J'aime mieux avoir tort avec Sartre que raison avec Raymond Aron. On ne sait plus avec certitude qui a lancé cette boutade, mais elle résume bien l'état d'esprit majoritaire de notre intelligentsia, durant une bonne partie de la Guerre froide - et jusqu'aux lendemains des événements de Mai 68. La rigueur des analyses de ce philosophe de formation ; l'étendue de ses compétences, qui allaient de la sociologie à l'économie en passant par la géostratégie ont contribué, paradoxalement, à isoler Raymond Aron de la scène intellectuelle française. Aux emballements des idéologies, il avait le tort d'opposer le poids des faits. Son impressionnante production éditoriale, si elle était consacrée à analyser l'actualité, reposait pourtant sur une véritable épistémologie des sciences historiques. Et lorsque se produisit "l'effet Soljenitsyne" au milieu des années 70, Raymond Aron fut soudain consacré comme celui qui avait eu raison d'avoir raison…
Certes, il n'y a pas "d'aronisme", comme il y eut un existentialisme. Mais si Aron a renoncé à construire un système global d'interprétation, il y a une méthode, un état d'esprit, un appareil conceptuel aroniens. Désignant le lieu d'un libéralisme renouvelé en profondeur, ils peuvent être mobilisés pour penser notre réalité contemporaine. C'est ce à quoi s'attache cette série d'émissions.
Émission "Savoirs", animée par Brice Couturier.
Depuis les années 1970, l'œuvre de Cornélius Castoriadis apparaît de plus en plus comme une référence majeure pour tous ceux qui s'efforcent d'analyser la dynamique des sociétés contemporaines, d'élucider le sens du projet démocratique, ou de mettre en lumière les conditions auxquelles on peut penser l'histoire et la liberté.
Ce colloque a pour but de montrer et de discuter les principaux apports de cette pensée exigeante à la philosophie et à la théorie politique, mais aussi à la compréhension du présent et à l'épistémologie du savoir contemporain.
Cinq thèmes ont été retenus qui donnent lieu à des exposés et à des débats entre Cornélius Castoriadis et des intellectuels de divers pays :
- ontologie et épistémologie
- la théorie de la démocratie et l'expérience grecque
- le social-historique et l'imaginaire social des sociétés modernes
- les conflits politiques et les perspectives contemporaines
- l'inconscient et la psychanalyse
À gauche comme à droite, la remise en cause du travail en tant que tel n'existe que très peu. Considéré par les progressistes comme une nécessité naturelle et, l'exploitation en moins, un bien social, on peut critiquer la manière dont il est géré, comment il est indemnisé et qui en profite le plus, mais jamais le travail dans son principe même.
Dans Ne travaillez jamais, le chercheur gallois Alastair Hemmens part à la recherche de ceux qui s'y sont risqués. En s'appuyant sur le courant de la critique de la valeur issu de la théorie critique marxienne, il démontre que le capitalisme et sa crise finale ne peuvent être correctement compris que sous l'angle du caractère historiquement spécifique et socialement destructeur du travail.
C'est dans ce contexte qu'il se livre à une analyse critique détaillée de la riche histoire des penseurs français qui, au cours des deux derniers siècles, ont contesté frontalement la forme travail : du socialiste utopique Charles Fourier (1772-1837), qui a appelé à l'abolition de la séparation entre le travail et le jeu, au gendre rétif de Marx, Paul Lafargue (1842-1911), qui a appelé au droit à la paresse (1880) ; du père du surréalisme, André Breton (1896-1966), qui réclame une "guerre contre le travail", à bien sûr, Guy Debord (1931-1994), auteur du fameux graffiti, "Ne travaillez jamais".
Émission "Liberté sur paroles", animée par Eugénie Barbezat.
Le fétichisme de la marchandise est l'universelle domination sociale du quantitatif indistinct qui partout désormais développe l'exclusion spectaculaire du qualitatif dans la luxuriance aliénatoire de la dépossession humaine.
Aujourd'hui, dans ce monde du falsifié triomphant et de l'inversion généralisée, le krach inévitable du système des fictions faramineuses de l'économie spéculative s'annonce de plus en plus proche. Aussi, le gouvernement du spectacle mondial n'a t-il rien d'autre à offrir à la planète pour échapper à la faillite et tenter de sauver un dollar sur-hypothéqué que le chaos de la guerre sans fin par la mise en scène permanente de coup montés terroristes de vaste ampleur, menés de l'intérieur même des services spéciaux de la provocation étatique.
Francis Cousin nous livre une critique de la société de l'indistinction qui provient de l'histoire radicale des radicalités historiques elles-mêmes.
Aujourd'hui, trente ans après l'effondrement de l'URSS, Maxime Ouellet nous propose de dépasser les lectures sclérosées d'un Marx prisonnier du marxisme "réellement existant" en nous montrant comment sa pensée reste plus actuelle que jamais, notamment dans la manière dont la technique est envisagée dans son oeuvre.
Une approche originale qui doit nous aider à comprendre notre époque, caractérisée par un nouveau type d'aliénation accompagnée par l'essor des nouvelles technologies.
C'est en relisant Marx attentivement que Franck Fischback nous propose de distinguer le travail de la production afin de comprendre l'évolution de sa pensée critique. Seulement ainsi pourrons-nous comprendre que le devenir productif des activités de travail sous le capital détruit la relation métabolique entre systèmes naturels et systèmes sociaux assurée normalement par le procès de travail.
Cette rupture explique que l'épuisement des forces naturelles de la terre et celui des forces humaines de travail soient simultanés sous le capitalisme et qu'ils ne puissent être interrompus sans que la logique productive du capital le soit également.
À l'occasion d'une célèbre polémique avec Proudhon, Marx règle en 1847, dans Misère de la philosophie, ses comptes avec une certaine idée du socialisme et de l'économie, très bien incarnée par Proudhon. Critiquant le socialisme "petit-bourgeois", il précise ses thèses et en donne une version très accessible dans un texte brillant et caustique qui peut servir d'introduction à son oeuvre.
Ce texte ne doit pas cependant être pris pour argent comptant et les thèses de Proudhon, intéressantes par bien des aspects, méritent d'être redécouvertes, au-delà des caricatures...