Pour ce Grand Entretien, Pierre-Yves Rougeyron revient sur l'actualité politique et géopolitique du mois de novembre 2016.
PARTIE 1 :
00. Actualité du Cercle Aristote 00:00
POLITIQUE INTERIEURE
01. Affaire Kardashian / drame social à Villejuif 1:48
02. Décret réduisant les avantages des anciens présidents de la République 13:10
03. Décolonisation de la Polynésie Française à l’ONU 15:24
04. Le Général Piquemal radié des cadres de l’armée 28:50
05. Zemmour : enquête pour apologie de terrorisme 31:40
06. Agression de quatre policiers à Viry-Châtillon 43:44
07. Le cas Rachid Nekkaz 1:22:04
08. DOSSIER MIGRANTS 1:23:40
09. Primaires à droite / Jean-Frédéric Poisson 1:33:18
PARTIE 2 :
10. Hollande reconnaît l’internement des Tziganes 00:00
11. Révélations de Hollande dans le livre de Davet et Lhomme 5:10
12. Fichier biométrique national : quels risques ? 8:15
13. Zèle germanophile de Valls au salon du livre de Francfort 12:25
14. Déclarations intempestives de Pierre Gattaz en Chine 14:28
POLITIQUE EXTERIEURE
15. Tensions Etats-Unis/Russie : vers la troisième guerre mondiale ? 18:00
16. Poutine annule sa visite en France après les hésitations de Hollande 20:16
17. La candidature de la Russie au Conseil des droits de l’homme rejetée 21:50
18. Juncker : "L’Europe ne va pas s’agenouiller devant les USA" 24:38
19. Scandale des Caracal : coup de froid dans les relations franco-polonaises ? 25:17
20. Brexit : Theresa May annonce l’activation de l’article 50 du traité de Lisbonne 27:48
21. La "résistance" des Wallons au CETA 34:55
22. L’ancien général Michel Aoun élu à la présidence du Liban 38:50
23. La Colombie vote "non" à l’accord de paix avec les FARC 44 :50
24. "Nos très chers Emirs" : la classe politique achetée 50:18
ECONOMIE
25. Joseph Stiglitz prédit que l’Italie va quitter la zone Euro 52:20
26. Jean-Claude Trichet : "le Bitcoin est une invention géniale" 57:50
27. Election de Jacques Sapir à l’Académie des sciences russe 58:24
CULTURE
28. Quel rôle joue la Franc-Maçonnerie dans la structure du pouvoir ? 1:00:11
29. Qu’est-ce que la politique gaullienne de la "chaise vide" ? 1:02:38
30. Que pensez-vous de Robert Redeker ? 1:04:40
AUTRE
31. Conseils de lecture 1:09:58
32. Initiatives 1:29:45
Dans cette émission, René Girard revient sur les événements marquants de l'année 2005 en les analysants à la lumières des théories du désir mimétique et des mécanismes de violence sacrificielle à l’origine de toute société, théories qu'il a construites et développées tout au long de sa carrière intellectuelle.
La valeur salvatrice du christianisme est régulièrement également rappelée, et l'idée d'une renaissance de la religion chrétienne évoquée.
Émission "Face aux Chrétiens", animée par Jacques Paugam. René Girard est interrogé par Véronique de la Maisonneuve pour RCF, Jean-Claude Raspiengeas pour La Croix et Aymeric Pourbaix pour Radio Notre Dame.
René Girard a élaboré depuis son premier livre, en 1961, une théorie du sacré dans la culture occidentale. Cette théorie repose sur trois postulats fondamentaux :
1) le désir est emprunté à l’autre, qui joue le rôle du médiateur ou du modèle (approche inspirée par des écrivains comme Dostoïevski) ;
2) la culture étant définie comme un système de différences, les cultures archaïques "gèrent" le désir mimétique en refaisant sans cesse la distinction entre les violences légales et illégales, le sacré et la violence ; elles se servent, pour ce faire, du "mécanisme sacrificiel" ;
3) le monde moderne est né du délitement de l’institution sacrificielle, d’où le besoin de trouver une alternative au sacrifice, afin que la culture puisse survivre sans s’autodétruire, alternative apparue dans les Écritures juives, puis dans les Évangiles.
