L’anomie de nos sociétés est aujourd’hui un fait sinon largement admis du moins globalement constaté avec une sorte de trépignement qui peut inquiéter. Ces germes de pourrissement social attirent à intervalles réguliers tout ce que la France et les sociétés dites avancées possèdent comme faune sociologique, entomologistes sociaux et autres inspecteurs de dépôt de bilan civilisationnel. Il y a quelque chose d’impudique – comme un fantasme de ruine – à contempler la tragédie avec gourmandise en priant de pouvoir abaisser le puce comme dans les arènes romaines devant la grande curée terminale censée emporter notre communion humaine dégradée en vulgaire vivre-ensemble.
C’est de cet homme délié car déraciné et par la même désincarné que Pierre-Yves Rougeyron nous esquisse ici un portrait.
Délié face à ses semblables, face à tout destin collectif, il est désorienté dans le temps et de l’espace ; venu de rien, il n’entend aller nulle part. Déraciné car ne pouvant plus avoir de rapport à la terre et aux morts ; inapte à se figurer dans une société qui, comme l’avait souligné Auguste Comte, est faite de "plus de morts que de vivants". Désincarné car ce qui fait de nous des êtres charnels, c’est ce qui nous distingue de l’autre à l’échelle individuelle, comme notre peau, ou à l’échelle collective, comme les clans, les nations, les frontières.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Depardieu, c'est l'ultime monstre sacré, sur qui la politique n'a pas de prise. L'acteur au corps rabelaisien, pétant et éructant à la face du monde, qui a refusé d'être enterré vivant dans la masse informe.
Passé à l'Est, à jamais "hors champ" pour les gardes rouges du Culturel, lui seul aura su résister à l'américanisation du modèle français.
Longtemps "migrant de l'intérieur", Depardieu demeure ainsi l'homme du scandale autant que de la grâce qui, mieux que personne, aura su rendre à l'esprit français les accents de la vérité. Là où la tentation du sublime, la dérision grandissante et l'enlisement dans le banal font le lit de la décadence.
Confucius disait que bien gouverner commence par la maîtrise exacte du sens des mots. Cette sagesse nous rappelle que le tissu que l’on dit social est avant tout un tissu sémantique et archaïque, qui se tisse, se retisse et s’abîme comme la tunique de Pénélope. Un maillage de mot, d’idées, de réflexes sédimentés, de réactions automatiques qui forme un surmoi de mots agencés en visions du monde cohérentes dont le seul but est l’autoconservation et la permanence sous un couvert d’écumes.
Aujourd’hui la révolution de l’individu prend son tournant "kronosique" au sens de Kronos le dieu qui mange ses enfants. Coupé du ciel, l’individu est coupé des siens. Aujourd’hui l’individu est seul, triste mais surtout ne peut verbaliser son état, première étape d’une hypothétique guérison. Ce manque de mot est cause et conséquence de l’effondrement des représentations.
Plus grave encore, les représentations les plus simples et les plus structurantes, comme la famille et d’autres représentations infra-politiques sont happées par cette horizontalisation technicienne et libérale, résumable par "tout et tout de suite".
La prochaine tentative de réforme intellectuelle et morale devra se dresser pour rétablir au moins l’obligation de survie au sein de nos représentations, afin que nos idées, aujourd’hui sous l’emprise d’un constructivisme de tous les instants, ne nous soient pas fatales.
Elle devra prendre pied sur nos grands récits, seuls legs d’immortalité réelle car ils expliquent les grandes traces du passé alors que la pierre n’explique rien par elle-même.
Et s’il était trop tard ? Alors il faudra raconter et mourir, une dernière fois, poser les actes les plus simples et les plus essentiels d’une civilisation.
Pierre-Yves Rougeyron, spécialiste en intelligence économique, dresse un panorama de l'évolution des rapports de force dans le champ économique.
Que ce soit pour le problème de la dette, le privilège du Dollar américain, la montée en puissance de la Chine ou le dossier israélien, les analyses et tentatives de prospective sont toujours menées du point de vue des intérêts français.
Une leçon de realpolitik.
Une conférence qui permet de faire le point sur les politiques impérialistes actuellement à l'oeuvre.
Pierre-Yves Rougeyron étudie principalement l'impérialisme etats-unien et les différentes tendances présentes au sein de l'administration du pays (les stratèges Henry Kissinger, Zbigniew Brzezinski et Samuel Huntington).
Comment comprendre les incessantes reculades de l'Etat français ?
Pierre-Yves Rougeyron explique le délitement de cette institution par un double mécanisme : de perte de prestige symbolique d'abord (suppresion du Commissariat général du Plan, Deuxième gauche, think tanks) et de perte de souveraineté ensuite (production d'un droit supranational à Bruxelles).
Une dynamique infernale qui tend à détruire l'instance garantissant la paix civile et l'exercice des droits sur le territoire français.