"Je juge à partir de mes valeurs !" Dire cela, ce n'est pas nécessairement énoncer un programme critique héroïque. Toute morale mise à part, cette formule peut aussi bien livrer une description tautologique de soi, tirée de l'observation minutieuse de notre vie quotidienne : nos valeurs, qu'on les exhibe ou qu'on les cache, sont l'une de nos principales raisons d'agir et de juger, jusque dans les circonstances les plus banales de la vie.
Ces valeurs, qui organisent notre expérience du monde, des êtres et des choses, subissent aussi leur influence en retour. Enracinées au plus profond de l'individu, elles sont en même temps des représentations essentiellement collectives, au point d'être l'un des principaux ciments des sociétés et comme la matière du commun. Elles sont donc un objet de sciences sociales, dont Nathalie Heinich, directrice de recherche au CNRS, s'emploie à renouveler l'approche en en explicitant les fondements, en partant notamment du problème de la critique dans l'art contemporain.
A la une du New York Times habillés d'un gilet jaune, poursuivis par les journalistes britanniques à l'occasion du Brexit, fêtés comme des héros pendant la crise sanitaire, redevenus des sujets d'études pour les chercheurs, de nouvelles cibles du marketing électoral pour les partis, les gens ordinaires sont de retour. Les "classes populaires", le "peuple", les "petites gens" sont subitement passés de l'ombre à la lumière. Les "déplorables" sont devenus des "héros".
Cette renaissance déborde désormais des cadres du social et du politique pour atteindre le champ culturel. De Hollywood aux rayons des librairies, la culture populaire gagne du terrain. Ses valeurs traditionnelles -l'attachement à un territoire et à la nation, la solidarité et la préservation d'un capital culturel- imprègnent tous les milieux populaires.
Jack London usait d'une métaphore pour décrire la société de son temps : la cave et le rez-de-chaussée pour les plus modestes, le salon et les étages supérieurs pour les autres. Et si, aujourd'hui, plus personne ne voulait s'inviter au salon ? Sommes-nous entrés dans le temps des gens ordinaires ?
Émission "Interdit d'interdire", animée par Frédéric Taddeï.
Après le succès de Histoire de ta bêtise, une longue descente en règle du "bourgeois cool" qui verse tantôt dans "le monde de la culture" tantôt dans la publicité, François Bégaudeau donne un tour de vis supplémentaire et précise le portrait du "bourgeois hard".
Friand de week-ends au château et d'écoles de commerce, le bourgeois "hard" présente cette particularité d'aménager dans sa vie un espace pour le fric et un autre pour la tradition. Mais qu'on ne s'y trompe pas, l'un est au service de l'autre et réciproquement. Autoritaire et ennuyeux à mourir, le bourgeois "hard" s'offre aussi le luxe de privatiser l'histoire du christianisme.
Que reste-t-il aux gens ordinaires, si "hard" comme "cool" se prévalent de tout détenir ? Peut-être un peu de football et peut-être encore un peu Jésus, premier anarchiste de l'histoire…
Émission "Interdit d'interdire", animée par Frédéric Taddeï.
Le sociologue Michel Maffesoli s'attache à décrypter ce qu'il nomme la "religiosité postmoderne" en étudiant les étapes qui jalonnent ce "retour du sacral" : la réhabilitation des sens et d'une raison sensible, l'importance du partage, du mystère, de l'initiation – mais aussi l'ancrage nécessaire dans la tradition. C'est ainsi que les figures catholiques de la Trinité (l'unicité de Dieu en trois personnes) ou de la communion des saints représentent pour le penseur des "tribus" les métaphores les plus adaptées à l'imaginaire contemporain du sacré.
Une approche plein de sens qui nous invite à une appréhension populaire et émotionnelle de la transcendance.
Le travail du sociologue Jean-Pierre Le Goff met en lumière les postures et les faux-semblants d'un conformisme individualiste qui vit à l'abri de l'épreuve du réel et de l'histoire, tout en s'affirmant comme l'incarnation de la modernité et du progrès.
En effet, une nouvelle conception de la condition humaine s'est diffusée en douceur à travers un courant moderniste de l'éducation, du management, de l'animation festive et culturelle, tout autant que par les thérapies comportementalistes, le néo-bouddhisme et l'écologisme. Une "bulle" angélique s'est ainsi construite tandis que la violence du monde frappe à notre porte.
Albert Camus disait : "Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse." Cet impératif est plus que jamais d'actualité.
De nouvelles sciences du comportement humain ne cessent de prendre de l'ampleur et de susciter l'engouement depuis le début des années 1990 : il s'agit des neurosciences cognitives. Leur ambition est de faire de l'exploration du cerveau le moyen de traiter les pathologies mentales (comme la dépression ou la schizophrénie) mais aussi de nombreux problèmes sociaux et éducatifs, comme l'apprentissage ou la maîtrise de ses émotions.
Ces sciences sont-elles devenues le baromètre de nos conduites et de nos vies, prenant la place autrefois occupée par la psychanalyse ? L'homme "neuronal" est-il en passe de remplacer l'homme "social" ?
Alain Ehrenberg montre que l'autorité morale acquise par les neurosciences cognitives tient autant à leurs résultats scientifiques ou médicaux qu'à leur inscription dans un idéal social majeur : celui d'un individu capable de convertir ses handicaps en atouts en exploitant son "potentiel caché". Elles sont la chambre d'écho de nos idéaux d'autonomie.
Une conférence qui s'inscrit dans le festival de la philosophie de Modène.
L'analyse de la structure sociale constitue une thématique centrale des enseignements de sciences économiques et sociales. Si la théorie marxiste des classes a fait l'objet de nombreuses analyses, facilement accessibles et de qualité, la situation est différente pour les stratifications sociales wébériennes.
Dans cette intervention, le politologue Yves Sintomer propose de revenir sur les textes fondateurs de Max Weber sur la structure sociale afin d'apporter des éclaircissements sur les notions wébériennes de "classe", "classes sociales" et "groupes de statut".
Ce travail vient combler des lacunes et corriger un certain nombre d'approximations dans les présentations courantes de l'analyse wébérienne de la stratification et de sa confrontation avec la théorie marxiste des classes sociales.
Une intervention dans le cadre du séminaire "Le concept de classe sociale".
L'historien Jean de Viguerie revient sur trois siècles de déchristianisation en en étudiant, avec un sens du détail révélateur, toutes les étapes religieuse, sociale, morale et politique.
Une démonstration implacable qui nous permet de comprendre le désert spirituel qui définit la situation contemporaine.
Une conférence organisée par le Cercle des Étudiants Catholiques Traditionalistes.