Evénement considérable de ces dernières années en matière de publication philosophique en langue française, Bernard Bourgeois vient de nous livrer le premier volume de sa traduction "en français intelligible" de la Science de la logique de Hegel.
Pour celles et ceux qui éprouvent durement la "Misère de la philosophie" qui accable aujourd'hui la pensée critique et, il y a de nouveau le réconfort, pour les générations qui viennent, de pouvoir constater que la source hegelienne est loin d'être tarie.
Dans cette intervention en forme d'introduction, Bernard Bourgeois nous restitue la pensée de Hegel dans toute son "effectivité" et nous permet de mesurer son actualité en abordant quelques problématiques hegeliennes (sur l'Etat, la Nation, la dialectique de l'égalité et de la liberté, société et communauté, le sens de l'histoire, etc. ).
Le philosophe Benoit Bohy-Bunel nous propose une analyse critique suivie de la grande oeuvre de Kant, la Critique de la raison pure. Il s'agit d'une approche matérialiste, qui n'est pas économiciste, mais qui définit la matière comme rapports sociaux concrets entre corporéités agissantes.
La démarche idéologique kantienne s'inscrit dans une dépossession du travail manuel par le travail intellectuel. Dès lors, les facultés transcendantales de Kant perdent leur universalité et retrouvent leur perspective située : c'est le sujet masculin blanc et bourgeois qui s'arroge l'universalité, pour mieux assigner les individus minorisés qui sont considérés comme étant hors culture.
La chose en soi est définissable : elle est la souffrance des individus réifiés, que Kant ne veut pas (ou ne peut pas) thématiser. La dialectique transcendantale prend alors une tout autre signification, ainsi que tout le projet critique kantien.
La philosophie est-elle une vocation ? Comment viennent les idées ? Comment se fabrique un concept ? À quoi ressemble l'atelier du philosophe ? Et quel rôle doit-il jouer dans la cité ?
Portrait du philosophe Michaël Foessel, marqué par la rencontre avec l'écriture de Paul Ricoeur où il découvre la nuance et pour qui philosopher sert à maîtriser l'aspect immaîtrisable de la vie, reprendre la main.
La philosophie, une expérience de la liberté de penser.
Émission "Les Chemins de la philosophie", animée par Adèle Van Reeth.
La Révolution française, commence Jean-François Kervégan, a eu un impact considérable sur la philosophie allemande. Cette révolution s'est faite au nom de principes et au nom du droit. C'est une révolution philosophique. Les débats qui l'ont précédée sont nourris de philosophie. De l'autre côté du Rhin, une autre révolution a eu lieu, celle du kantisme. Mais c'est une révolution philosophique. Si bien que Hegel a pu dire des Allemands qu'ils avaient fait en théorie ce que les Français avaient réalisé en pratique.
La philosophie juridique et politique de Kant constitue un commentaire spéculatif de la Révolution française. Celui-ci commence par une refonte de la problématique du contrat social.
À la différence de ses prédécesseurs, Kant rejette l'hypothèse d'un état de nature ou d'un contrat social primitif. Ni l'un ni l'autre ne sont un objet d'expérience, ils ne peuvent donc être connus. Le contrat social doit être conçu comme la norme rationnelle de toute communauté politique effective. Il représente une idéalité, la condition normative de légitimité de l'autorité politique. Tout doit donc se passer comme si le pouvoir légitime était fondé sur un contrat originaire de chacun avec chacun. La société politique est normativement fondée sur le contrat social. Elle se distingue de toutes les formes d'associations qui ne présupposent pas l'idéalité normative du contrat social. La société politique est une construction normative. L'état de nature s'en distingue car il ne repose pas sur une norme. Cet état de nature n'est d'ailleurs pas exclusif de toute vie sociale.
La constitution de la société politique repose sur des principes de droit public. Ces principes sont au nombre de trois : la liberté, l'égalité et l'indépendance. Le premier de ces trois droits et le plus important. Le principe de liberté s'applique à l'homme. C'est un droit antérieur à la société politique mais qui ne prend sens qu'à l'intérieur de celle-ci. Le principe d'égalité juridique des sujets du pouvoir signifie que ceux-ci ont un pouvoir de contrainte mutuelle. Il n'y a pas d'inégalité juridiquement valable. Les privilèges doivent être abolis. Le principe d'indépendance concerne l'indépendance économique des citoyens. Elle est, selon Kant, la condition de leur indépendance politique.
