Le diagnostic d'une crise de la transmission nous dispense souvent de définir exactement ce qui est transmis. Aveuglé par l'opposition usagée entre tradition et modernité, nous oublions ce que la tradition peut avoir de dynamique, et combien elle suppose de liberté (la réinvention, la réappropriation).
L'invocation de la tradition en symbole d'un passé perdu -de l'autorité, des pères, de la loi- la fige dans le traditionnalisme. Mais sans la fiction d'une origine dégradée, la tradition peut à l'inverse être comprise comme un processus qui met en jeu des allers-retours entre les générations.
Comment s'exerce ce mouvement aujourd'hui, alors que les liens inter-générationnels ont changé ? Quels sont les acteurs de la transmission des savoirs, de la mémoire, de la culture ?
Face à de telles mutations, la philosophie peut choisir le ton apocalyptique, ou préférer l'analyse lucide du sens et des conditions du passage.
Émission des "Vendredi de la philosophie", présentée par François Noudelmann.
François-Xavier Bellamy dresse le constat suivant : nous voulons toujours éduquer, mais nous ne voulons plus transmettre. Il s'est produit, dans nos sociétés occidentales, une rupture inédite : une génération s'est refusé à transmettre à la suivante ce qu'elle avait à lui donner, l'ensemble du savoir, des repères, de l'expérience humaine qui constituait son héritage.
C'est pourquoi il n'est pas de plus urgente ni de plus belle mission que de transmettre l'héritage culturel qui peut seul constituer pour l'avenir l'unité de notre pays, en même temps que la liberté de ceux qui y vivront.
Ce n'est pas le choc des cultures que nous devons craindre, mais le choc des incultures.
Alors que le mot "conservateur" était absent de notre vocabulaire, on parle de plus en plus des conservateurs français. Mais qui sont-ils vraiment ? Ne faut-il pas renoncer à des étiquettes qui n’ont peut-être plus guère de signification ?
Bien que le terme de "conservateur" semble avoir déserté le domaine politique, il est important de se rappeler que c’est un Français, Chateaubriand, qui l'a inventé au début du XIXe siècle avec son journal Le Conservateur qui fut publié de 1818 à 1820.
Qui est "réactionnaire" et qui est "conservateur" aujourd’hui ?
Eugénie Bastié, journaliste au Figaro et co-fondatrice du magazine Limite, nous présente sa conception du conservatisme en répondant aux questions de Philippe Granarolo qui l’interroge successivement sur les quatre dimensions essentielles de ce courant que sont ses formes politiques, eligieuses, sociétales et écologiques.
Du côté des élèves : absentéisme chronique, incivilités, violences, désintérêt, communautarisme. Du côté des institutions : capitulations hiérarchiques, aveuglement idéologique, consignes de notation scandaleuses au baccalauréat.
Anne-Sophie Nogaret, enseignante, nous raconte l'effondrement récent du niveau de l'enseignement secondaire, résultat d'une politique éducative impulsée par Pierre Bourdieu.
Convaincus que l'autorité est une oppression et que la bienveillance, même si elle ne sert qu'à dissimuler la lâcheté, pourra leur éviter d'affronter une réalité dérangeante, les professeurs sont les victimes d'un système qu'ils font tout pour sauver.
Mais aujourd'hui, la cote d'alerte est dépassée et un seul terme résume ce qui est en train de se passer : un gigantesque naufrage.
Jean-Louis Harouel nous présente une réflexion puissante sur les causes de la modernité artistique, mettant en évidence le caractère culturellement négatif à la fois de certains effets de la technique moderne et d'une partie non négligeable des processus idéologiques et sociaux à l'œuvre dans les sociétés égalitaires à haut niveau de vie de la seconde moitié du XXè siècle.
Soit, à partir de la culture, de l'art, de leurs vicissitudes présentes et de leur problématique avenir, une "lecture" lucide de nos démocraties techniciennes, égalitaristes et médiatiques, dans lesquelles les "mauvais coups" contre la culture se perpètrent bien souvent au nom du culturel, par une exploitation délibérée de l'actuelle polysémie du terme de culture.
Jean-Louis Harouel, pourtant, ne se résigne pas à renoncer à l'espoir d'une réconciliation de nos sociétés avec l'art et la vraie culture, leur permettant d'y retrouver leur âme.
Une des questions les plus intéressantes que peut se poser l’historien dans ses recherches et dans son approche du temps, est sans nul doute celle de la transmission. Comment les sciences, comment la pensée, comment les arts se transmettent t’ils d’une époque à une autre ? Comment des idées, un ensemble de valeurs peuvent-ils traverser les âges et produire de nouveaux fruits, des années, des siècles, voire un millénaire après leur apparition ? Comment enfin, en dépit des crises des temps, des décadences, des forces contraires, “une flamme” se maintient-elle ?
Et si nous nous attardions sur le passage de la culture grecque dans le monde européen médiéval ? Longtemps, les études historiques ont privilégié l'idée que la Grèce est venue à nous par le monde arabe. Sans remettre en cause ce canal de transmission, quel rôle a aussi joué Byzance ? Quels furent les routes, les intermédiaires, les supports de cet univers qui fonde notre humanisme et, disons-le, notre civilisation ?
Une émission animée par Christophe Dickès.
A y regarder de près, il est peu de débats contemporains, qu'ils portent sur l'école, la crise de l'autorité ou le délitement du lien social, qui ne se ramènent, chaque fois, à un affrontement entre deux grandes conceptions de la liberté humaine. Pour l'une, l'individu est tout fait : il est donc à libérer des chaînes qui entravent sa pleine expression. S'émanciper, dans cette optique, ce sera d'abord s'affranchir du passé et du donné, en finir avec le fini en même temps qu'avec la tutelle abusive des générations antérieures. C'est ce qu'Olivier Rey, tout à la fois romancier, essayiste et mathématicien, appelle le désastreux "fantasme de l'homme auto-construit". L'autre conception part du principe selon lequel l'individu est à faire, à cultiver, à éduquer. Dans cette perspective, "les individus ne naissent pas libres : ils naissent destinés à la liberté".
Ainsi comprise, l'accession à l'autonomie requiert en outre un détour, chacun devant "en passer par une phase où il reçoit de ceux qui précèdent le capital accumulé". Il ne s'agit pas là d'attenter à la liberté, mais de la permettre. Un homme rivé à sa culture est privé du pouvoir de la questionner. Un homme sans culture l'est tout autant.
L'inquiétant, pour Olivier Rey, vient justement de ce que cette seconde conception -l'autonomie entendue comme une conquête progressive, voire une ascèse- est en train de perdre la partie. Au point de nous confronter au vertige d'une raison qui, loin de "civiliser l'infantile en nous", s'est désormais mise à son service...
Émission "Psychologie et littérature", animée par Quentin Debray.
C'est à l'initiative de Bernard Stiegler que l'association Ars Industrialis a été créée le 18 juin 2005 en se présentant alors comme une "Association internationale pour une politique industrielle de l’esprit".
Car à notre époque, la vie de l'esprit, selon les mots d'Hannah Arendt, a été entièrement soumise aux impératifs économiques, et aux impératifs des industries culturelles, et des industries de l’informatique et des télécommunications. Ce secteur peut être défini comme celui des technologies de l’esprit.
À la critique du dévoiement de ces technologies comme instruments de contrôle des comportements, c'est à dire des désirs et des existences, Ars Industrialis associe la proposition centrale de former une écologie industrielle de l'esprit.
Retour sur la trajectoire et la dynamique Ars industrialis en compagnie de Bernard Stiegler et des nombreuses personnes qui se sont agrégées au projet.