Emmanuel Levinas construisit, en particulier depuis Totalité et Infini, publié lui aussi en 1961, ce qu’on peut appeler une théorie de l’éthique. Peu convaincu par le concept de subjectivité et de moralité développé de Kant à Heidegger, en passant par Hegel et Husserl, concept qui met un sujet conscient face à des objets de connaissance, Levinas propose une compréhension de la subjectivité humaine fondée sur une responsabilité éthique première et sans limite devant autrui, dont le visage donne un accès à l’infini. Menant de front plusieurs projets, conjointement dans les études juives et dans la tradition philosophique à partir de Platon, Levinas voulut faire revenir l’hébreu dans le grec. Puisant dans les écrits de Martin Buber et de Franz Rosenzweig, il construisit une éthique "descriptive" qui inverse le rapport kantien traditionnel entre l’éthique et le politique : cette configuration nouvelle subordonne toute rencontre médiatisée (l’universel, le juridique, le catégorique, le politique) à la rencontre personnelle immédiate entre le moi et autrui, par lequel nous sommes pour ainsi dire pris en otage.
Le propos de Jean-Luc Marion est d'évaluer en quoi ces deux pensées se répondent, se complètent ou s'opposent : si Girard déploie une théorie du sacrifice en tant que tel, il n’a en revanche pas de théorie éthique ; Levinas propose, lui, une théorie de l’éthique tout à fait compatible avec la lecture anti-sacrificielle que Girard fait du sacré, même si elle ne se pense pas dans les mêmes termes.
L’articulation de ces deux pensées pourrait-elle aider à une compréhension plus large des théories du sacré et de l’éthique ?
Quand on s'intéresse à la révolution bolchevique, on étudie Karl Marx. Lorsqu'on veut savoir ce qu'est la révolution islamiste, on doit connaître Sayyid Qutb et son œuvre. Le professeur et poète égyptien Sayyid Qutb, martyr de l'islamisme, condamné à mort par le régime du colonel Nasser, a posé les bases de la nouvelle révolution pour bâtir une société nouvelle et faire apparaitre un homme nouveau, le djihadiste moderne.
Qutb a été épouvanté par l‘individualisme et le matérialisme de la société américaine et ce qui lui est apparu comme la régression de l'homme sans Dieu au niveau de l'animalité. Il a voulu revenir aux sources de l'islam conçues comme un contrepoison. C'est l'esprit du mouvement salafiste de retour aux origines de l'Islam. Avec ses amis les Frères musulmans, il a imaginé une révolution totale en Egypte, avec comme perspective un califat, un empire s'étendant sur toute la surface du monde.
Il eut de nombreux disciples dont les plus célèbres sont sans doute Oussama Ben Laden, l'ancien chef d'Al Qaida et Abou Bakr Al Baghdadi, actuel calife de l'Etat islamique en Irak et au Levant. Qutb fut condamné à mort, Ben Laden fut tué par un commando américain mais le Calife Al Baghdadi est bien vivant et appelle au combat armé et aux méthodes terroristes pour faire triompher son idéal totalitaire. Il recrute ses jeunes combattants dans le monde musulman et mais aussi dans les banlieues occidentales.
L'islamisme est une mystique guerrière révolutionnaire et totalitaire, qui profite de la décadence morale du monde atlantique. Pour le vaincre, il faut comprendre qu'il s'agit de combattre un mouvement révolutionnaire nouveau. C'est un défi pour les services secrets, les forces de police et de gendarmerie, la justice nécessairement spécialisée et le système éducatif.
Quand la marchandise se déploie, la violence se déchaine. Après les attaques contre le journal Charlie Hebdo, la tuerie antisémite dans un supermarché casher et les attentats du 13 novembre à Paris, le débat sur l'incompatibilité d'une culture "islamique" avec les "valeurs du monde occidental" a repris de plus belle. Quand il agite simultanément une aile droite populiste redoutant une "islamisation de l'Europe" et les apologètes de chez Freedom and Democracy portant haut et fort les "valeurs occidentales universelles" et leur "guerre de civilisation" (Manuel Valls), ce conflit est plus qu'explosif quand il ne nous conduit pas dans une impasse. Dépourvus des armes de la critique de l'économie politique et de toute forme de théorie critique, les frères ennemis du "choc des civilisations" et du "dialogue des cultures" ne jouent plus ici que le jeu en miroir d'une idéologie de crise commune ayant pour seul fond de sauce une lecture culturaliste atterrante.
Face à de telles absurdités, la gauche traditionnelle n'a fait qu'opposer les vieux arguments anti-impérialistes et une lecture géopolitique insistant unilatéralement sur la faute de l' "Occident".
