Depuis quelques années, la catastrophe climatique annoncée occupe le premier plan des discussions. Exception faite de la baisse intervenue durant l’année de récession 2009, l’émission mondiale de CO2 continue d’augmenter inexorablement.
Et si le débat public dans les centres capitalistes interprète la crise économique, en dépit de sa persistance, comme un phénomène purement passager, il perçoit en revanche parfaitement que la crise écologique procède des fondements mêmes du mode de vie moderne.
La contradiction n’est en effet que trop manifeste entre, d’un côté, les impératifs économiques de la croissance et, de l’autre, la finitude des ressources matérielles et de la capacité du milieu naturel à absorber les déchets produits par la civilisation.
Il est donc impératif de penser la dynamique de destruction écologique par le "fait social total" (Marcel Mauss) que constitue le capitalisme.
Si les humains sont devenus une force naturelle capable de déstabiliser le "système Terre", ne doit-on pas mettre en question le "grand partage" entre nature et culture qui structure la pensée des Modernes ? L’anthropologue Philippe Descola révèle qu’il existe des sociétés où les hommes savent composer autrement des mondes avec ce qui n’est pas "eux" : les animaux, les plantes, les choses, les montagnes et les vallées, le ciel et la terre... Et nous invite à nous aventurer "par-delà nature et culture".
Tout a commencé pour Philippe Descola à la fin des années 1970 en Haute-Amazonie. Durant trois ans, pour les besoins de sa thèse d’ethnologie sous la direction de Claude Lévi-Strauss, il a partagé la vie des Jivaros Achuar, le "peuple du palmier d’eau". Peu à peu, il est entré dans une autre composition du monde, où le jaguar solitaire a une place semblable à celle du chamane, où le chasseur chante pour demander au singe laineux de se laisser tuer, où les plantes du jardin sont des enfants, le toucan un beau-frère, où la nature fait partie de la maison commune, ce que l’anthropologue appellera "la nature domestique". De cette expérience, Philippe Descola rapportera sa thèse et un splendide récit, Les Lances du Crépuscule. Il ne cessera par la suite de méditer et creuser ce terrain jusqu’à remettre la nature au cœur des sciences de l’homme. Il est aujourd’hui Professeur au Collège de France, titulaire d’une chaire d’Anthropologie de la nature, non pour s’interroger sur une hypothétique "nature humaine" mais pour élargir aux dimensions du monde la manière dont humains et non-humains négocient leur coexistence. Ce qu’il appelle "composer des mondes".
Philippe Descola a développé en système sa thèse dans Par-delà nature et culture, paru en 2005 et salué comme un des ouvrages majeurs dans l’héritage et la discussion de Claude Lévi-Strauss. Dans ce livre, il dégage quatre grandes cosmologies (naturalisme, animisme, totémisme, analogisme) qui fondent les sociétés selon la manière dont y sont inclus les non-humains (animaux, plantes, choses, astres, pierres et fleuves…), identifiés en continuité ou en discontinuité avec l’homme, semblables ou différents dans leur vie physique et spirituelle. Il s’agit en somme de différentes configurations de tout ce qui existe. C’est pourquoi Philippe Descola parle d’ontologies. Chacune d’elle a été formée par des peuples et civilisations spécifiques, parfois depuis des millénaires, même si, c’est l’hypothèse de Descola, elles peuvent en puissance coexister chez chacun des humains.
En tout cas notre "naturalisme", que nous croyons universel, est en réalité une exception, un modèle parmi d’autres. C’est ce que l’anthropologue révèle en mettant en question "le grand partage" entre une nature universelle et des cultures humaines diverses, qu’a opéré la pensée occidentale de l’Homme à partir de la fin du XIXe siècle. La nature alors, est vue comme un stock de ressources, elle devient muette, inanimée, on peut l’utiliser comme bon nous semble, au détriment des autres espèces que la nôtre et, à terme, des humains eux-mêmes. Nous en sommes précisément là lorsque ce dualisme a fabriqué le réchauffement global de la planète. Peut-être alors est-il temps de sortir de notre "ethnocentrisme" et de découvrir en nous-mêmes notre part d’animisme pour construire, enfin, une maison commune.
Tchernobyl, Fukushima, Ebola, armes de destruction massive, accidents chimiques… Ces noms, ces événements font peur.
Qu’en est-il réellement des risques ? La réalité dépasse-t-elle la fiction ? Qu’adviendrait-il des équipements et installations sensibles (centrales nucléaires, industries lourdes, laboratoires…) en cas de crise économique ou de guerre ?
