu pour autant. Plusieurs conceptions des Droits de l'homme se font jour et s'affrontent. Si tout le monde parle en effet le même langage, ce langage recouvre des pensées et des politiques antagonistes.
Pour y voir plus clair dans ce dissensus paradoxal, Frédéric Worms, membre du comité consultatif national d'éthique et philosophe, débat avec Grégor Puppinck, docteur en droit et directeur du Centre européen pour le droit et la justice.
La philosophie est-elle une vocation ? Comment viennent les idées ? Comment se fabrique un concept ? À quoi ressemble l'atelier du philosophe ? Et quel rôle le philosophe doit-il jouer dans la cité ? C'est au tour de la philosophe Blandine Kriegel, née en 1943, de répondre à ces questions.
Marquée par son travail avec Michel Foucault et fidèle à la philosophie née de la rencontre entre l'école française d'histoire des sciences et le structuralisme dans les années 60, elle prône une philosophie qui s'exerce en bon entendement avec les sciences et l'histoire. Professeure émérite des universités, elle fut présidente du Haut Conseil à l'intégration, conseillère de Jacques Chirac et membre du Comité consultatif national d'éthique.
Retour sur un parcours riche et engagé, à contre-courant des modes intellectuelles.
Émission "Les Chemins de la philosophie", animée par Anastasia Colosimo.