Souvarine : ce nom évoque Germinal. Un jeune militant pacifiste et socialiste -Boris Lifschitz- l'emprunte en 1916 à Emile Zola. Devenu Boris Souvarine, il est l'un des principaux acteurs de la fondation du Parti communiste en France (1920). Lénine lui accorde sa confiance et, malgré son "indiscipline", le hisse aux plus hautes instances de l'Internationale communiste.
Pourtant ce jeune révolutionnaire, passionné de culture, est l'un des tout premiers à rompre -en 1924- avec Moscou. Alors commence pour lui une lutte incessante contre la dégénérescence du bolchevisme, le mensonge et l'impérialisme soviétique.
Premier biographe du maître du Kremlin - Staline, aperçu historique du bolchevisme (1935), un ouvrage capital -, il est conduit par son intrépide critique de l'expérience russe à retrouver les fondements moraux de l'action politique.
D'un courage hors du commun, à contre-courant de tous les terrorismes intellectuels, il n'a jamais abdiqué, même face à Trotski qu'il admirait. Ami de Simone Weil qu'il influença, profondément attaché au peuple russe, Boris Souvarine, témoin essentiel dans un siècle marqué par le complicité des totalitarismes nazi et soviétique, a combattu pendant cinquante ans pour une seule cause : la vérité en politique.
Quand la révolution bolchevique "ébranla le monde" capitaliste, les Occidentaux la boycottèrent et ruinèrent, après avoir envahi et ravagé la Russie pendant trois ans de guerre, toutes les tentatives soviétiques de reconstituer "l'alliance de revers" à la veille de la Seconde Guerre Mondiale, alliance qui avait sauvé la France de l'invasion allemande en 1914.
Le sabotage fut spectaculaire entre guerre d'Espagne, Anschluss, accords de Munich, "déclarations d'amitié" anglaise et française avec le Reich et "farce de Moscou". On n’oubliera pas la "Pologne des colonels", complice ouverte du Reich depuis 1933, signataire avec lui de la "déclaration de non-agression et d'amitié" du 26 janvier 1934.
Une mise au point nécessaire alors que le Parlement européen décrète que nazisme=communisme et qu'on nous certifie que le pacte de non-agression germano-soviétique du 23 août 1939 fut une cause majeure, voire la cause, de la seconde conflagration mondiale.
Boris Souvarine a pris une part active, dans l'entre-deux-guerres, dans le groupe des "Amis de la Vérité sur l'URSS", qui se proposait "de recueillir et de répondre à l'intention des gens de bonne foi, une information exacte et valable sur les réalités "soviétiques", [...] accomplissant ce devoir hors de toute considération politique ou tactique, avec l'unique préoccupation de réagir contre le parti pris et contre l'ignorance".
C'est après la parution de son Staline (1935), que Boris Souvarine publie un long article sur les deux premiers procès de Moscou (août 1936 et janvier 1937) où il s'interroge sur la logique de cette tragédie pseudo-judiciaire où les accusés s'accablent de tous les maux avant leur mise à mort.
Au-delà de la mise en scène spectaculaire de ces procès et du sacrifice de personnalités connues, c'est bien l'ampleur de la répression dans toutes les strates de la société soviétique que symbolisent ces purges au sommet de l'État-Parti. À mesure que s'enchaînent les condamnations, Souvarine établit que le mensonge, aussi déconcertant soit-il, constitue dorénavant le fondement d'un univers politique où 2+2 n'est plus égal à 4.
Émission "Offensive Sonore".
La guerre de l'information par le contenu est peu étudiée dans le monde académique ainsi que -malheureusement- dans l'appareil d'Etat.
C'est la raison pour laquelle Christian Harbulot, expert international en intelligence économique et directeur de l'Ecole de Guerre Economique, nous propose cette série d'émissions, démarche pédagogique visant à faire naître une réelle culture civile du combat par l'information.
Une série d'émission animée par Nicolas Moinet.
Le lancement de l'invasion russe en Ukraine le 24 février 2022 a remis sur le devant de la scène une réalité que certains pensaient réservée à un passé lointain : la guerre à haute intensité, au cœur du vieux continent, est toujours un levier pour imposer sa volonté.
