À la recherche du "bonheur statistique des masses". La formule est une réponse du Dominique Dubarle à Norbert Wiener, mathématicien et père de la cybernétique, cette science des "mécanismes autogouvernés et du contrôle". Des algorithmes à l'art de gouverner les hommes, il n’y a en effet qu’un pas, pas que n’hésitent pas à franchir les géants de la Silicon Valley, de leurs aveux-mêmes.
Si les nouvelles technologies sont réellement portées par ces projets de contrôle des masses, quelle marge de manoeuvre nous reste-t-il ? Quelle responsabilité avons-nous encore face aux méandres algorithmiques ?
L’enjeu est de taille, et c'est précisément pour cette raison que Tristan Nitot, cofondateur de Mozilla Europe, et Philippe Vion-Dury, journaliste, sont invités à en débattre.
Lorsque les auteurs de steampunk imaginent des mondes alternatifs où la vapeur et le charbon se sont imposés comme énergies, ils mettent en place une esthétique mais aussi une technologie alternative.
Quelles sont ces superbes machines ? Ne pourrions-nous rêver de les voir rouler, travailler ou voler ? Qu’est-ce qui nous fascine dans la machine à vapeur ?
Si on fait un tour dans une librairie pour lire les quatrièmes de couverture des livres qui s’y trouvent, on ne tarde pas à reconnaître l’air du temps : ce n’est pas la joie dans les rayons. Les réflexions sur la catastrophe sont devenues un genre littéraire à part entière. L’actualité y aide en pourvoyant au renouvellement des exemples. Le monde ne nous lâche plus. Il déferle en funestes accélérations qui défient toute maîtrise. Chaque jour, le présent projette ses terreurs sur l’avenir, et remet ainsi une couche supplémentaire de noir sur l’obscurité générale. On dirait du Soulages, en continu et à tous les étages.
Mais on voit quand même resurgir çà et là l’hypothèse – ou la conviction – qu’un salut est possible. Preuve que les temps mauvais donnent du bon temps à la fois aux Apocalypses et aux Annonciations, même si c’est en proportions inégales. Et c’est ainsi que nous nous retrouvons ballottés entre discours pessimistes et discours optimistes, tous débités sur un ton d’oracle, alors même qu’ils ne sont peut-être que des états d’âme.
Devons-nous conclure que nous ne serions plus capables d'espérer ? Convenons de définir l'espérance comme "ce sentiment humain qui règle notre relation avec l'avenir". Les sombres perspectives écologiques, les limites de la croissance, la crainte du chômage, l'accroissement des inégalités ou encore la crise des solidarités illustrent notre sentiment de malaise face à l'avenir. Elles traduisent également la mauvaise relation que nous entretenons avec un futur appréhendé non plus comme le lieu d'une configuration possible, mais comme une réalité qui pose des problèmes de plus en plus difficiles à résorber.
La question qui se pose est la suivante : quelle est la part et le rôle de la technique dans la fabrication de cette situation ?
Emission "La Conversation scientifique", animée par Etienne Klein.
Seul l’imaginaire est peuplé d’êtres monstrueux, c’est-à-dire hors proportions. Car dans la nature, chaque organisme n’est viable qu’à son échelle adéquate : une araignée géante s’asphyxierait, une gazelle de la taille d’une girafe se casserait les pattes…
Idem pour les sociétés et les cultures, affirme Olivier Rey. Le philosophe et mathématicien met cette "question de taille" au centre de sa critique de la modernité technicienne et libérale en exhumant les thèses d'Ivan Illich ou de Leopold Kohr ("partout où quelque chose ne va pas, quelque chose est trop gros").
Les villes, les États, les sociétés, les démographies, les institutions, les techniques, les désirs… tout est trop grand, trop gros, trop nombreux ou trop rapide. Bref, sans limite. Dès lors, c’est la démocratie, la santé, l’éthique, l’écologie, l’éducation, la science… qui sont perverties.
