Visionnage boulimique de séries, addiction aux jeux vidéo, gamification des activités sociales, consommation devenue divertissement ordinaire, pornographie banalisée, invasion des musées par les marques, etc. Plus aucun espace n'échappe aux productions culturelles du capitalisme hypermoderne. Le culte du fun et de la transgression, le refus immature des contraintes, la quête de sensations fortes, l'exaltation du narcissisme et les bricolages identitaires fabriquent un nouveau type d'individu.
Face à cette déferlante, journalistes, chercheurs et intellectuels, y compris les plus subversifs – et peut-être même surtout eux –, ont rendu les armes. À tel point que certains voient dans la culture de masse l'art de notre temps, démocratique et... rebelle. D'autres se contentent d'y dépister les stéréotypes et les rapports de domination et de fantasmer une possible réappropriation des contenus.
Patrick Marcolini prend le contre-pied de ces abdications en s'inscrivant dans une tradition de critique de l'aliénation, du spectacle et des modes de vie capitaliste qu'il ravive en démontrant comment les derniers avatars de la culture de masse, omniprésents et plus efficaces que jamais, laminent les sociétés et domestiquent les esprits.
Émission "Liberté sur paroles", animée par Eugénie Barbezat.
Le désir de plaire et les comportements de séduction semblent atemporels, depuis que des espèces se reproduisent par voie sexuelle. Néanmoins, l'hypermodernité libérale marque une rupture majeure dans cette histoire millénaire, tant elle impose à nos sociétés la généralisation de l'ethos de séduction et la suprématie de ses mécanismes.
Le mot d'ordre ne paraît plus être de contraindre, ordonner, discipliner, réprimer, mais de "plaire et toucher". La visée du théâtre classique selon Racine est désormais l'une des grandes lois, partout à l'oeuvre, dans l'économie, les médias, la politique, l'éducation.
L'économie consumériste sature d'offres commerciales attractives notre quotidien, dominé par l'impératif de captation des désirs, de l'attention et des affects ; le modèle éducatif s'élabore sur la compréhension, le plaisir, l'écoute relationnelle ; dans la sphère politique, l'heure n'est plus à la conviction par la propagande, mais à la séduction par la vidéocommunication, parachevant la dynamique de sécularisation de l'instance du pouvoir.
La séduction-monde a provoqué l'émergence d'une individualisation hypertrophiée du rapport à autrui - ultime manière d'agir sur le comportement des hommes et de les gouverner, ultime figure du pouvoir dans les sociétés démocratiques libérales.
Émission "Idées", animée par Pierre-Edouard Deldique.
A l'heure où émotion et consommation sont étroitement liées -des stations du Club Med à la musique d’ambiance diffusée dans nos écouteurs, des guides de psychologie positive à l'industrie des cartes de vœux aux messages de valorisation des sentiments-, Eva Illouz montre comment ces nouvelles marchandises visent à améliorer le moi. Elle invente le terme de "marchandises émotionnelles" et en interroge l'authenticité de l'individu moderne.
C'est également à l'amour comme objet de recherche qu'Eva Illouz se consacre. Elle défend la thèse suivante : l'amour est le noyau central et le vecteur historique de la modernité occidentale. En observant diverses expériences, elle tente d'expliquer pourquoi nos peines de cœurs sont vécues comme des pathologies qu'il nous incombe de soigner.
Émission "L'Heure bleue", animée par Laure Adler.
Dans son essai Christopher Lasch. Un populisme vertueux, le professeur Renaud Beauchard propose une synthèse de la pensée du sociologue et historien américain. Celui que l'on présente parfois comme "le plus grand critique social" des États-Unis contemporains a cherché dans toute son œuvre à "comprendre l'étrange paradoxe de notre temps qui veut qu'en dépit de l'évidence des désastres écologiques, humains et moraux causés par le capitalisme mondialisé, il nous est [..] plus facile d'imaginer la fin du monde que celle du capitalisme."
Christopher Lasch est le reflet des tensions qui ont traversé le XXe siècle aux États-Unis, principalement depuis 1945. Fils de militants radicaux et partisans d'un "socialisme authentiquement démocratique", il étudie la théologie à Harvard et se lance dans un inventaire du "rationalisme optimiste" de ses parents. C'est à partir des années 1970 qu'il commence l'écriture de ses ouvrages majeurs. Après une enquête de grande ampleur sur la famille, il débute un cycle de trois essais sur la personnalité narcissique, emblématique du capitalisme contemporain : La culture du narcissisme (1979), Le seul et vrai paradis (1991) et La révolte des élites (1994).
Pour Renaud Beauchard, l'œuvre de Lasch a un aspect antimoderne par sa critique de l'individualisme consumériste contemporain, mais elle est porteuse en même temps d'une défense du projet émancipateur des Lumières. Il s'inscrit dans une tradition alternative au libéralisme, celle de l'humanisme civique : "Dans un monde qui devient de plus en plus inintelligible, Lasch fait un constat désespéré de l'état du caractère démocratique de l'individu, qu'il attribue à une faillite intellectuelle du libéralisme."
Michel Drac, analyste politique et prospectiviste bien connu, se penche ici sur différentes questions de société. De la philosophie politique aux problèmes de psychologie sociale, comprendre les visions du monde et les habitus qui structurent des collectifs où certaines minorités actives doit nous permettre d'avoir une compréhension plus fine de la marche du monde.
Ce travail est mené par la lecture de plusieurs livres dont les contenus sont ici exposés clairement.
Même si ses films ne passent plus guère sur les chaînes cinéma de la télévision, Pier Paolo Pasolini est d'abord connu en France comme cinéaste. On sait qu'il fut aussi, avec la même prolixité, avec la même intensité, poète, romancier, penseur. Et c'est précisément le penseur, qu'à l'occasion de la parution du Chaos, nous abordons.
Dans l'ultime entretien que Pasolini a donné quelques heures seulement avant sa mort tragique le samedi 1er novembre 1975, il déclarait "le petit nombre d'hommes qui ont fait l'histoire sont ceux qui ont dit non. Jamais les courtisans ou les valets des Cardinaux." Or, à l'époque où il s'exprimait ainsi, tous les intellectuels disaient non. Le refus régnait en maître. Il n'y avait pas de place pour l'acceptation. Oui était un mot imprononçable.
Qu'avait donc d'original, de singulier, de solitaire, dans ce climat hypercritique, le non de Pasolini ?
Le 14 juin 2013, les gouvernements européens de l'union européenne ont demandé à la commission européenne de négocier avec les Etats-Unis la création d'un Grand Marché Transatlantique. Confier aux firmes privées la possibilité de décider des normes sociales, sanitaires, alimentaires, environnementales, culturelles et techniques, c'est désormais l'objectif des firmes transnationales et des gouvernements d'Europe et des USA dont ils sont l'instrument politique.
C'est ce que révèle dans cette émission le spécialiste de l'étude de la "géopolitique des profondeurs" Franck Pengam, en revenant particulièrement sur la longue histoire de prédation économique des Etats-Unis, qui aboutit logiquement à la mise en place d'un Grand Marché Transatlantique.
Le capitalisme hyperindustriel a développé ses techniques au point que, chaque jour, des millions de personnes sont connectées simultanément aux mêmes programmes de télévision, de radio ou de consoles de jeu.
La consommation culturelle, méthodiquement massifiée, n’est pas sans conséquences sur le désir et les consciences.
L'illusion du triomphe de l'individu s'estompe, alors que les menaces se précisent contre les capacités intellectuelles, affectives et esthétiques de l'humanité.