1_4 - Chants du cygne
"Ne chantez pas la mort !" prévient, avec des envolées de prédicateur goguenard, Jean-Roger Caussimon, avant de découvrir qu'elle "soeur de l'amour". C'est bien cet éros noir que nous allons chanter, en prélude à la Toussaint. La mort qui chante en nous et que, de toujours, on aime conjurer, provoquer, exalter, mimer ou accompagner. Mais n'entrons pas trop vite dans la danse macabre et savourons, dans un premier temps, le sentiment de la fin des choses, dissolution et abolition de tout (Strauss, Schubert), égarons-nous dans Venise mortifère (Liszt, Britten), finissant par entrer à l'hôpital en compagnie de Schönberg et Chostakovitch, Catherine Ringer ou Gainsbourg, et se laisser envouter par quelques redoutables chants du cygne (Britten, Schumann).
Le "Lugubre" est "la cristallisation du Funèbre", "Notre prise de conscience du Funèbre et notre participation active à celui-ci".
2_4 - Le dernier souffle
Après une cure de nihilisme douceâtre parfumé à l'éther, acheminons-nous vers notre horizon imparable : le dernier souffle, l'ultime regard, les derniers mots. Un moment soudain ou prévisible, dit-on, par les cartes fatales (Carmen, la Dame de pique), les lignes de la main (Un Bal masqué). L'opéra mouroir ou arène, espace d'agonie et de mise à mort, n'a-t-il été créé que pour que l'on y exorcise sa peur du trépas ? À voire quand l'on écoute Wagner (mort d'Isolde), Puccini (Madame Butterfly), Berg (Wozzeck ou Lulu) ou Britten (The rape of Lucretia). Succèderont à ces pentes douces ou chutes brusques dans la mort, la grande bifurcation, les enfers (Rachmaninov) ou la ciel (Messiaen), et la douloureuse mémoire (Berg, Korngold, Rachmaninov).
3_4 - A son dernier repos
Herbe tendre ou allées gravillonnée de blanc, fosse commune ou mausolée de marbre, terre retournée ou urne scellée : tous les scénarios sont disponibles en magasin.
Mais se rend-on au cimetière pour le seul soucis d'honorer les morts ? S'y rendent également, soucieux de dandysme sacrilège, certains songeurs ou libertins à la forte carrure : Hamlet, Don Giovanni et leur vaste descendance (Mozart, Ambroise Thomas, Igor Stravinski),
Fin en grand appareil avec requiem et messe des morts (Purcell, Britten, Ligeti) et surtout marches funèbres (Schubert, Wagner, Mahler).
4_4 - Debout les morts ! Le Dies Irae, histoire d'un tube
C'est l'un des plus grands succès de la musique occidentale, composé, dit-on, au XIIIème siècle, et présent (ou tapi) dans l'ADN de toute musique tendu vers la mort ou la fin des temps : le Dies Irae, musique apocalyptique, bande-son de la Fin du monde. On l'entend rugir, gémir ou être psalmodier aussi bien chez Antoine de Brumel et Lully que Michel Sardou, Liszt que Les Frères Jacques. "Un peu de terre et s'en est fini pour jamais." écrivait Pascal, quelques notes et cela redémarre pour toujours !
David L'Epée est allé à la rencontre du philosophe et musicologue Dominique Pagani, ami de feu Michel Clouscard et partageant sa pensée - forme de néo-marxisme aux implications dialectiques rigoureuses, connue notamment pour avoir brillamment développé la critique du libéralisme libertaire.
Se réclamant l'héritier d'une séquence historique qui s'étend de Rousseau à Lénine, Pagani, auteur d'un petit essai très dense, Féminité et communauté chez Hegel (Delga, 2010), se passionne pour ce qu'il appelle la fusion des genres, un processus artistique qu'il voit à l'œuvre dans l'histoire de la littérature et de la musique depuis la Révolution française et qu'il expose avec beaucoup de verve dans l'entretien ci-dessous.