Rendant accessible un sujet très complexe, Piero San Giorgio aborde les différentes menaces issues des domaines nucléaire, radiologique, biologique et chimique pour nous permettre de différencier les mythes de la réalité et d’identifier les risques. Il présente également des moyens de protection et de détection tout en énonçant des conduites à tenir en cas d’événement de ce type.
Jean Staune analyse les dérives épistémologiques et les processus de désinformation de trois domaines qui ont été particulièrement médiatisés ces dernière années : le réchauffement climatique, l'énergie nucléaire et la question des OGM.
Il se livre à une déconstruction des arguments des deux parties en présence. Une originalité qui donne au lecteur tous les éléments montrant comment "climato-sceptiques", industriels de l'agro-alimentaire et de l'énergie d'un côté, "réchauffistes" et écologistes de l'autre, dénoncent les erreurs de leur opposants en évitant de mettre en lumière le fait que les mêmes procédés existent dans leur propre camp !
Jean Staune nous invite à aborder ces questions de manière scientifique et d'en tirer toutes les conclusions nécessaires, qu'elles soient agréables où non.
Un chiasme curieux caractérise notre société libérale et technologique : d’un côté nous transformons radicalement la nature quand de l’autre nous proclamons l’impossibilité de modifier la société. Le libéralisme combine une acceptation supposément réaliste des buts humains et de l’organisation sociale tels qu’ils sont, avec un projet utopique de maîtrise et de transformation du monde.
Lorsqu’en 1992, au Sommet de la terre de Rio, George Bush père déclarait : "le mode de vie américain n’est pas négociable", cela impliquait que la nature et sa préservation l’étaient.
Comment ce chiasme destructeur s’est-il établi à partir de la fin du XVIIIe ? "Le siècle du progrès" n’a jamais été simplement technophile. L’histoire du risque technologique qu’il présente n’est pas l’histoire d’une prise de conscience, mais l’histoire de la production scientifique et politique d’une certaine inconscience modernisatrice.
Nous sommes entrés dans "l’Anthropocène", nous serions collectivement, en tant qu’espèce humaine, responsables du dérèglement climatique, d’une extinction massive des espèces, d’une déforestation tropicale et d’une destruction des environnements sans précédents, d’une pollution et d’une érosion historiquement inédites.
Peut-on vraiment incriminer un Anthropos indifférencié, une espèce complète, et en appeler à un "bon Anthropocène" techno-scientifique et à un capitalisme "vert" ?
Et s’il s’agissait plutôt, comme l’affirment Andreas Malm, Jason Moore, John Bellamy Foster et des auteurs issus du courant dit de "critique de la valeur", d’un Capitalocène, d’une dynamique socio-historiquement spécifique aux conséquences écologiques également spécifiques, celle du capitalisme, et appelant donc à une sortie conjointe de "l’Anthropocène" et du capitalisme ?
C’est cette hypothèse que développent Anselm Jappe et Armel Campagne.
Philipe Pascot, qui fut conseiller régional (PRG) et maire-adjoint à Evry, est désormais un citoyen engagé. Il est actif dans la lutte contre l'exploration et l'extraction du gaz de schiste en France, et tente d'en révéler les "enjeux cachés", notamment environnementaux.
Le présentation d'un documentaire sur le sujet, suivie d'un débat, permet de mettre en lumière les techniques de "green washing" employées par les industriels de l'énergie, destinées à retourner l'opinion public.
Il est urgent de s'informer et de comprendre les enjeux d'une industrie qui, une fois mise en place, pourrait grandement altérer la qualité de vie de millions de français.
L'émergence du terme de "progrès" au sens moderne est très débattue chez les historiens.
En effet, il existe une multiplicité des critiques du progrès depuis le XVIIIe siècle, car les raisons de s'opposer au progrès technique croissant sont en effet très diverses : ouvriers de manufactures refusant l'arrivée de machines mécaniques, aristocrates anglais considérant que la nature était détruite par cette modernité technique, réformateurs sociaux pointant les dégâts sanitaires des villes mécanisées...
Avec les trois invités, nous cheminons jusqu'au XXe siècle en retrançant cette histoire et en nous demandant comment les Etats ont pris en compte -ou pas- ces contestations variées du progrès, invariablement présenté par les technophiles comme inéluctable.
Émission "La Fabrique de l'Histoire", animée par Emmanuel Laurentin.