Depuis 2004, le critique littéraire Juan Asensio tient en ligne un site qui se conçoit comme une "dissection du cadavre de la littérature". Il vient de publier Le temps des livres est passé (Ovadia, 2019), ouvrage qui regroupe le meilleur de ses études littéraires des cinq dernières années, de Max Picard à Robert Penn Warenn en passant par Ernesto Sabato, Joseph Conrad ou encore László Krasznahorkai.
Malgré (ou à cause de ?) sa réputation de virulence, qu'il entretient savamment, son site est devenu un incontestable lieu français de la littérature. On s'y agace parfois, souvent on s'y enthousiasme, mais toujours on s'y nourrit grâce à l'intelligence et l'érudition de ses articles.
Retour, en compagnie de Juan Asensio, sur la passion qui l'anime pour la littérature et sa défense, ainsi que sur l'idée qu'il se fait de son travail de critique.
Émission "Le monde de la philosophie", animée par Rémi Soulié.
Avant de devenir en 1946 Raymond Abellio avec son premier roman, Heureux les Pacifiques, Georges Soulès, polytechnicien, avait été militant révolutionnaire dans les souterrains de l'Histoire. On reproche encore à cet activiste trotskyste de s'être fourvoyé dans la Cagoule entre 1941 et 1943 et d'avoir été jusqu'à la fin de la guerre un agent double entre Vichy et Londres sans daigner choisir son camp.
En vérité, la naissance de Raymond Abellio correspond à la mort initiatique de Georges Soulès. Sa rupture avec la politique est radicale comme est absolue sa conversion à la littérature et à la philosophie.
Pendant quarante ans, jusqu'à sa mort en 1986, Abellio publiera des romans, des essais, des mémoires, un journal, un traité de phénoménologie génétique de la science : La structure absolue, qui feront de lui le seul écrivain métaphysique de sa génération.
Oeuvre initiatique, oeuvre éveilleuse, oeuvre illuminative ouverte à la double transcendance du corps et de la conscience, oeuvre gnostique orientée vers le centre secret d'une époque qui, dans son aveuglement, n'y verra qu'une oeuvre marginale. Le plus grand écrivain de l'action et de la méditation depuis André Malraux.
Émission "Une vie, une oeuvre", produite par Michel Camus.
Le poète, romancier, essayiste, cinéaste et dramaturge Pier Paolo Pasolini est l'une des figures de premier plan de la scène culturelle et politique Italienne de la deuxième montié du XXe siècle. Au travers des témoignages de quatre invités, l'attention est particulièrement portée sur son univers littéraire et ses idées politique.
Sont commentés sa poésie en dialecte puis en italien, son refus des dogmes, ses connaissances en Histoire de l'Art, son homosexualité, son exil à Rome et les éléments constituant son cinéma.
Émission "Une vie, une œuvre", produite par Francesca Isidori et Claude Giovannetti.
Dramaturge, poète et essayiste, Karl Kraus (1874-1936) fut avant tout un satiriste redouté, dénonçant dans sa revue "Die Fackel" les compromissions et faux-semblants des milieux littéraire et politique.
Avec Karl Kraus, phare et brûlot de la modernité viennoise (Seuil 2018), Jacques Le Rider livre une étude d'ensemble de l'œuvre de l'une des étoiles les plus brillantes de la Vienne du tournant du siècle à l’entre-deux-guerres, étude qu'il discute en compagnie d'un autre spécialiste de Karl Kraus, Gerald Stieg.
Un échange modéré par Olivier Guez.
En 1983, Philippe Muray enseigne pour quelques mois à l'université de Stanford. Cet écrivain, auteur de plusieurs essais dont l'un consacré à Céline, découvre lors de ce séjour aux Etats-Unis, ce que l’on allait appeler le "politiquement correct". Cette recherche obsessionnel du Bien et du progrès, la ruée vers la fin de toutes les différences (entre les sexes, entre le père et la mère, l'intime et le public), lui semble alors un mouvement de fond dangereux, qu'il voit se propager à la France dans les années 1980.
Partant de ce constat, Philippe Muray écrit L'Empire du Bien en 1991, dans lequel il démonte l'époque, ses personnages et leurs mœurs. Il poursuivra cette analyse critique jusqu'à sa mort, dans des articles et dans des livres. En 2002, il nomme La Grande Quinzaine cet entre-deux-tours qui oppose Chirac à Le Pen, pendant laquelle, selon lui, un élan de bonne conscience tient lieu de politique. D'où viendrait, selon lui, cette évolution sociétale ?
Philippe Muray trouvait dans mai 68 l'origine de cette société qu'il appelait hyperfestive : les fêtes de la Musique, du livre, des voisins, des poètes, la recherche de l'amitié de tous envers tous qui, disait-il, masquent le réel et nous endorment. Peut-être Philippe Muray était d'autant plus remonté envers son époque qu'il avait aimé la puissance libertaire des années 70 : il portait en lui ce dont cette période aurait dû accoucher.
Émission "Une vie, une oeuvre", produite par Virginie Bloch-Lainé et Clotilde Pivin.
Vladimir Dimitrijevic, fondateur de la maison d'édition L'Age d’Homme, nous présente le roman de Vassili Grossman Vie et Destin.
L'écrivain et journaliste, mort en 1964 à Moscou, avait écrit entre 1955 et 1960 sa somme romanesque. Il y décrivait la guerre, la bataille de Stalingrad, la barbarie allemande et soviétique.
Dans cette émission, l'éditeur Vladimir Dimitrijevic raconte son rôle dans la publication du roman de Vassili Grossman et évoque l'oeuvre et la biographie de l'écrivain.
Émission "Un livre, des voix".
Nous sommes dans la suburbia lorsque nous prenons la voiture pour aller acheter notre pain. Nous sommes dans la suburbia là où les livreurs de pizzas errent le soir sans fin dans des rues mal éclairées. Nous sommes dans la suburbia quand tous les bâtiments commencent à ressembler à des stations-services. Nous sommes dans la suburbia lorsque les galeries marchandes constituent le lieu favori de promenade dominicale.
A travers le prisme de l'art et de la littérature, la banlieue ne deviendrait-elle pas une "nouvelle manière de penser et de constituer l’espace urbain" – une suburbia ?
François Maspero est mort le 12 avril 2015 à l'âge de 83 ans. De la seconde guerre mondiale où moururent son père et son frère, aux guerres coloniales que ses éditions ont invité à penser différemment, en passant par les débats d'une société en plein bouleversement, Maspero a tracé une voie nouvelle dans l'histoire du livre et de l'édition de sciences humaines et sociales.
Sa librairie et ses éditions ont été un repère, un lieu de formation et d'échange pour toute une génération qui entrait en politique avec la guerre d'Algérie, les décolonisations et les mobilisations pour ouvrir la société. Et lorsque cette voie fut poursuivie par d'autres — dans les éditions La Découverte, créées en 1982 — Maspero a trouvé, toujours dans le compagnonnage des livres, sa propre "voix" d'auteur : écrivain toujours en mouvement, traducteur et extraordinaire conteur.
Rares sont les éditeurs qui ont aussi créé une œuvre littéraire personnelle aussi intime que tournée vers le monde. Une vie d'engagement, pour et par le livre.
Émission "Une vie, une oeuvre", animée par Perrine Kervran.