Bien avant le cinéma, la presse à scandale et la télévision, les mécanismes de la célébrité se sont développés dans l'Europe des Lumières, puis épanouis à l'époque romantique. Voltaire ou Liszt furent de véritables stars, suscitant la curiosité et l'attachement passionné de leurs "fans". La politique n'échappa pas à ce bouleversement culturel : Marie-Antoinette ou Napoléon en furent les témoins. Lorsque le peuple surgit sur la scène révolutionnaire, il ne suffit plus d'être légitime, il importe désormais d'être populaire.
À travers une histoire de la célébrité, Antoine Lilti retrace les profondes mutations de la société des Lumières et révèle les ambivalences de l'espace public. À la fois désirée et dénoncée, la célébrité apparaît comme la forme moderne du prestige personnel, adaptée aux sociétés démocratiques et médiatiques, comme la gloire était celle des sociétés aristocratiques. L'histoire de cette notion éclaire les fascinantes contradictions de notre modernité.
La conquête est l’inverse de la résignation : elle est mouvement vers un ailleurs, désir d'élargissement de son propre territoire – géographique ou sentimental –, souvent aux dépens des autres, toujours pour accroitre sa propre puissance. Lorsqu'il est occasionnel, par exemple pour conquérir un droit, le conquérant d'un jour est tout entier à son but, il n'emprunte les habits de la conquête que temporairement, le temps d'obtenir gain de cause. Mais le conquérant, par définition, n'est jamais rassasié, il veut plus par principe. Or que devient la conquête lorsqu'elle n'a plus de but, lorsqu'elle n'est plus mouvement vers, mais mécanisme répétitif qui tourne à vide et ne retient de son dynamisme que l'aspect destructeur d'un étalement de soi, pays ou individu ?
Le texte de Benjamin Constant intitulé De l'esprit de conquête et de l'usurpation dans leurs rapports avec la civilisation européenne, qui paraît en 1814 au moment de la première Restauration, est l'occasion de réfléchir à ces questions. Il y exprime là son opposition à Napoléon le conquérant, en pointant les contradictions et l'anachronisme de l'esprit de conquête à l'heure du libéralisme naissant.
Émission "Les Nouveaux Chemins De La Connaissance", animée par Adèle Van Reeth.
"Les temps du malheur sécrètent une race d'hommes singulière qui ne s'épanouit que dans l'orage et la tourmente", écrivait François Mitterrand. Le besoin d'autorité et la fascination de la grandeur sont, en période de crise, des constantes de notre inconscient collectif, et les institutions de la Ve République se prêtent idéalement à ce tropisme du sauveur. Se mêlent dans notre mythologie une nostalgie inavouée pour la monarchie, un culte des grands hommes et du héros patriotique lié à la tradition républicaine, et une vénération pour le messie de la culture judéo-chrétienne.
À gauche, comme à droite de l'échiquier politique, les figures ne manquent pas : le général Boulanger, Gambetta, Clemenceau, Mendès France, Pétain, de Gaulle, Mitterrand, Sarkozy, Macron, Zemmour...
L'occasion pour Jean Garrigues de décrypter, et dénoncer à l'occasion, les dérives de ces espérances en un homme providentiel depuis Bonaparte, au fondement du mythe. Ce faisant, il nous invite à une nouvelle lecture de l'histoire idéologique de la France contemporaine.
Le bicentenaire de la mort de Napoléon a été marqué par des polémiques qui laisseront des traces dans la mémoire collective. Non que le souvenir des créations napoléoniennes ait disparu, mais certainement il demeurera entaché par le rappel obsédant, partiel et partial, du rétablissement de l'esclavage en 1802. Sans doute ne s'agit-il pas d'un "détail", et certainement ce fut une faute, mais cet épisode controversé aura eu le mérite, au moins, de rappeler que l'histoire est complexe, et qu'elle doit plus souvent être peinte en gris qu'en blanc ou en noir.
Le paradoxe de l'épisode napoléonien de notre histoire, c'est que s'il a légué à la postérité un riche ensemble de souvenirs dans lequel l'épopée a longtemps fait oublier les pertes humaines et l'émancipation des Juifs le rétablissement de l’esclavage, il n'a légué à la France aucun régime politique. L'empire et son "kitsch" carolingien a disparu avec Napoléon. Autant dire que si l'Empereur a consolidé la société issue de la Révolution française, il n'a pas fait mieux que la Constituante, la Convention ou le Directoire pour donner à la France un nouveau gouvernement. Deux siècles d'instabilité chronique ont suivi la chute de l'Empire. La Révolution n'était pas terminée, et ne l'est peut-être toujours pas.
