Raymond Boudon illustre ici son intérêt pour l'analyse du changement social, de la perspective qualifiée d' "individualisme méthodologique", selon laquelle les causes ultimes de tout phénomène social résident dans des actes, des croyances ou des attitudes individuelles.
Si cette méthode -philosophiquement libérale- est actuellement assez largement pratiquée et acceptée, elle a dû s'imposer contre des mouvements de pensée à présupposés holistes qui exercèrent une influence considérable sur les sciences sociales, tels le marxisme ou le structuralisme.
En France, l’approche contrefactuelle ("What If History") prête à sourire. Ignorée par les historiens professionnels, elle est assimilée à un genre littéraire "mineur" : l’uchronie.
Elle a pourtant donné lieu depuis les années 1990, dans le monde universitaire anglo-saxon, à un domaine de recherche à part entière, avec ses débats épistémologiques et ses colloques internationaux.
Est ici présenté la démarche contrefactuelle visant à imaginer ce qu'aurait été l'histoire sans Marx et sans Freud.
Cette approche permet ainsi de questionner de manière originale les problèmes de la causalité, du rôle de l’imagination, de l’écriture et des usages politiques de l’histoire.
La conférence est délivrée dans le cadre du séminaire "Usages et enjeux du raisonnement contrefactuel en histoire et dans les sciences sociales."
Il y a chez Hayek (1899-1992) une théorie originale de l’évolution culturelle, qui reprend des traits essentiels de la théorie darwinienne de l’évolution biologique tout en se distinguant d’elle par certains aspects très importants.
Il y a aussi une théorie élaborée du droit, de sa nature, des grandes catégories de règles entre lesquelles il se divise, et de ses modes d’évolution.
Il y a par ailleurs une psychologie cognitive et une analyse approfondie de ce qu’on appelle les savoirs pratiques, c’est-à-dire sur la faculté qu’a l’esprit humain – proche en cela de l’esprit animal – de se repérer efficacement dans un environnement complexe sans passer par la médiation d’une représentation théorique, "cartésienne", de la réalité.
Il y a enfin chez Hayek une épistémologie élaborée, mettant l’accent sur la complexité sociale, les limites de la raison humaine, l’impossibilité de parvenir à l’omniscience et les erreurs fatales auxquelles conduit l’illusion qu’on le peut – notamment les illusions du positivisme juridique.
En faisant conjointement usage de ces différents éclairages théoriques proposés par Hayek, on peut parvenir à une vue précise de ce que sont en général des normes de comportement dans un groupe, que ce soit un groupe restreint (normes professionnelles, "culture d’entreprise"…) ou la société dans son ensemble (normes morales et juridiques). Le problème de la norme juridique est ainsi situé dans le contexte d’une philosophie sociale plus générale, par rapport à laquelle ses spécificités se découpent d’autant mieux.
Conférence donnée dans le cadre du cycle "Gouverner par les normes - de Hume au ranking".
La conférencière présente l'oeuvre de Max Weber en essayant de la dégager de certains débats jugés dépassés et caricaturaux (holisme contre individualisme méthodologique, ou matérialisme contre idéalisme), afin de voir en quoi les concepts wébériens les plus connus permettent d'appréhender la réalité sociale du XXIème siècle.
Plus qu'une série de catégories toutes faites et prêtes à l'emploi, l'oeuvre de Weber est le produit d'une démarche toujours inachevée, collection d'idéaux-type construits sur une pluralité de liens causaux historiques.
C'est la richesse des outils que Weber a légués qui justifie de s'intéresser à son oeuvre aujourd'hui.
Séminaire "Qu’est-ce qui fait société : l’économique, le droit, le politique, le religieux ?"
L'usage de la modélisation mathématique en économie, et plus généralement dans les sciences sociales, choque un public décontenancé par l'imprévisibilité de la crise économique de 2008.
Ivar Ekeland défend sa conception des sciences économiques et se propose de montrer que l'usage des modèles mathématiques est légitime, puisqu'assis sur des bases expérimentales solides, ayant produit une méthode fondée sur un nombre d'axiomes permettant des applications concrète.
Un document important pour comprendre le temps présent.
Dans un deuxième temps, Jean-Philippe Bouchaud, Jean-Paul Delahaye et Jon Elster réagissent à l'exposé.
Alain Laurent, philosophe libéral, commente en nous rappelant en quoi consiste l'individualisme méthodologique, d'un point de vue historique et épistémologique. Il continue en engageant une réflexion critique visant à déconstruire les interprétations actuelles qui reviennent à transformer ce principe libéral classique en méthode d'explication des phénomènes sociaux émergents qui relève d'un holisme de composition et valide les "illusions groupales".
Il nous invite enfin à explorer de nouvelles pistes conduisant à une version plus subjectiviste et radicale de l'individualisme : un nominalisme sociologique non récupérable par ceux pratique une sociologie holistique.
Cette tâche se révèle, de son point de vue, urgente car la rhétorique dominante manipulerait de plus en plus les acteurs sociaux comme "communautés", "sujets collectifs" ou autres "processus sans sujets" - au détriment des individus pensants et agissants et de leurs interactions.
Alain Laurent, en tant qu'intellectuel libéral, s'interroge sur le pourquoi et le comment de l'ordre social en utilisant la méthode de l'individualisme méthodologie.
La célèbre "main invisible" a été conceptualisée par des penseurs de renom, notamment des sociologues : de la société ouvertes de Karl Popper aux effets de composition de Raymond Boudon en passant pas l'égoïsme rationnel d'Ayn Rand, c'est toute l'histoire de l'émergence de l'ordre spontané qui est ici convoquée.
Un document important pour comprendre l'approche des libéraux pour qui le facteur surdéterminant reste "l'action humaine" (Von Mises).