En s'inscrivant en faux avec ces lectures, il s'agira d'avancer de toutes autres hypothèses en évoquant quelques pistes de réflexion autour des questions suivantes :
1. Les politologues ont ils inventé l' "islamisme" ?
2. L'islamisme peut-il vraiment être expliqué à partir de la religion ?
3. Loin de représenter une rechute en-deçà des Lumières, l'islamisme et sa version hard power djihadiste ne représentent-ils pas une forme spécifiquement moderne de religiosité - le religionnisme -, qui a ses racines dans la désintégration de la société capitaliste ?
4. Tout autant que la "global war on terror" occidentale, le "jihad global" et les terroristes attaquant leurs cibles munis de caméras GoPro ne doivent-ils pas être compris comme la manifestation d'une phase avancée de la décomposition du capitalisme et de la pulsion de mort du sujet moderne ?
Il s'agira ici d'aborder ces questions en montrant qu'il est nécessaire de réinscrire les trois temporalités historiques que connaîtront les islamismes au cours du XXe siècle, dans la dynamique même du capitalisme, ses configurations historiques changeantes et l'implosion finale de la forme sujet moderne.
René Girard, après la sortie de ses trois livres Mensonge romantique et vérité romanesque, La violence et le sacré et Des choses cachées depuis la fondation du monde, est enfin devenu un penseur estimé.
Au micro de Jacques Chancel, il revient sur son itinéraire personnel et les grands thèmes qui structurent sa pensée.
Partie I
Avec Apocalypse ch6, Henri Blocher présente une vue d'ensemble du sens de la guerre : la place de la guerre dans la Bible mise en perspective avec la promesse de son abolition dans Michée ch4.
À noter que les figures positives de plusieurs guerriers font de la guerre un mal ambigüe, un sujet complexe.
Partie II
Henri Blocher introduit son étude par la lecture de Romains ch12&13. Il aborde la question de l'objection de conscience, de la conduite à tenir pour le chrétien en contexte de guerre.
Il rappelle également les positions historiques des églises face à la guerre, il développe les argumentaires pacifistes et la théorie de la guerre juste.
Partie III
La 7ème béatitude lue dans Matthieu ch5 au v9 invite le chrétien à être un artisan de paix.
Henri Blocher explique comment œuvrer pour la paix : en s'abstenant de fomenter la guerre, en soutenant les institutions qui répriment le mal, et en s'engageant dans la réconciliation.
La réflexion anthropologique a longtemps perçu dans le sacrifice sanglant une espèce d’énigme qu’elle s’est efforcée de résoudre, mais sans y parvenir. On s’est dit alors que le sacrifice en général, le sacrifice en soi, n’existe peut-être pas.
L’hypothèse d’une illusion conceptuelle est légitime en tant qu’hypothèse mais, dans la seconde moitié du XXe siècle, elle s’est durcie en un dogme d’autant plus intolérant qu’il croit triompher de l’intolérance occidentale, de notre impérialisme de la connaissance. Sous l’emprise de ce dogme, la majorité des chercheurs a rejeté la théorie mimétique qui réaffirme la nature énigmatique du sacrifice et enracine son universalité dans la violence mimétique de tous les groupes archaïques.
Pour illustrer la théorie mimétique, René Girard interroge la plus puissante réflexion religieuse sur le sacrifice, celle de l'Inde védique, rassemblée dans les vertigineuses Brahmanas. On trouve dans la Bible des violences collectives semblables à celles qui engendrent les sacrifices mais, au lieu de les attribuer aux victimes, la Bible et les Évangiles en attribuent la responsabilité à leurs auteurs véritables, les persécuteurs de la victime unique. Au lieu d'élaborer des mythes, par conséquent, la Bible et les Évangiles disent la vérité : on y trouve l'explication du processus sacrificiel, le processus victimaire ne peut donc plus servir de modèle aux sacrificateurs.
En reconnaissant que la tradition védique peut conduire elle aussi à une révélation qui discrédite les sacrifices, loin de privilégier indûment la tradition occidentale et de lui conférer un monopole sur l'intelligence et la répudiation des sacrifices sanglants, l'analyse mimétique reconnaît des traits comparables mais jamais vraiment identiques dans la tradition indienne. Même si nous restons incapables de débrouiller vraiment le rapport qui unit et sépare ces deux traditons, ces conférences nous permettent d'apprécier un peu mieux leur richesse et leur complexité.