Ce retour à la haute intensité a été martelé dans les médias et au sein même du discours politique. Quelques mois en arrière, la guerre renvoyait à la lutte contre un virus. Pourquoi faut-il faire attention aux mots que l'on emploie, au risque sinon d'en perdre le sens profond ? Pourquoi la guerre, à travers l'histoire, n'a pas été forcément en mesure de trouver un accomplissement réel dans une victoire politique ?
Explorant une des principales révolutions de la pensée militaire, Benoist Bihan, éminent stratégiste français nous propose ici, à partir de l’analyse de la pensée d'Alexandre Sviétchine, penseur russe passé du Tsar au service des bolcheviks, de nous donner les clés de compréhension d'une discipline mettant réellement les combats au service de la stratégie : l'art opératif.
- 0'00'00 : introduction
- 0'02'34 : présentation
- 0'05'48 : stratégie et tactique, mise en perspective historique
- 0'09'38 : Alexandre Sviétchine et le blocage de la guerre au début du XXe siècle
- 0'26'40 : Alexandre Sviétchine, Mikhaïl Toukhatchevski et l'Armée Rouge
- 0'48'06 : l'art opératif au révélateur du second conflit mondial, Koursk et Bagration
- 1'04'31 : la transmission difficile de la réflexion stratégique soviétique en Occident
- 1'22'02 : la pensée de Sviétchine aujourd'hui, de l'Irak à l'Ukraine
- 1'34'25 : conclusion
C'est en revenant sur les tribulations politiques que connaît l'association Memorial que l'historien Eric Aunoble détaille les problèmatiques d'une histoire partagée et de mémoires divisées entre la Russie et l'Ukraine.
- 01'20 : Les menaces pesant sur l'association Memorial
- 03'05 : Le sens et le rôle de cette association née pendant la Perestroïka
- 07'00 : La fin des années 1980, moment de passion pour les révélations sur le passé soviétique
- 08'20 : Quels sont les acteurs à l'origine de Memorial ?
- 11'20 : Le rôle fondamental de Memorial pour documenter noms, lieux, archives de la terreur d'État soviétique, avec des bases de données
- 17'00 : Les résistances à ce travail, en Russie comme en Ukraine, avec un contre-récit nationaliste russe
- 23'20 : Le travail de Memorial sur les atteintes contemporaines aux droits de l'homme, à travers les guerres de Tchétchénie en particulier, sur fond de crise économique
- 27:30 : Les soutiens à Memorial de la communauté académique internationale, et les dilemmes des libéraux en partie coupés de la société russe
- 32:00 : L'inscription de l'affaire Memorial dans un contexte plus large d'usages du passé en Russie avec des mélanges mémoriels
- 34'00 : Les déclinaisons ukrainiennes de ces enjeux mémoriels avec la figure de Makhno et ses usages
- 38'00 : Quelle réception du "roman national" russe et poutinien dans la société ?
- 46'30 : Quels effets dans le champ académique ?
L'histoire de la Seconde Guerre mondiale nous semble bien connue ; elle est en réalité encore largement construite sur un certain nombre de mythes qui ont la vie dure auprès du grand public.
À l'occasion du 75e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie, l'historien Jean Lopez nous donne les clés de compréhension de ce conflit, cassant régulièrement les clichés convenus et les images toutes faites.
Émission "Interdit d'interdire", animée par Frédéric Taddeï.
Dieu n'est pas mort, il est en chantier, et nous sommes ses ingénieurs. Telle est sans doute la devise des cosmistes russes, mouvement aussi surveillé et persécuté à l'époque du communisme, qu'il est revendiqué par l'actuel pouvoir russe.
Lointainement émané de Dostoïevski, incarné par des figures comme celles des philosophes Fiodorov ou Vernadski, lié à l'histoire de la conquête soviétique de l'espace, le cosmisme vise à l'unification cosmique de l'homme et de l'univers, un homme promis à l'éternité et à la résurrection, au contrôle de la planète et à la conquête du cosmos.
Entre messianisme cosmique et révolution industrielle, voilà un aspect méconnu de l'histoire contemporaine parfaitement éclairé par Michel Eltchaninoff dans Lénine a marché sur la lune. La folle histoire des cosmistes et transhumanistes russes (éditions Solin/Actes Sud).
Émission "Mauvais Genres", animée sur François Angelier.