Le dandysme : une notion beaucoup plus profonde et articulée, tant sur le plan philosophique que littéraire, que ce qu’il y paraît à première vue. C’est cette thématique que Daniel Salvatore Schiffer va nous aider à mieux cerner tout au long de ces deux cours-conférences.
Ces leçons, aux confins de la philosophie, de l’art et de la littérature, se basent sur la réflexion, à travers quelques-uns de leurs concepts-clés, de deux des penseurs majeurs du XIXe siècle, Friedrich Nietzsche et Sören Kierkegaard, pour analyser, dans un deuxième temps, la manière dont deux des plus grands écrivains de ce même siècle, Charles Baudelaire et Oscar Wilde, ont appliqué, au sein de leur œuvre poético-littéraire, ces notions philosophiques.
La figure du "philosophe-artiste", tout d’abord. Elle jalonne l’œuvre de Nietzsche. De lui connaît-on surtout la critique des valeurs judéo-chrétiennes : ce qu’il appelle la "transmutation des valeurs". Avec, comme corollaire, l’avènement de ce qu’il qualifie le "surhomme". C’est ce type de "surhomme" qui se révèle être la préfiguration du "philosophe-artiste" : être à l’intelligence, comme à la sensibilité, évoluant constamment, en une sorte de synthèse existentielle, aux limites, justement, de la philosophie et de l’art.
L’esthétique de Kierkegaard, ensuite. Elle constitue le premier des trois stades, au sein de sa "dialectique qualitative", du développement humain : les stades esthétique, éthique et religieux. Il est fait également allusion du thème de la séduction, pivot existentiel et conceptuel de son "stade esthétique".
Ainsi examinenons-nous, ensuite, la manière dont deux des plus grands écrivains du XIXe siècle - Charles Baudelaire, en France, et Oscar Wilde, en Angleterre -, chantres du dandysme, ont appliqué, consciemment ou non, ces importants concepts nietzschéen et kierkegaardien au sein de ces deux chefs-d’œuvre de la littérature universelle que sont Le Peintre de la vie moderne de Baudelaire, et Le Portrait de Dorian Gray de Wilde. Car c’est dans ces deux œuvres, principalement, que l’on voit apparaître le plus clairement la figure du "dandy", dont le philosophe-artiste nietzschéen ainsi que le "séducteur" kierkegaardien sont les archétypes philosophiques.
George Gordon Byron (1788-1824), plus connu sous le nom de Lord Byron, est un des plus grands écrivains, poètes et dramaturges anglais, à cheval sur les 18e et 19e siècles. Son nom est resté, au sein de l'histoire de la littérature mondiale, un mythe. Sa vie, terriblement aventureuse et prodigieusement romanesque, réceptacle de tous les paradoxes philosophiques comme de toutes les contradictions psychologiques, entretient, par ailleurs, sa légende.
Byron, l'un des principaux précurseurs du romantisme, fut aussi un des plus grands dandys de son temps : un dandysme flamboyant, sublime par moments, mais également tragique sur le plan existentiel. C'est dire si ce seul nom de Byron brille au firmament de la culture universelle. Et, pourtant, son œuvre, aussi diversifiée qu'importante, reste largement méconnue du grand public. Peu de gens la lisent encore de nos jours, excepté, peut-être, son chef d'œuvre, Don Juan, long poème épique resté inachevé après sa mort aussi soudaine que prématurée. C'est cette œuvre que Daniel Salvatore Schiffer tente de ressusciter. Et ce, en l'insérant, également, dans son contexte philosophique, politique, social, artistique, littéraire et esthétique.
Ce fut sa première incongruité : Barbey d'Aurevilly naquit en 1808, le 2 novembre, le jour des morts "à deux heures du matin, par un temps du diable". "J'ai toujours cru que ce jour répandrait une funeste influence sur ma vie et ma pensée". Première provocation d'un homme qui les cultiva toutes et fit de la transgression, du sacrilège, du scandale et du mystère, la matière et l'esthétique même de ses œuvres.
La publication en 1874 des Diaboliques donna lieu à un procès et la saisie des exemplaires du livre fut ordonnée par la justice. Avant Baudelaire, dont il salua le génie, Barbey d'Aurevilly cultiva "l'aristocratique plaisir de déplaire".
Son élégance ostentatoire de dandy byronien était un défi à son siècle, ce XIXe contre lequel il ne cessa de s'insurger avec violence.
Car Barbey, monarchiste, catholique, nostalgique de la chouannerie, pourfendeur du matérialisme et de la notion de progrès, journaliste, réactionnaire, construisit son personnage et son œuvre contre ce siècle et cette modernité qu'il abhorrait.
A Saint-Sauveur-le-Vicomte, à Valognes, villes de sa jeunesse, de ses premières passions et de la nostalgie de son vieil âge, "dans les palais des premiers songes, dans les chemins creux et les landes du Cotentin, sur les grèves de Carteret, entre brumes et embruns", nous partons à la recherche des figures étranges, damnées et pourtant familières, que Barbey avait connues et recrées.
Émission "Une vie, une oeuvre", animée par Françoise Estèbe et Jean-Claude Loiseau.