"Je ne prétends pas tenter ici une synthèse ; il est trop tôt pour esquisser un modèle général et encore moins exhaustif de la nouvelle condition humaine. Un modèle de ce type, aussi soigneusement élaboré qu'il soit, vieillirait avant même d'avoir atteint la maturité car la mondialisation de la condition humaine est loin d'être achevée et aucune des descriptions du mode d'unité planétaire et des dangers nouveaux qu'il comporte ne saurait prétendre être autre chose qu'un exercice de style, un récit voué à être révisé et repris sans fin.
Je me contenterai donc ici de décrire et non d'analyser précisément trois orientations nouvelles et, à mon sens, fécondes du modèle de cohabitation planétaire et trois conséquences de ces orientations qui semblent peser très lourdement sur les origines et les formes changeantes de conflits contemporains, ainsi que sur les stratégies appliquées dans les luttes de pouvoir actuelles." Zygmunt Bauman
S'il faut défendre la sociologie, c'est bien malgré ce qu'elle est devenue. Bien loin de ses grandes espérances initiales et des splendeurs que nous ont léguées les Durkheim, Weber, Simmel, Mead, Elias, Mauss, etc. Ce que l'on appelle sociologie s'est peu à peu recroquevillé jusqu'à apparaître comme la "science (ou la pseudo science) des restes", la science de ce dont ne parlent ni les philosophes, ni les économistes, ni les historiens, ni les anthropologues, ni les théoriciens de la littérature, etc.
Eclatée en de multiples chapelles théoriques ou idéologiques, privée de colonne vertébrale paradigmatique et institutionnelle, elle ne croit plus pouvoir trouver son unité que dans une référence de plus en plus incantatoire au "terrain" et à l'empirisme, et dans ses querelles infinies sur ce qui fait la bonne méthode ou le bon terrain.
La sociologie classique, celle qu'il nous faut faire revivre et actualiser, se présentait tout autrement. Elle revendiquait hautement une approche empirique de la réalité et le souci d'établir des faits, elle aussi, mais elle n'imaginait pas que ce puisse être accompli hors-théorie et sans enjeux normatifs, c'est-à-dire éthiques et politiques... Dit autrement, elle se vivait comme le lieu et le moment généraliste de la science sociale générale.
C'est cette sociologie là qui nous fait désormais défaut et qu'Alain Caillé appelle ici à renaître de ses cendres. Cette sociologie sera ancrée dans le paradigme du don et s'attaquera aux enjeux normatifs et éthiques en proposant une philosophie politique du vivre ensemble : le convivialisme.
Remarque : la qualité audio de l'enregistrement est mauvaise.
"- À quoi tiens l'humain ?
- Ah oui, c’est une bonne question mais je ne sais pas comment j’y répondrai."
Voilà la réponse fréquente donnée à cette question.
Nous tenterons d’y répondre à une époque où la réponse ne va plus de soi. Ne serait-ce que pour conserver un sens au fait d’élever ses enfants.
En effet, avoir des enfants, c’est certes mettre au monde des êtres qui ont vocation à la liberté. Mais c’est aussi leur transmettre les valeurs auxquelles on tient, de telle sorte que se prolonge le monde qu’on a provisoirement habité. Sans quoi, quel lien demeure-t-il ? Les gènes peut-être.
On ne peut comprendre l’exaltation contemporaine autour de la notion de gène sans la mettre en relation avec l’incertitude, le désarroi quant à ce qui peut être transmis à ses enfants, quant à la persistance d’un monde commun.
La science a toujours été au centre de débats et elle l'est encore aujourd'hui. Elle a bouleversé notre façon de comprendre l'univers et de nous comprendre nous-mêmes. Néanmoins, dans une bonne partie de la culture intellectuelle, la science est incomprise ou est vue avec suspicion. Elle suscite l'hostilité à la fois de courants religieux "fondamentalistes" et d'une intelligentsia relativiste ou postmoderne.
Le but de ce cours-conférence en trois leçons est de présenter et de défendre ce qu'on pourrait appeler une approche scientifique du monde. Au cours du XXe siècle, toute une série de philosophes, historiens et sociologues ont tenté de caractériser ce qui faisait la particularité de la démarche scientifique, par opposition à celle des religions ou des pseudosciences. Dans la première moitié du siècle, divers penseurs ont cherché à établir une ligne de démarcation entre science et non-science, en s'appuyant principalement, soit sur la notion de confirmation (les positivistes logiques), soit sur celle de falsifiabilité (Popper). À partir des années 1950-60, suite aux travaux de Quine, Kuhn, et Feyerabend, les critères de démarcation mis en avant précédemment ont été progressivement mis en question, pour déboucher parfois sur une vision purement sociologique et relativiste de la distinction entre science et non-science.
