Le développement durable est partout dans les discours, nulle part dans les faits. En témoigne l'absence de résultats des politiques environnementales contre le réchauffement climatique ou bien en faveur de la transition agricole, et cela malgré l'importance des investissements qu'on leur consacre depuis plusieurs décennies. Il en est ainsi parce que ces politiques manquent de fondement.
Il ne suffit pas de dire : "l faut changer le système économique." Encore faut-il sortir l'économie de son péché originel, de son court-termisme natif qui l'empêche de construire un développement vraiment durable, c'est-à-dire un développement où le sens du temps et de la durée déploie toute sa puissance de construction. Il importe à cette fin de reconsidérer les principaux facteurs de production, le capital, le travail, la technique, sous le couvert du temps et de la construction de la durée.
Le capital sous le couvert du temps a pour nom "patrimoine", le travail "maintenance", la technique "protection", tout à l'inverse des idéologies dominantes de l'innovation, de la disruption et de la destruction créatrice. Nos pratiques productives, politiques et sociales s'en trouveront alors profondément changées.
Une intervention qui prend place dans le colloque "Pratiques et usages contemporains des philosophies des techniques".
Il importe certes que notre développement soit durable et respecte les générations futures. Encore faut-il que les hommes soient en mesure de construire la durée à travers leurs modes mêmes de production !
Depuis 50 ans, l'écologie est à l’ordre du jour des politiques publiques. Pour quels résultats ? Chacun aspire désormais, aussi bien à droite qu'à gauche, à "changer de modèle". Mais les meilleures intentions suffisent-elles ? Or, pour la première fois depuis Marx, un auteur -Pierre Caye- nous propose une approche globale du système productif et décrit les outils nécessaires à sa transformation.
Sous le couvert du temps, les principaux facteurs de production, le capital, le travail, la technique s'en trouvent profondément transformés : pour durer, le capital devient le patrimoine, le travail se consacre à la maintenance, en même temps que la technique nous sert d'enveloppe protectrice. L'économie accède désormais à sa dimension morale et politique la plus haute et la plus digne, loin des idéologies dominantes de l’innovation, de la disruption et de la destruction créatrice.
Une conférence introduite par Sébastien Marot.
L'idée de progrès était une idée doublement consolante. D'abord, parce qu'en étayant l'espoir d'une amélioration future de nos conditions de vie, en faisant miroiter loin sur la ligne du temps un monde plus désirable, elle rendait l'histoire humainement supportable. Ensuite, parce qu'elle donnait un sens aux sacrifices qu'elle imposait : au nom d'une certaine idée de l'avenir, le genre humain était sommé de travailler à un progrès dont l'individu ne ferait pas lui-même forcément l'expérience, mais dont ses descendants pourraient profiter.
En somme, croire au progrès, c’était accepter de sacrifier du présent personnel au nom d'une certaine idée, crédible et désirable, du futur collectif. Mais pour qu'un tel sacrifice ait un sens, il faut un rattachement symbolique au monde et à son avenir. Est-ce parce qu'un tel rattachement fait aujourd'hui défaut que le mot progrès disparaît ou se recroqueville derrière le seul concept d'innovation, désormais à l'agenda de toutes les politiques de recherche ? D'où vient que l'avenir a pris la figure de l'ennemi et non plus celle de l'ami ?
Émission "La Conversation scientifique", animée par Etienne Klein.
Qui aujourd'hui peut prétendre connaître le repos ? Question rhétorique, bien sûr, tant nous sommes tous happés par les tourbillons de la vie postmoderne ! Les moments de remontée à la surface et de respiration se font en effet de plus en plus rares, et force est de constater que nous devons bien souvent demeurer en apnée prolongée. Au risque de notre santé et, encore plus fondamentalement, de notre humanité.
Les travaux récents de Baptiste Rappin se proposent d'appréhender la condition de l'homme contemporain, caractérisée par le changement perpétuel et le mouvement sans fin, de façon originale, en replaçant au cœur de la réflexion le management autour duquel s'élabore un véritable système philosophique dans toutes ses dimensions : épistémologique, politique, métaphysique et même théologique.
