Le 27 avril 1969, Charles de Gaulle perd le référendum qu'il avait organisé sur la Région et la réforme du Sénat. Il annonce aussitôt sa démission, se retire définitivement à Colombey, dont il ne sort que pour deux échappées étranges et romanesques vers l'Irlande et l'Espagne, et rédige des Mémoires d'espoir. Ses derniers mois au pouvoir ont souvent été présentés comme une succession d'erreurs ou de maladresses, attribuées pour l'essentiel à la vieillesse, ainsi qu'à l'incompréhension de la modernité dont Mai 1968 venait d'annoncer l'avènement avec fracas.
Arnaud Teyssier dit tout autre chose : de Gaulle, en ses derniers temps, avait pleinement pris conscience qu'il faisait face à un personnage nouveau, la société moderne, libérée du souvenir de la guerre, traversée de besoins et de désirs, et pour qui la puissante organisation de gouvernement qu'il avait mise en place était devenue trop lourde. Il appréhendait la venue de temps inédits, porteurs des illusions du bien-être, mais chargés de difficultés, de menaces, de crises.
C'est pour y préparer la France que de Gaulle entreprit, dans ses derniers mois, une révolution de grande ampleur. Pour lui, la réalité du monde, imprégnée d'histoire et de tragédie, était dangereuse, mais aussi pleine d'espoir : si on pouvait la saisir dans sa densité et dans sa profondeur, alors "un grand élan emporterait les êtres et les choses". De Gaulle, en 1969, pressent déjà les angoisses, la peur de l'inconnu, la tentation du renoncement et du nihilisme qui s'empareront cinquante ans plus tard de nos démocraties : aujourd'hui, en 2019, ses intuitions nous aident à corriger la myopie de notre civilisation.
Depuis bientôt quarante ans, les partis politiques de gauche croient pouvoir réaliser leur programme dans le cadre de l'Union européenne et sans remettre en cause les principes du libéralisme économique inscrits dans les traités.
Les socialistes ont promis "l’Europe sociale", voire un fédéralisme européen à la mode social-démocrate, mais se sont heurtés à un système de normes juridiques, au carcan monétaire et à la dynamique du capitalisme financier. Les trotskystes dénoncent le libre-échange mais refusent le protectionnisme. La France insoumise propose une stratégie en deux temps – les plans A et B – peu crédible tant elle est floue.
Morvan Burel nous présente son ouvrage La gauche à l'épreuve de l'Union européenne, co-écrit avec Aurélien Bernier. Il révèle notamment que c'est cette épreuve qui met aujourd'hui l'existence de la gauche en question. En examinant les propositions et les échecs de la gauche, nous sommes invités à réfléchir aux différentes stratégies qui pourraient permettre de sortir de l'impasse européiste.
Plus que jamais peut-être, on constate au quotidien les effets nocifs d'un libéralisme économique qui, dans ses versions les plus radicales, veut en finir avec la notion de bien commun. Alors que partout est proclamé le droit de l'individu au bonheur, à son plein épanouissement, ce dernier se voit surtout réduit au rang d' "homme-marché", tout à la fois consommateur à conquérir et travailleur exploitable à merci.
À ceux qui pourraient penser que catholicisme et capitalisme peuvent faire bon ménage, Philippe Arondel rappelle avec vigueur combien la doctrine sociale de l'Église se livre à une critique sans concession du libéralisme et propose une autre vision de l'économie et du sens de l'homme. Développée notamment par les papes depuis plus d'un siècle, cette pensée sociale s'enracine dans l'idée d'un État indépendant des féodalités économiques, et garant tant du bien commun que de la justice sociale.
Face à la crise actuelle du libéralisme liée à la domination de la finance, à une mondialisation mal régulée et à une ubérisation rampante, il est urgent de proposer des analyses critiques nouvelles. Pour que notre économie de liberté ne se transforme pas en société de marché sans finalité humaine.
Éditeur, historien et essayiste, François-Marin Fleutot vient de publier un livre consacré aux Rois de France excommuniés.
On se souvient d'ordinaire de l’excommunication d'un ou deux rois de France alors que, de Hugues Capet à Louis XIV, seize Capétiens ont subi les foudres vaticanes parce qu'ils refusaient d'obéir à Rome, récusaient l'infaillibilité pontificale ou refusaient d'appeler à la croisade.
Au fil de ces conflits se dessine une politique constante fondée sur le principe d'indépendance du royaume à l'égard du pouvoir temporel des papes. Dans la politique de souveraineté qui s'affirme, nous pouvons lire la préhistoire de notre laïcité.
C'est François Furet qui tira d'un oubli qui n’était pas innocent un historien et sociologue qui travailla hors du cadre universitaire et produisit une œuvre indispensable à la compréhension du phénomène révolutionnaire : Augustin Cochin étudie en effet le rôle des sociétés de pensée dans le déclenchement de la Révolution française et dans le développement de la démocratie – loin des analyses complotistes et de la mystique du peuple révolutionnaire.
Chartiste de formation et historien de métier, Patrice Gueniffey a préfacé les œuvres complètes d'Augustin Cochin et nous présente La Machine révolutionnaire.
Après la loi de 1905, le conflit entre les "deux France" laïque et catholique s'était progressivement apaisé - malgré les batailles de l'école - et le principe de laïcité faisait l'objet d'un remarquable consensus. Depuis, la situation a changé, insensiblement puis de façon manifeste dans une ambiance marquée par de violentes polémiques. Dans une société largement déchristianisée, l'Islam a gagné en importance et en visibilité au moment où l'égalité se dégradait en revendication identitaire avec constitution de communautarismes imités des États-Unis. Toute une gauche laïque a pris le tournant identitaire ou professe une laïcité "libérale" tandis qu'une partie de la droite instrumentalise la laïcité.
Le professeur de sciences politiques Laurent Bouvet nous expose cette "nouvelle question laïque" et rappelle le sens de la loi de 1905 en montrant que la laïcité est indispensable à notre nation, collectivité des citoyens menacée de dilution dans la société des individus.
Docteur en économie, membre du collectif des "Économistes atterrés", David Cayla vient de publier L'économie du réel, dans lequel il se livre à une critique en règle du modèle économique dominant.
Face au mythe du marché autorégulateur et aux recettes néolibérales, comment redonner force au politique afin que les logiques marchandes soient de nouveau intégrées dans le système social ?
L'actualité la plus immédiate dit à quel point il est urgent de répondre à cette question.
Le titre du nouvel ouvrage que publie le philosophe et ancien militant Denis Collin - Après la gauche aux éditions Perspectives libres – dit bien que la gauche est arrivée au terme de son aventure historique en France et dans d’autres pays européens – notamment l’Italie.
Il faut bien sûr expliquer les raisons de cette faillite. Puis dégager de nouvelles perspectives en fonction de la crise générale à laquelle nous sommes confrontés. Quelle politique mettre en œuvre ? Comment s’organiser ?
Avec Jacques Cotta, Denis Collin a récemment pris l'initiative qui a conduit à la création du Collectif national pour la Souveraineté et la Justice Sociale : les questions qu'il pose dans son livre et les réponses qu'il envisage sont de la dernière actualité.