Un des objectifs poursuivis sera de distinguer ce qui est valide de ce qui ne l'est pas dans ces critiques "post-positivistes" de l'épistémologie de la première moitié du XXe siècle. Un autre objectif sera proposer une alternative à cette épistémologie.
Chaque fois qu’un peuple fait sa révolution industrielle et se modernise, il sombre dans un nihilisme de masse, comme en témoigne alors l’explosion des courbes statistiques du suicide et de la dépression.
Pourquoi l’entrée dans la modernité s’accompagne-t-elle visiblement toujours de la généralisation du spleen et du mal-être ? En quoi les modes de vie actuels sont-ils susceptibles d’entretenir cet état de déprime ? L’individualisme et la solitude, qui sont désormais le lot quotidien de milliards d’hommes et de femmes à travers le monde, ne forment-ils pas en définitive les contours d’un nouveau mal du siècle ?
Plan de l'exposé :
1/ Etat des lieux : le suicide et la dépression sont des problèmes majeurs aujourd’hui
2/ Le mal-être se développe avec la richesse économique des nations
3/ Les modes de vie modernes favorisent la solitude
4/ Les pauvres souffrent plus que les riches de la modernité, au XXIe siècle
5/ La mondialisation des menaces rend toute action individuelle ou collective impossible et nous déprime
6/ Notre ère se caractérise par le désenchantement et la fin des idéaux
7/ La société de consommation aggrave le processus, en valorisant le présent plutôt que l’avenir
8/ La modernité comporte malgré tout de nombreux mérites, comme le goût pour la réalisation personnelle
La finalité de toute structure vivante est de maintenir cette structure : un groupe social représente une structure vivante d'un certain niveau de complexité.
Henri Laborit démontre que la ville est l'un des moyens utilisés par tout groupe social pour conserver sa structure. En effet, l'Homme qui, jusqu'à une époque récente, n'a découvert que la physique et l'a utilisée pour accroître sa puissance technique, permettant la domination de certains individus ou de certains groupes humains sur d'autres (le plus souvent par l'intermédiaire du profit), a utilisé la ville clans ce même but.
Tout y est fait pour assurer la défense de la propriété des objets, des êtres, des moyens de production, des niveaux hiérarchiques.
La destruction progressive de l'environnement et la disparition de l'espèce humaine, auxquelles peut aboutir ce type de comportement de puissance, fonderont peut-être la grande crainte qui conduira l'homme à transformer la finalité des groupes sociaux au seul "profit" de l'espèce humaine.
La participation de la ville à cette évolution montre que l'urbanisme n'est pas seulement un problème de spécialiste : c'est le problème de la vie humaine dans son ensemble qui est posé.
Le "malaise dans la société" est moins un point de départ de l’analyse sociologique qu’un problème à élaborer et à clarifier.
Alain Erhenberg propose de remplacer l’idée individualiste que la société cause des souffrances psychiques par l’idée sociologique que la souffrance psychique est aujourd’hui une forme d’expression obligatoire, c’est-àdire attendue, du mal social.
Cela le conduit à l’hypothèse qu’avec la santé mentale, on assiste à une généralisation de l’usage d’idiomes personnels pour donner forme et résoudre des conflits de relations sociales. Ces jeux de langage consistent à mettre en relation malheur personnel et relations sociales perturbées à l’aune de la souffrance psychique, unissant ainsi le mal individuel et le mal commun.
À partir de là, le conférencier développe l’hypothèse que, brouillée dans le malaise, se joue une crise de l’égalité à la française, c’est-à-dire d’une égalité conçue essentiellement dans les termes de la protection, et une protection en termes de statut, sur le modèle de la fonction publique, alors que l’égalité d’aujourd’hui, et donc la lutte contre les inégalités sociales, se joue dans les termes de la capacité.
L’anthropologie du "tournant ontologique" occupe une place paradoxale dans le paysage des sciences de l’homme, entre d’un côté un paradigme "structuraliste" dont elle est l’héritière (avec ses présupposés conceptuels et ses conséquences méthodologiques) alors qu’elle en refuse le concept fondateur, celui de l’opposition nature et culture ; et d’un autre côté le nouveau paradigme "naturaliste", dont elle partage certaines des positions théoriques (notamment le refus de la frontière homme/animal — on a pu ainsi parler de son "tournant animaliste") alors qu’elle en refuse le fondement universaliste.
Cette position instable lui permet-elle de faire le pont entre les deux paradigmes qui se disputent actuellement le champ des sciences de l’homme ? Ou condamne-t-elle ses concepts, et notamment ceux de "nature" et de "culture", à une tension insurmontable entre universalisme et relativisme ?