Et ce notamment en montrant par quels chemins l'exception a pu s'imposer, à notre époque, comme la norme de gouvernement de nos sociétés. De ce point de vue, la crise n'apparaît plus comme un dysfonctionnement qu'il s’agirait d'éliminer à coups de mesures techniques, mais bien comme le fond ontologique à partir duquel se déploie notre rapport aux temps présents.
Le management scientifique relève de l'utopie en ce qu'il est sans site, sans topos, car il est plus porté par une dynamique temporelle, celle de la synchronisation générale des activités humaines, que désireux de s'enraciner dans un lieu singulier. On peut également soutenir une thèse semblable en ce qui concerne le rapport social qu'instaure le capitalisme au sein duquel l'impératif abstrait de valorisation ne prend sens qu'avec les quanta de temps de travail social dépensés lors d'une activité productive.
C'est donc sous l'angle de la temporalité que peuvent être conjointement saisies les deux grandes révolutions modernes que sont le capitalisme et le management.
Une intervention dans le cadre des "leçons de la Sphère", dispensées par Carlos Pereira.
Plusieurs bons esprits ont commencé de considérer les effets que le coronavirus et la manière dont l'affronte l'humanité pourraient avoir sur les rythmes de nos vies. Nul doute que le confinement ait ralenti, pour un temps au moins, l'allure de nos existences, en dépit des promptitudes qu'autorisent les nouvelles technologies.
L'écologie met en garde contre l'exaspération des tourismes de masse. L'aviation et ses obsessions supersoniques subissent un déclin imprévu. La marche à pied et la bicyclette trouvent une popularité tout à coup accrue. L'idée d’une accélération de l'Histoire, naguère admise comme une évidence, a du plomb dans l'aile.
Le moment est donc venu de s'interroger sur la confrontation de la lenteur, dans le long terme, avec la vitesse. Une lenteur dénoncée, dénigrée, combattue, depuis le XIXe siècle en particulier, comme une résistance à toutes les forces de l'industrie conquérante. Mais une lenteur qui a souvent porté haut les valeurs de la liberté, en protestant contre tous les censeurs qui voulaient l'assimiler à la paresse...
Émission "Concordance des temps", animée par Jean-Noël Jeanneney.
Au fil des siècles, de nombreux courants de pensée ont façonné notre conception du monde et notre manière d'appréhender l'existence : Qu'est-ce que la vérité ? Comment peut-on vivre heureux ? Dieu existe-t-il ? Quel est le sens de notre vie ?
Bien loin du jargon des spécialistes, le professeur de philosophie Charles Robin nous rend accessible les œuvres des plus grands philosophes afin d'en faciliter la compréhension et, pourquoi pas, de nous faire changer le regard que nous portons sur nous-mêmes et sur le monde.
Une initiation sérieuse à une discipline souvent difficile d'accès, dans un langage clair et une atmosphère détendue.
Diminution des espaces de vie, effondrement de la biodiversité, pollution des sols, de l'eau, de l'air, déforestation rapide, sans oublier, bien sûr, le changement climatique d'origine anthropique. En ces domaines, tous les indicateurs sont alarmants et toutes les projections sont inquiétantes.
Aujourd'hui, qu'allons nous faire de l'angoisse écologique ? Que se passe-t-il donc ? Qu'est ce qui, dans le monde d'aujourd'hui, se construit ? Qu'est ce qui s'y détruit ? Nous l'ignorons pour une grande part, mais c'est paradoxalement parce que nous avons compris quelque chose. Nous avons compris que par des boucles nouvelles et inattendues, nous allons de plus en plus dépendre de choses qui dépendent de nous.
Dès lors, comment savoir ce qui va se passer si ce qui va se passer dépend en partie de ce que nous allons faire ? Nous sommes désormais conscients que nous grignotons de plus en plus avidement le fruit terrestre de taille finie qui nous porte, mais nous ne savons pas comment enrayer cette mauvaise tendance. Alors nous pressentons que cet avenir même que nous sommes en train d'anticiper par nos actions aussi bien que par nos inactions, pourrait se révéler radicalement autre. Et au fond de nous mêmes, nous le craignons.
Régis Debray, écrivain et philosophe, nous éclaire sur le concept d'angoisse écologique, à l'occasion de la sortie de son ouvrage Le siècle vert. Un changement de civilisation (Gallimard, 2020).
Émission "La Conversation scientifique", animée par Etienne Klein.