Dans toute leur diversité, les techniques ne peuvent être considérées sur le modèle de l’ustensile, c’est-à-dire comme de simples moyens d’action qui seraient asservis à la réalisation de fins humaines.
Elles doivent au contraire être reconnues dans leur valeur "anthropologiquement constitutive et constituante", dans la mesure où elles médiatisent d’emblée les relations que l’humain entretient au monde naturel et social.
Telle est la thèse qui est défendue et approfondue à l’occasion du séminaire annuel PHITECO (Philosophie, Technologie, Cognition).
Eric Boëda entend porter une attention particulière aux concepts de la technique, c’est-à-dire aux concepts qui ont permis, permettent ou pourraient permettre de penser le fait et le faire technique en revenant notamment sur les apports de Simondon et Leroi-Gourhan.
Les écrans sont devenus aujourd'hui, de manière plus ou moins consciente, notre dispositif optique de référence ainsi que l'interface habituelle de nos rapports au monde, aux autres, à nous-mêmes.
Comprendre notre expérience présente des écrans pourra donc nous aider à comprendre non seulement notre expérience présente du voir, mais aussi notre manière de penser et de désirer aujourd'hui.
Les villes intelligentes représentent un marché évalué à 350'000 milliards de dollars US pour les trente décennies à venir (250 en infrastructure et 100 en usage), à modèle économique, technologique et social inchangé, c’est-à-dire concernant la réhabilitation des tissus urbains existants et la construction de nouvelles villes.
Ce modèle économique n’est pas durable en ce sens qu’il reproduira les dysfonctionnalités des villes actuelles avec des émissions croissantes de CO2, de production de déchets et de nuisances urbaines. Et les scénarios plus agressifs intégrant des technologies et artefacts nouveaux pour maîtriser les émissions polluantes et améliorer l’efficacité énergétique estiment le volume de dépenses à 450'000 milliards USD.
Cet enjeu de marché s’inscrit dans un ensemble d’enjeux plus vastes : problèmes démographiques et économiques, géopolitiques, question de l'innovation et transformation des modèles d'affaires des firmes et de l'action publique.
Après un exposé de ces enjeux, Claude Rochet nous propose des pistes d’action pour une stratégie française des villes intelligentes.
Après avoir annoncé la crise financière en 2007 avant qu’elle n’éclate en 2008, Paul Jorion nous met aujourd’hui en garde contre l’extinction de l’humanité.
Pourquoi ? Il estime que l’homme est à la fois génial et stupide. Seuls les génies peuvent inventer des machines plus intelligentes qu’eux-mêmes. N’est-ce pas génial d’avoir inventé des machines capables de nous libérer du “travail tripalium”, de toutes ces tâches répétitives et fastidieuses qui nous empêchent de déployer notre créativité ? Mais n’est-ce pas stupide d’inventer une Intelligence Artificielle (IA) qui dépasse l’intelligence humaine jusqu’à être capable de nous dominer ?
Pour Paul Jorion le moment de la singularité est imminent. C’est ainsi qu’on appelle le tournant de la prise de pouvoir de l’IA sur les humains. Selon lui le problème de la prise de conscience des robots n’est qu’une question de quelques années, le temps de mettre au point le bon logiciel qui fait éprouver aux robots affects et émotions.
Le genre humain ne parvient pas à se représenter sa propre extinction collective. Déjà l’individu n’arrive pas à se représenter sa propre mort, dit-il. Toutes les civilisations avant nous n’ont-elles pas construit des récits pour en quelque sorte inventer une autre vie – le paradis, la réincarnation ? De même l’homme actuel n’arrive pas à concevoir qu’il est lui-même responsable de la destruction de la planète et de ses ressources vitales.
En attendant cette catastrophe, Paul Jorion propose des solutions pour le temps qui nous reste avant que les robots ne nous remplacent entièrement.