L’art moderne s’est souvent voué à la laideur. Anatomies difformes, palettes outrées, compositions incongrues, volonté de surprendre et de heurter : qui oserait encore parler de beauté ? Faute de pouvoir en appeler à la raison historique et à la désuétude des canons anciens – des proportions de Vitruve à la perspective d’Alberti -, ne convient-il pas de rechercher ce qui a provoqué ce changement radical dans l’élaboration des formes qu’on appelle "art" ?
S’appuyant sur les matériaux patiemment rassemblés depuis trente ans, Jean Clair propose une lecture anthropologique de l’esthétique moderne qui croise l’histoire de l’art, l’histoire des sciences et l’histoire des idées. Ainsi la seule année 1895 a-t-elle vu, simultanément, la naissance du cinéma. la découverte des rayons X, les applications de la radiotéléphonie (mais aussi la croyance en des rayonnements invisibles chez les tenants de l’occultisme), les premiers pas de la psychanalyse, l’essor de la neurologie : la sensibilité en est bouleversée, mais d’abord la façon qu’a l’artiste de se représenter le monde visible et singulièrement le corps humain.
Paradigmes et paramètres, les modèles ont changé. L’art devient l’expérimentation du monstrueux et crée de nouvelles entités parmi lesquelles Jean Clair distingue trois figures directrices : le mannequin des neurologues, descendant des alchimistes et de Goethe, le Géant des dictatures, "l’Ogre philanthropique" dont Le Colosse de Goya est le prototype, l’Acéphale enfin, le nouveau dieu des avant-gardes célébré par Georges Bataille.
Emission "Licences politiques".
Les nouvelles représentations du vivant et l’explosion des biotechnologies ont créé des problèmes éthiques radicalement nouveaux sur la légitimité de leurs applications.
Mais il existe en outre d’autres enjeux : ceux liés aux interactions difficiles bien qu’indispensables entre les trois pouvoirs de la parole : la scientifique, la politique et la médiatique.
Bernard Stiegler parle de sa vie, de ses activités professionnelles, de ses préoccupations intellectuelles, notamment le rapport entre l'homme, la technique et le monde. Il développe enfin une analyse de notre moment social-historique qu'il articule autour du concept de capitalisme libidinal.
Emission "Regarde les hommes changer".
Francis Wolff témoigne ici de sa pensée sur l'évolution de la conception de l'homme dans l'histoire de la philosophie.
On y retrouve quatre conceptions de la nature humaine : d'Aristote avec "l'animal rationnel" jusqu'à la figure actuelle de l' "homme des neurosciences, des sciences cognitives et de la biologie de l'évolution", en passant par la figure de "la substance pensante unie à un corps" de Descartes et l'homme des sciences humaines, de la sociologie et de la psychanalyse au XXème siècle.
La conférence s'est tenue au couvent des Dominicains de Lille.
L'écologie est en panne, dit-on. La crise économique l'aurait reléguée au rang des préoccupations subalternes. Pourtant, la biodiversité est plus que jamais menacée et les effets de la pollution sur la santé sans cesse démontrés. Du tarissement des énergies fossiles au réchauffement climatique, l'activité humaine modifie la géophysique de la planète. Faut-il soutenir la perspective d'une croissance durable, favoriser l'émergence d'un green deal, d'un capitalisme vert, ou bien sortir du mirage d'une certaine idée de la croissance technoscientifique ? Anthropologue des techniques, Alain Gras démontre que notre monde technique fondé sur la puissance de l'énergie fossile n'était pas inéluctable. À partir du XIXe siècle, le progrès mécanique abandonne, peu à peu, les énergies naturelles au profit de la puissance thermique, qui permet la réalisation d'un fantasme d'origine européenne, celui de la maîtrise de la nature. Depuis le milieu du XIXe siècle, nous ne sommes plus dans une société industrielle, mais dans une civilisation thermo-industrielle qui utilise la chaleur comme principal moyen de son efficience. La contrepartie de ce développement ne peut donc se concevoir que dans un renversement de perspective socio-technique et dans une autre éthique. La technique n'est pas un instrument de domination, d'appropriation de la nature, elle est ou était un moyen de communication, de dialogue avec cette nature. C'est d'abord cet imaginaire qu'il faut retrouver. Bien sûr, elle va de pair avec le choix de technologies simples, robustes, recyclables, adaptées à leur environnement et aux usages des populations. Technologies que les pays émergents pourraient mettre en place encore plus vite que les pays riches parce que le savoirfaire est encore présent. Telle est, selon Alain Gras, la nécessité de la décroissance dans sa dimension universelle que Stéphane Lavignotte, pasteur et essayiste, explore et examine de façon critique dans le sillage d'André Gorz ou de Serge Latouche. La décroissance est-elle soutenable ? Un débat par temps de crise.
"Communiquer c’est transporter une information dans l’espace, transmettre c’est transporter une information dans le temps."
La transmission, qui veille au passage des messages à travers le temps, se distingue de la communication qui essaime ceux-ci dans l’espace ; la première opère nécessairement en différé, la seconde peut, grâce aux nouvelles technologies, atteindre au direct et à l’interactivité ; le capital symbolique d’une culture se transmet, une certaine coprésence communautaire se communique.
Les médiologues explorent l’intersection de ces deux axes, et les effets antagonistes-complémentaires très concrets de leur problématique articulation : qu’arrive-t-il à l’Ecole, à l’Eglise, à l’Etat, aux musées ou aux institutions quand la nécessaire transmission d’un savoir, d’une tradition ou d’une histoire croise les séductions de nos machines à communiquer? Vivons-nous une succession d’effondrements symboliques ou les étapes bienvenues d’une ouverture démocratique?
En résumé : comment le fragile objet de la transmission résiste-t-il, ici et maintenant, au flot des nouveaux médias?