Comment comprendre la modernité ? En vivons-nous l'accomplissement logique ? L'essoufflement ?
La trajectoire de l'humanité est complexe, irrémédiablement liée à son environnement et en grande partie confondue avec l'histoire de ses techniques.
À l'heure d'Internet, de l'individualisme et du discrédit de la classe politique, il semble urgent de se poser ces questions pour que notre avenir commun soit réinventé.
Dans le cadre du cycle "La violence aujourd'hui", le colonel Michel Goya, officier de l’armée de terre, revient sur le rapport que le soldat entretient avec la violence en temps de guerre.
Dans un second temps, le lieutenant colonel Christophe Fontaine, officier de l’armée de l’air, nous fait réfléchir aux nouvelles méthodes de combat, dont l'utilisation des drones fait partie, et s'interroge sur les liens existants entre guerre et technologique.
Les imposteurs n’apparaissent certes pas au 19ème siècle (faux rois, faux papes, mages, prophètes, guérisseurs…), mais le travail de Roland Gori atteste que nous subissons une nouvelle "Grande Transformation" : l’imposture a changé radicalement de nature et d’ampleur.
Nous vivons aujourd’hui un faux-semblant généralisé qui nous contraint à sans cesse "jouer le jeu". L’imposture est devenue forme de gouvernement et d’administration dont Gori analyse ici scrupuleusement les mécanismes.
La rencontre est animée par Éric Hassenteufel et Gérard Engrand.
Depuis plusieurs années, et après avoir soutenu dans son premier manifeste que le modèle industriel capitaliste et consumériste était voué à s’effondrer à brève échéance, Ars Industrialis organise des rencontres sur les grandes questions contemporaines posées par l’économie, la technologie et leur crise commune, tout en soutenant que le temps est venu de penser un autre modèle industriel, au service d’une économie de la contribution.
Celle-ci est caractérisée par le fait qu’elle se déploie à la fois comme activité d’échanges économiques et comme activité de constitution de savoirs à travers des processus de transindividuation spécifiques. La reconstitution des savoirs – qui est rendue possible par les spécificités de la technologie numérique – engage un mouvement de déprolétarisation au sens où on peut l’observer dans les pratiques du logiciel libre, fondées sur une production et un partage de savoirs.
C’est pour débattre de son livre, Le prix, ainsi que de ses analyses sur la crise économique dans Le capitalisme à l’agonie, et sur ce qu’il appelle la "guerre civile numérique", que Paul Jorion est reçu et échange avec Bernard Stiegler, Franck Cormerais et Arnauld de l’Épine.
Depuis une trentaine d'années, les grands projets technologiques suscitent des critiques croissantes et de nombreux conflits. Le rapport des sociétés au "progrès" et aux techniques semble basculer, alors que la collusion entre capitalisme et science met chaque jour un peu plus en péril l'équilibre écologique de notre planète.
Pourtant, les critiques des trajectoires technologiques n'ont rien d'inédites, elles n'ont cessé d'accompagner et de modeler les sociétés industrielles.
Du XVIIIe siècle à nos jours, le langage pour dire le refus des techniques a évolué en permanence, les raisons de craindre la prolifération des artefacts se sont modifiées sans cesse au fur et à mesure des transformations des régimes de production et des milieux techniques. Il ne s'agit ni de dresser une galerie de portraits des prophètes incompris, ni de rechercher dans le passé des justifications aux inquiétudes d'aujourd'hui. L'enjeu est de montrer l'historicité des attitudes de refus face à la technique, par-delà les répressions et les disqualifications qui n'ont cessé de les accompagner, jusqu'à les rendre invisibles.
Notre époque se caractérise comme prise de contrôle de la production symbolique par la technologie industrielle, où l’esthétique est devenue l’arme et le théâtre de la guerre économique. Il en résulte une misère où le conditionnement se substitue à l’expérience esthétique.
"Cette misère est une honte" rajoute Stiegler. Le processus pour échapper au contrôle du sensible et au conditionnement des esprits - l’an-esthésie qui conduit à la misère symbolique - serait de rendre sa place à "l’expérience esthétique", voie d’émergence de la singularité sensible, indispensable à la constitution de l’être social.
C’est en analysant le circuit de cette expérience et les niveaux de la sensibilité, tout en prenant en considération le "tournant machinique de la sensibilité", que Bernard Stiegler s’essaie à repenser l’esthétique, et ébauche les concepts d’organologie générale et de généalogie du sensible.
Pour une "nouvelle pensée de l’industrie à partir de l’expérience sensible", qui formerait une ultramodernité artistique et culturelle. Et pour l’établissement d’une société dans laquelle production symbolique et vie de l’esprit viendraient au coeur de la vie industrielle.
Les techniques promettent abondance et bonheur ; elles définissent la condition humaine d’aujourd’hui. Pourquoi les contester, et à quoi bon ? Les discours technocritiques ne masquent-ils pas des peurs irrationnelles, un conservatisme suranné, voire un propos réactionnaire ?
Pourtant, depuis que les sociétés humaines sont entrées dans la spirale de l’industrialisation, des individus et des groupes très divers ont dénoncé les techniques de leur temps et agi pour en enrayer les effets.
L’introduction de machines censées alléger le travail, les macrosystèmes techniques censés émanciper des contraintes de la nature, la multitude des produits technoscientifiques censés apporter confort et bien-être, ont souvent été contestés et passés au crible de la critique.
Contre l’immense condescendance de la postérité, il s’agira d’explorer ces discours et luttes foisonnantes et multiformes pour mieux comprendre comment s’est imposé le grand récit chargé de donner sens à la multitude des objets et artefacts qui saturent nos existences.