Composante essentielle de la civilisation occidentale, la rationalité imprègne si bien tous nos modes de pensée que l'on en viendrait presque à oublier qu'elle a une histoire. À l'heure du triomphe de la raison technicienne, François Châtelet nous invite à une passionnante remontée aux sources.
De Socrate à Platon, de Galilée à Machiavel et de Nietzsche à Freud, il retrace "l'invention de la raison", marque les grandes étapes de la pensée philosophique et montre – avec sa simplicité coutumière et un rare talent de conteur – comment se sont tissés d'indissolubles liens entre la liberté et la raison, même si cette dernière, conclut-il, n'a pas encore atteint "l'âge de raison".
Au fil des siècles, de nombreux courants de pensée ont façonné notre conception du monde et notre manière d'appréhender l'existence : Qu'est-ce que la vérité ? Comment peut-on vivre heureux ? Dieu existe-t-il ? Quel est le sens de notre vie ?
Bien loin du jargon des spécialistes, le professeur de philosophie Charles Robin nous rend accessible les œuvres des plus grands philosophes afin d'en faciliter la compréhension et, pourquoi pas, de nous faire changer le regard que nous portons sur nous-mêmes et sur le monde.
Une initiation sérieuse à une discipline souvent difficile d'accès, dans un langage clair et une atmosphère détendue.
Dans l'histoire de la philosophie, le réalisme désigne la position qui affirme l'existence d'une réalité extérieure indépendante de notre esprit. Cette position affirme également que le monde est une chose et que nos représentations en sont une autre.
Depuis l'interpréation douteuse qu'en a proposé Fichte, Kant est resté assigné à la catégorie des idéalistes.
Bernard Bourgeois, grand spécialiste de l'histoire de la philosophie allemande moderne, entend ici démontrer que Kant appartient pourtant bien à la tradition réaliste lorsqu'il est compris correctement, et que sa philosophie s'oppose même frontalement à l'idéalisme et à ses conséquences les plus néfastes.
Saturne, c'est ici l'Absolu de Hegel, un Absolu pensé si seul qu'il ne vit que de la perpétuelle dévoration de ses propres enfants, craignant d'être détrôné de son absoluité s'il n'absorbe pas, à mesure qu'il la produit, sa propre altérité. C'est cette solitude de Dieu qu'interroge Romain Debluë en suivant au sein de l'œuvre hégélien l'évolution, puis le plein déploiement conceptuel de la notion de Singularité, qui n'est autre que le nom divin par excellence. Si Dieu, l'Absolu, est pour Hegel la Singularité même, ce n'est que parce qu'il est le mouvement de réflexion réciproque de l'Universel et du Particulier : l'Esprit est la réflexion du Logique dans la Nature, et de la Nature dans le Logique.
Hegel ou le festin de Saturne se présente alors comme une enquête destinée à dévoiler le meurtre rituel dont la Singularité est le nom dans le Système hégélien. Or, cette Singularité, que nous sommes habitués à entendre individuelle, s’y révèle être boulimique ou, justement, saturnienne. S’ouvrant sur la faillite spéculative des singuliers sensibles au début de la Phénoménologie de l'Esprit, le travail de Romain Debluë ne pourra se conclure qu'avec le triomphe de la Singularité dialectique ne laissant rien – pas même ou surtout pas – son Autre hors d'elle-même, lorsque ce triomphe sera mesuré à l’aune de la conceptualité chrétienne dont se revendique le protestant Hegel, mais qu'il trahit sur un point capital en voulant l'accomplir.
Mais Saturne, c'est aussi le "soleil noir" des alchimistes, que l'on a pu associer au soleil obombré au moment de la mort du Christ : quoi de plus naturel, dès lors, que d'en faire l'astre tutélaire d'un système qui se construit tout entier autour d'un "Vendredi-saint spéculatif" ? Car, comme Dante dut traverser les neufs cercles de l'Enfer avant d'espérer pouvoir s'élever au Purgatoire, puis au Paradis, l'homme pensant doit traverser le Système de la Science, en subir peut-être les glaçantes tentations, en méditer en tous cas la fascinante rigueur conceptuelle, pour pouvoir ensuite espérer voir scintiller devant lui les lueurs matinales d'un inattendu "dimanche de Pâques spéculatif".
Émission "Le monde de la philosophie", animée par Rémi Soulié.