En revanche, Napoléon a légué à la France la constitution administrative qui lui a permis de surmonter les crises politiques qui n'ont cessé depuis d'émailler son histoire. C'est à cet aspect de l'héritage napoléonien qu'est consacrée l'intervention de Patrice Gueniffey, avec quelques aperçus sur l'art de gouverner par lequel Napoléon fut la dernière incarnation historique du despote éclairé si cher à la tradition des Lumières.
Après deux ans de questions-réponses en vidéo sur ERTV, l'émission Soral répond revient sous un nouveau format sur ERFM, la radio en ligne et en continu d'Égalité & Réconciliation.
Le principe : les auditeurs qui le souhaitent posent leurs questions sur le répondeur du polémiste qui choisit ensuite les meilleures et y répond.
A la fin de la révolution, Bonaparte concentre progressivement entre ses mains tous les pouvoirs durant le consulat (1799-1804). Il fait adopter la constitution de l'an VIII qui maintient la République mais fonde un régime exécutif fort : le gouvernement dirigé par le Premier Consul, Bonaparte. En 1804 il se fait proclamer "Empereur héréditaire des Français", sous le nom de Napoléon 1er. Avec la mise en place du Premier Empire, Napoléon concentre tous les pouvoirs.
Nous sommes donc passés d'un régime démocratique à un régime autoritaire entre 1799 et 1804. Ce passage s’est néanmoins fait de façon progressive, Napoléon s’inscrivant dans la continuité des Révolutionnaires Français pour asseoir la légitimité de son pouvoir.
Alors : Napoléon, continuateur ou fossoyeur de la Révolution ?
Napoléon se préoccupe peu de la situation des juifs en France lors de son accession au pouvoir. Ce n'est qu'à partir de 1806 que, face à la montée des hostilités à l'encontre de la communauté juive et à l'endettement croissant des propriétaires terriens en Alsace, l'Empereur prend ses premières décisions.
Alors que les cultes catholique et protestants (réformé et luthérien) ont vu leurs relations avec l'État être réorganisées au début du Consulat, avec la signature du Concordat (1801) et l'adoption des articles organiques (1802), aucune réflexion sur l'intégration des juifs n'avait été entreprise auparavant. L'Empire compte alors 170'000 juifs, dont un tiers en France, et aucune instance générale n'organise ou dirige les différentes communautés.
Davantage soucieux de l'ordre public que de religion, Napoléon Ier décide de remédier à cette situation en décidant, en mai 1806, la tenue d'une assemblée de notables juifs, puis en novembre la réunion d'une assemblée, le Grand Sanhédrin, chargée de rédiger les positions doctrinales pour les juifs de France.
Le bonapartisme, des origines à nos jours, sa force et à son héritage. Car l'on ne peut qu'être sensible aux analyses qui s'attachent à repérer les résurgences de ce courant particulier, de cette aspiration à un mode de gouvernement original. L'historien René Rémond, dans une théorie demeurée fameuse, s'est attaché naguère à distinguer trois droites différentes dont il a débusqué la permanence, dans la longue durée, depuis le XXe siècle : légitimiste, orléaniste et bonapartiste.
Et on observe qu'à l’occasion des primaires de 2016, cette triade a été ressuscitée par divers observateurs éclairés : elle se serait incarnée dans les personnalités différentes de François Fillon pour le légitimisme, Alain Juppé pour l'orléanisme et Nicolas Sarkozy pour le bonapartisme. Bien sûr, il faut se garder, comme toujours en Histoire, de tout systématisme mais il n'en demeure pas moins que le temps du Second Empire a constitué le bonapartisme en culture politique spécifique dont l’empreinte a été profonde et dont l’héritage est important.
Pour traiter de ce sujet, c'est avec le professeur Jean Garrigues, excellent connaisseur de notre XIXe siècle politique et de la passion française pour les hommes dits "providentiels", que nous nous attachons ensemble à cerner les traits majeurs du bonapartisme, ses sources, ses avatars et son influence de long terme dans le cours de notre vie publique.
Émission "Concordance des temps", animée par Jean-Noël Jeanneney.