Dans la première partie, Pagani évoque ses origines corses et parle de son rapport à l'Afrique (où il a passé de nombreuses années, son père travaillant dans l'administration coloniale), de ce qu'il a pu observer là-bas des pratiques de l'oralité et de l'avenir de la francophonie dans cette partie du monde après la décolonisation. Il rappelle quelques éléments de la pensée de Michel Clouscard et met en garde contre une certaine lecture contemporaine réactionnaire du philosophe marxiste, qui porte en elle une dérive puritaine. Fidèle en sa croyance au progrès, il dénonce le discours écologique qui est selon lui une manoeuvre du capitalisme actuel lui permettant de justifier le ralentissement de la croissance tout en moralisant les pays en voie de développement. Il en vient ensuite à son sujet de prédilection, l'histoire de la fusion des genres, et évoque quelques grandes figures qui lui sont chères : Rousseau, Hegel, Nerval, Nietzsche, Wagner.
Dans la seconde partie, il commence par parler de son fils, qui a connu son heure de gloire dans les années 1990 comme artiste hip-hop, puis il revient sur quelques épisodes des Confessions de Rousseau dans lesquels il décèle un érotisme particulier. Il compare les formes allemandes et françaises du romantisme et prend la défense de Musset, auteur majeur qui tend à tomber dans l'oubli. Il rappelle ensuite la double critique que Lénine faisait de ses successeurs potentiels (Staline et Trotski) et dont il se méfiait à juste titre, et raconte les conditions dans lesquelles le fondateur de l'URSS a découvert l'œuvre de Hegel. Pagani prend alors connaissance de la critique des Chemins de la praxis (l'ouvrage posthume de Clouscard récemment paru aux éditions Delga), rédigée par Alain de Benoist dans le dernier numéro d'Éléments, et la commente. Il évoque quelques souvenirs qu'il garde de Clouscard, se réfère au livre que son ami François de Negroni lui a consacré, et s'en prend à Philippe Sollers et à ceux qu'il appelle les post-sadiens. Il poursuit en faisant une analyse de classe de la pornographie, en dénonçant quelques mauvaises interprétations de Nietzsche et en appelant à une réhabilitation d'un romantisme bien compris. Il termine en rappelant la jeunesse révolutionnaire de Wagner et en se souvenant de la séduction que la Corse avait exercé sur Clouscard, qui avait fini par s'y établir une longue partie de l'année.
L'écrivain, journaliste et critique musical et cinématographique Lucien Rebatet est reçu dans l'émission "Radioscopie".
Condamné à mort en 1946 pour "collaborationnisme", puis gracié, il sort de prison en 1952 et se consacre à l’écriture.
Cet entretien est l'occasion de revenir sur le parcours et l'oeuvre d'un des grands perdants de l'Histoire.
En dialoguant passionnément avec un biologiste, un mathématicien, un psychanalyste et un poète, Cornelius Castoriadis montre sa détermination de "penser tout le pensable".
Reconnaissant que l'homme ne sera jamais maître et possesseur de la nature, il démontre, dans ces entretiens, que le raisonnement philosophique n'est ni dévalué ni affaibli par la démarche scientifique. Pour lui, sciences exactes et sciences cognitives doivent avoir le même objectif : aider les êtres humains à devenir les plus autonomes et les plus créateurs possibles.
Les entretiens sont menés par Katharina von Bülow.
Jean-Sébastien Bach (1685-1750) est l'un des plus grands compositeurs de l'histoire de la musique. La littérature abonde sur l'homme qui, parmi tant d'autres chefs-d'oeuvre, entendit et écrivit les Concertos Brandebourgeois, les trois centaines de Cantates, les Variations Goldberg, le Clavier bien tempéré, la Passion selon saint Matthieu, L'Art de la fugue, ou le continent des oeuvres pour orgue.
Pourtant, aucun de ces nombreux ouvrages n'a jamais estimé nécessaire de se pencher sur la pensée de Bach, son inspiration d'artiste, et son approche des questions cruciales de l'existence humaine.
Le premier pas qui permet de parler d'un homme qui n'a jamais fait secret de son inspiration profondément chrétienne est celui qui ouvre l'accès à sa pensée, celui qui accepte de traverser l'oeuvre que Bach a en toute conscience présentée comme sommet et testament : la Messe en si mineur. Car c'est bien dans cette messe que s'exprime l'insoupçonnée pensée théologique et catholique de Jean-Sébastien Bach, dont la musique témoigne au plus profond de la foi en l'Eucharistie.
Emission du "Libre journal des sciences".