Le professeur de physique Alan Sokal a réussit, courant 1996, à faire publier dans une revue américaine un article intitulé : Transgresser les frontières : vers une herméneutique transformative de la gravitation quantique. Cette mystification visait notamment à dénoncer l'usage intempestif de la terminologie scientifique par les sciences humaines. Il a depuis explicité son geste dans un ouvrage intitulé Impostures intellectuelles, co-écrit avec Jean Bricmont et publié en 1997.
À l'occasion de sa parution, il débat avec le philosophe et poète Michel Deguy des problèmes réccurents que présentent certains intellectuels français.
Abus de concepts et de termes scientifiques, le fait de jeter des mots savants à la tête du lecteur dans un contexte où ces mots n'ont aucune importance : ce sont des penseurs aussi prestigieux que Lacan, Kristeva, Latour, Baudrillard, Deleuze ou Guattari qui se retrouvent sur le banc des accusés...
L'humain est une chose compliquée à étudier. Il existe de multiples outils, diverses disciplines. Elles ne s'opposent pas les unes aux autres mais se complètent, et des sciences cognitives à la sociologie on peut aborder la condition humaine en tenant compte de toutes les strates d'explications que fournissent ces disciplines.
Pour une plus grande interdisciplinarité, il faut apprendre à regarder l'humain comme un animal dans un milieu naturel, et comme le produit d'une société dont il est en même temps l'artisan. Laurent Cordonier est sociologue, il est l'auteur de La nature du social qui traite de ce sujet, et nous éclaire ici sur ce que son approche peut apporter à notre effort collectif pour mieux nous comprendre.
Pendant des siècles, les chantres du progrès par la technique et la science appliquée ont promis à l'humanité le bonheur pour demain, ou au plus tard après-demain. L'emballement numérique, la perspective de technologies "révolutionnaires" ou "disruptives", les limites sans cesse repoussées, les annonces tonitruantes de milliardaires high-tech ont redonné un nouveau souffle aux promesses d'un monde technologique meilleur, d'abondance et de bonheur pour tous, de l'immortalité à la conquête spatiale, en passant par les énergies "propres" et la capacité à "réparer" une planète bien fatiguée.
Non content de tailler en pièces ce "technosolutionnisme" béat, du passé comme du présent, ignorant les contraintes du monde physique et de ses ressources limitées, Philippe Bihouix questionne aussi les espoirs de changement par de nouveaux modèles économiques plus "circulaires" ou le pouvoir des petits gestes et des "consomm'acteurs", face aux forces en présence et à l'inertie du système.
Une fois balayées les promesses mystificatrices ou simplement naïves, rien n'empêche de rêver, mais les pieds sur terre : nous pouvons mettre en œuvre, dès maintenant et à toutes les échelles, une foule de mesures salutaires. Et si, finalement, le bonheur était bien pour demain ?
L'analyste politique et prospectiviste Michel Drac nous propose un commentaire de l'actualité focalisé sur les tendances lourdes qui structurent l'équilibre précaire de nos sociétés et sur les éléments de rupture qui viennent le perturber.
Au menu des mois d'avril et de mai 2019 :
- 0'00'00 : le postérisé du mois (Julien Assange)
- 0'03'45 : démographie et migrations
- 0'23'30 : énergies et matières premières
- 0'33'45 : actualité des technologies
- 0'49'15 : géopolitique de l'espace atlantique
- 1'00'15 : géopolitique de l'Eurasie
- 1'12'15 : géopolitique du Sud
- 1'29'15 : planète Scarface et casino global
- 1'39'15 : conjoncture et réalité de la production
- 1'51'45 : Eurocrise
- 2'00'45 : autres questions européennes
- 2'06'00 : régression sociale et nouvelles révoltes
- 2'16'30 : recomposition politique
- 2'21'15 : crise du sens et régression anthropologique
Les nanotechnologies recouvrent désormais un spectre très large d'activités fort différentes qui vont de l'électronique dernier cri aux nouvelles biotechnologies en passant par la conception de matériaux dits "intelligents".
Elles bénéficient depuis quelques années de crédits massifs et, comme elles concerneront sans doute tous les secteurs industriels, les plus classiques comme les plus high-tech, on les associe même à une véritable "révolution de civilisation" qui pourrait modifier spectaculairement nos façons de vivre, de travailler, de communiquer, de produire, de consommer, de contrôler, de surveiller.
Dès lors, elles s'arriment à la question des valeurs, que celles-ci soient morales ou spirituelles, et interrogent l'idée que l'on se fait de la société, de ce qu'elle devrait être ou ne devrait jamais devenir.
Etienne Klein nous propose une réflexion sur la science et la technique dans la société au plus près des progrès récents.
Les préférences sexuelles ne sont pas choisies par ceux qui les éprouvent. Et si l'on retrouve de l'homosexualité dans le monde animal, cela signifie qu'il existe des facteurs biologiques innés à l'orientation sexuelle.
La recherche scientifique dans ce domaine soulève des objections, des soupçons d'eugénismes, mais aussi l'espoir que la compréhension de ce phénomène naturel permette de dédramatiser les "orientations non conventionnelles".
Jacques Balthazart, professeur de biologie à l'Université de Liège, travaille sur ces questions depuis longtemps et nous dresse un état de l'art.
Le transhumanisme est un projet de prise en main de l'Evolution par les ingénieurs. Son objectif : substituer aux humains une espèce "augmentée", fruit du progrès technologique et d'une volonté de maîtrise totale.
Quels sont les ressorts et les moyens de cette idéologie ? S'agit-il d'un délire scientiste ou d'une menace réelle ? Et nous, voulons-nous devenir des hommes-machines ?
Est-ce que le couple utopie/réseau, dont l'exemple parfait serait l'Internet, nous décharge de l'utopie des transformations sociales ? Que s'opèrerait dans la fascination pour les nouvelles technologies de l’hyperconnexion ? Le transfert du socio-politique vers la technique, en postulant que l'utopie technique est bien plus réalisable, est-il acté ?
Le philosophe et professeur en sciences de l'information et de la communication Pierre Musso nous explique ce que la naissance d'Internet a voulu dire, retrospectivement, en termes d'imaginaires utopiques, jusqu'à l'idéologie triomphante du réseau aujourd'hui.
Émission "Les Nouvelles vagues", animée par Marie Richeux.